2.6 Solde budgétaire
Différence entre les recettes et les dépenses.
Le solde budgétaire de l’Afrique du Sud entre 1991 et 2000 se tient toujours sous la barre du zéro, c’est-à-dire qu’il est négatif. Tout d’abord, le pays connaît une récession en 1991 ce qui fait descendre le solde budgétaire au plus bas niveau. Plusieurs autres facteurs expliquent cette descente : on a décidé d’intégrer dans la fonction publique des anciens fonctionnaires des « anciens homelands » qui possèdent beaucoup trop d’avantages salariaux, donc qui coûtent cher à l’État. De plus, les entreprises publiques sont mal gérées et donnent beaucoup d’avantages monétaires aux gens qui peuvent en profiter, soit les Blancs. Finalement, le gouvernement sait que la transition démocratique se rapproche et adopte alors beaucoup plus de politiques sociales. Bref, de 1991 à 1992, le pays connaît une augmentation des dépenses sans une augmentation des revenus, ce qui rend le solde budgétaire au plus bas niveau des années 90.
À partir de 1992, on tente de remonter la pente malgré le lourd déficit larguer par l’année précédente. Le gouvernement stabilise et réduit un peu ses dépenses. Le pays connaît alors une légère remontée, mais qui croît beaucoup plus lors de la transition démocratique en 1994. À ce moment, l’entrée au pouvoir de l’ANC fait changer les façons de faire au gouvernement. À priori, l’ANC considère qu’il y a beaucoup trop d’emplois inutiles dans la fonction publique, ce qui va entraîner une large diminution de la taille de la fonction publique. Les dépenses de l’État pour payer toutes ces personnes travaillant dans la fonction publique sont diminuées au maximum. Par contre, il pourrait y avoir encore moins de dépenses dans la fonction publique s’il n’y avait pas les « sunset clauses » inscrites dans la constitution de 1996 et qui oblige le gouvernement en place à garder les mêmes fonctionnaires d’avant l’apartheid et de freiner les mises à pied.
Un autre facteur qui explique cette montée du solde budgétaire est les économies effectuées sur les dépenses militaires. En effet, pendant l’apartheid, l’Afrique du Sud a mis beaucoup l’emphase sur la sphère militaire et investissait beaucoup dans ce domaine. Après 1994, le gouvernement ne voyait pas l’utilité d’investir autant, donc il y a une baisse des dépenses militaires qui a affecté le solde budgétaire positivement.
Cette croissance s’est terminée en 1996 où le budget s’est équilibré, c’est-à-dire que les dépenses et les revenus ont été les mêmes. Par contre, à partir de 1996, le solde budgétaire a amorcé une autre descente qui se traduit par une grande augmentation des dépenses sociales, surtout dans les domaines de l’éducation et de la santé. Donc, le solde est redevenu négatif.
Par la suite, en 1997, le solde budgétaire s’est amélioré et on attribue cette amélioration à la mise en place de la politique macroéconomique qu’est le « Growth, Employment and Reconstruction Programme » (GEAR). Ce programme d’ajustement structurel qui suit les politiques du néolibéralisme vise la stabilisation monétaire et financière pour permettre une croissance économique de l’Afrique du Sud. Les moyens mis en œuvre représentent la restructuration de l’État et des entreprises publiques pour qu’elles soient davantage efficaces. Ces moyens ont diminué les dépenses du pays ce qui a contribué à améliorer le solde budgétaire.
Graphique 2.6 : Solde budgétaire
Source : Fond Monétaire International : statistiques financières internationales, octobre 1996 et octobre 2002. [En ligne]. www.imf.org (page consultée en hiver 2004)
2.7 Le solde commerciale
Désigne pour un pays la différence entre les exportations et les importations de marchandises. Cette expression renvoie à la notion de « balance commerciale » qui était une des balances incluses dans la balance des paiements.
Un fait est à noter en regardant le graphique : la balance commerciale de l’Afrique du Sud entre 1991 et 2000 est toujours positive et les chiffres ne varient pas beaucoup (entre 0% à 2,5% du PIB). Le changement le plus flagrant est la décroissance de la balance commerciale à partir de 1993 jusqu’en 1995 environ.
D’abord, ce sont les effets de la Guerre Froide qui se font ressentir. En effet, l’Afrique du Sud a longuement profitée de la course aux armements des protagonistes lors de la Guerre Froide. La demande était alors très forte pour les matières premières que possède en grande quantité l’Afrique du Sud.
Après cette guerre terminée, les exportations en matières premières ont beaucoup diminué puisque dans les faits, la demande internationale n’y était plus. L’Afrique du Sud, ayant pour bases les infrastructures pour la vente de matières premières, a subi grandement les conséquences de la diminution de la demande, car le pays n’est pas du tout compétitif pour la production manufacturière. Cette diminution de la balance commerciale n’est pas attribuée du tout à la détérioration des échanges qui ont même un peu augmentées (3%), mais c’est plutôt que l’Afrique du Sud a augmenté considérablement ses importations (65%) par rapport à ses exportations (33%).
