Nations unies
Migrations : où vont-ils ?
Une informaticienne vénézuélienne en poste à Göttingen. Comme la plupart des pays industrialisés, l'Allemagne recherche de la main-d'oeuvre hautement qualifiée.(Photo : AFP)
Une informaticienne vénézuélienne en poste à Göttingen. Comme la plupart des pays industrialisés, l'Allemagne recherche de la main-d'oeuvre hautement qualifiée.
(Photo : AFP)
Les flux migratoires mondiaux augmentent, mais moins qu’avant, et ces flux se concentrent encore plus que par le passé sur quelques pays industrialisés. Ces tendances apparaissent dans un rapport préparé par le Conseil économique et social des Nations unies. L’étude servira de base de travail aux discussions prévues sur ces questions pendant la prochaine assemblée générale des Nations unies, en septembre prochain.
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En 2005, le nombre de personnes ayant quitté le pays pour aller vivre ailleurs s’est élevé à 191 millions. En 1990, ce nombre était de 175 millions. En 15 ans, le nombre de migrants a donc augmenté de 36 millions mais ce chiffre est à comparer avec celui de la période d’étude précédente. Entre 1975 et 1990, ils avaient été plus nombreux à partir tenter leur chance dans un pays étranger : 41 millions.
Comparer ces deux périodes de même durée montre que globalement les flux migratoires mondiaux se sont ralentis. Et comme on le sait avec l’immigration clandestine, ce sont les pays industrialisés qui, l’année dernière, ont accueilli le gros des migrants légaux. Six d’entre eux sur dix vivent aujourd’hui dans des pays développés. Un migrant sur trois vit en Europe et environ un sur quatre vit en Amérique du Nord. Avec 28% des migrants, l’Asie représente une proportion essentielle des candidats au départ.
Fidèles à leur réputation de pays pionnier, les Etats-Unis continuent d’attirer ceux qui veulent tenter leur chance loin de chez eux. Le pays de l’oncle Sam reste la première destination des migrants. Si en 1990 les Etats-Unis accueillaient 15% du total des migrants, en 2005, le chiffre est passé à 20%. De toute façon, un nombre relativement restreint de pays accueille la plupart des migrants, à peine une trentaine, que ce soit aujourd’hui comme il y a quinze ans.
Partir, mais aussi s’établir ailleurs et se fondre dans une autre population. Dans les deux tiers des pays d’immigration, les étrangers représentent moins de 10% de la population. Cette proportion est pourtant dépassée dans plusieurs pays riches comme l’Australie (20%), le Canada (19%), la France (11%), l’Allemagne (12%), l’Arabie Saoudite (26%), l’Espagne (11%) et les Etats-Unis (13%).
Près de la moitié des migrants sont des femmes. Au niveau mondial, cette proportion est passée de 49% en 1990 à près de 50% en 2005. Toujours l’année dernière, en Europe, les femmes représentaient 53% des migrants, le plus souvent pour des raisons de regroupement familial, même si ce système est en perte de vitesse. Quand elles tentent leur chance « comme un homme », les femmes sont en général originaires d’Amérique du Sud, rarement d’Afrique ou d’Asie.
Malgré la baisse globale des départs pendant les 15 dernières années comparée aux 15 années précédentes, le niveau des flux vers les pays développés est resté élevé, estime le rapport onusien. Le nombre de migrants vivant en Europe est de 64 millions environ. De plus en plus d’étrangers obtiennent un permis de séjour en raison de leur qualification et de leur compétence professionnelle. Ceux qui s’installent dans un pays d’immigration sont plus diplômés aujourd’hui qu’il y a quinze ans. Environ 85% des migrants ayant fait de longues études s’installent dans six pays seulement : Etats-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni, Allemagne et France. Ces migrants viennent en particulier du Danemark, d’Italie et du Royaume-Uni. En ce qui concerne les pays en développement, les plus gros contingents de migrants très diplômés viennent de Chine, d’Inde, des Philippines et de Corée. Ce besoin de main-d’œuvre très qualifiée (ou peu qualifiée comme les saisonniers) donne une dynamique à l’immigration vers les pays développés.
Des flux différents en Europe
En Europe, l’immigration a beaucoup changé durant les dernières décennies puisque plusieurs pays, qui étaient ceux d’où l’on partait, sont devenus des pays d’accueil. Ainsi, depuis 1990, les flux migratoires vers la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et l’Espagne ont considérablement augmenté, particulièrement dans ce pays. Et sans l’apport des migrants, le niveau de la population européenne aurait baissé beaucoup plus qu’aujourd’hui. Les nouveaux venus étant généralement jeunes, ils freinent le vieillissement de la population et réduisent l’écart entre sa partie active et sa partie inactive.
En Afrique du Sud, la fin de l’apartheid a été à l’origine d’importantes mutations, aussi bien dans le sens des arrivées que des départs. Davantage de Sud-Africains sont partis vers des pays développés sans que leurs départs ne soient totalement compensés par l’arrivée d’autres migrants originaires d’autres pays d’Afrique.
Les migrations entre l’Afrique et les pays développés restent influencées par les liens culturels et le passé colonial. La France par exemple compte un grand nombre d’immigrés venant d’Afrique du Nord et 6,5% de sa population étrangère est originaire d’Afrique subsaharienne. Dans les pays de l’OCDE, 5% environ des migrants viennent d’Afrique du Sud, du Kenya, du Nigeria et du Sénégal.
Concernant l’effet des migrations sur les économies des pays d’accueil, le rapport est prudent. Selon ses auteurs, les données dont on dispose parlent d’une incidence faible sur l’emploi et les salaires. En Europe, un certain nombre d’études suggèrent que l’augmentation de l’immigration entraîne un recul de l’emploi des non-immigrés, notamment pour les personnes peu qualifiées. D’autres études montrent une baisse du chômage des non-immigrés parce que les arrivants consomment de plus en plus.
L’émigration de travailleurs qualifiés a un effet sur le pays d’origine et peut lui porter préjudice, surtout si ce pays est petit, car il perd une part importante de son potentiel de matière grise. Cependant en contre-partie, le transfert de capitaux peut souvent stimuler le développement de ce pays. Ces dernières années, les gouvernements ont eu tendance à encourager le retour au pays ou du moins à chercher à maintenir des liens plus étroits avec les citoyens installés à l’étranger. Soixante-douze pays ont aujourd’hui des politiques de soutien au rapatriement de leurs ressortissants, contre 59 en 1996.
par Colette Thomas
http://www.rfi.fr/actufr/articles/076/article_42902.asp