De 1995 à 1996, la balance commerciale s’est maintenue environ au même niveau qu’en 1995 et c’est en 1998 qu’elle remonte tout doucement. Cette remontée a pour causes à priori la reprise des exportations et le fait qu’elles viennent dorénavant s’équilibrer avec le taux d’importation. L’augmentation des importations s’est beaucoup accentuée grâce aux échanges sur le continent africain et la reprise des exportations sur le marché asiatique, fermé depuis la crise internationale de l’Asie. Le marché sud-africain est aussi davantage compétitif depuis l’avènement du GEAR. Le but de l’Afrique du Sud est encore aujourd’hui d’augmenter les exportations de produits manufacturiers.
Graphique 2.7 : La balance commerciale
Source : Fond Monétaire International : statistiques financières internationales, octobre 1996 et octobre 2002. [En ligne]. www.imf.org (page consultée en hiver 2004)
2.8 La balance des opérations courantes
La balance des opérations courantes regroupe la balance commerciale (y compris le négoce international) et la balance invisible (opérations sur les biens et services lors de passages aux frontières par exemple). Le solde de cette balance est donc capital, il apporte plus d’informations que celui de la balance commerciale qui ne tient compte que des échanges de biens.
La balance des opérations courantes suit les mêmes courbes que la balance des paiements, le solde courant se retrouvant pendant plusieurs années dans le négatif. Ceci s’explique par le fait que la balance commerciale est incluse dans la balance des opérations courantes. Une seule différence est remarquée exactement en 1995. En effet, la balance des opérations courantes connaît une légère augmentation. Cette hausse survient après la transition démocratique de 1994; la diminution des tensions sociopolitiques permet le rétablissement d’une stabilité économique favorable aux investissements.
En général, l’Afrique du Sud ne connaît pas un niveau d’investissement très élevé, c’est ce qui explique le fait que la balance des opérations courantes et la balance commerciale suivent les mêmes fluctuations. En 2001, la balance des opérations courantes a augmenté, car le tourisme connaît un certain essor passant de 4.8 millions en 2001 à 5.3 millions en 2002, pour la même période de temps.
Graphique 2.8 : La balance des opérations courantes
Source : Fond Monétaire International : statistiques financières internationales, octobre 1996 et octobre 2002. [En ligne]. www.imf.org (page consultée en hiver 2004)
PARTIE III : LA CONSOLIDATION DÉMOCRATIQUE DE L’AFRIQUE DU SUD À TRAVERS SON PROCESSUS D’INTÉGRATION SOCIOÉCONOMIQUE.
3.1 MISE EN CONTEXTE ET CONTEXTE HISTORIQUE
La transition démocratique de 1994 a suscité au sein de la population noire sud-africaine beaucoup d’espoir en ce qui concerne l’amélioration de ses conditions de vie, voir de son ascension au sein de l’économie sud-africaine. Le capitalisme sud-africain, dont les mécanismes se sont longtemps traduits au quotidien par l’exploitation et l’esclavagisme des Noirs, a dû, pour cette raison, se redéfinir afin de trouver un terreau idéologique propice à son redéploiement.
Certains affirment que la transition démocratique était vitale à sa survie, d’autres que l’apartheid a choisi son nouveau visage : le néolibéralisme sud-africain. Quoiqu’il en soit, la situation ne peut être plus catastrophique que sous l’apartheid. Rappelons brièvement la situation socioéconomique qui prévalait pendant l’apartheid.
3.1.1 Contexte historique
La reproduction d’un système inégalitaire en Afrique du Sud, c’est-à-dire l’apartheid, fût permis d’une part grâce à l’aspect répressif de son gouvernement et d’autre part, à l’aide des contours socioéconomiques propres d’une exploitation humaine ségrégationniste et raciste. L’origine des deux nations en Afrique du Sud, blanche et noire, se situerait grosso modo à la fin du XIXième siècle avec la découverte d’un immense capital national, celle de réserves d’or et de diamants jusque là inexploitées. Le monopole colonial de son extraction, signe d’une expansion précoce mais assurée d’un capitalisme sauvage, sera dès lors assuré et fortifié à travers l’exploitation abusive et anti-humaine d’une classe ouvrière noire peu qualifiée et malléable.
La montée de l’apartheid aurait pour causes les nombreuses défaites essuyées par la classe ouvrière noire. Cette dernière, dès 1924, souffre d’une violente marginalisation, à la fois économique et politique. Ses alliées sont de plus en plus dilués, la force ouvrière en est ébranlée. Mais ce n’est réellement qu’à partir des années 40, avec une fulgurante montée nationaliste, que se cristallisent les paramètres et le discours de l’apartheid. L’année 1948 marque l’arrivée au pouvoir du National Party. Le contrôle envers les Noirs est durci, leurs droits supprimés. On les consigne dans des « homelands » représentant moins de 13% du territoire.
L’apartheid devient son outil et le vecteur d’un capitalisme d’alliance, multiforme, raciale et déployé sur autant de secteurs que l’agriculture, les mines et le secteur industriel. Ce même État parvient toutefois difficilement à soutenir adéquatement les contradictions d’un capitalisme sud-africain flottant entre d’une part une accumulation fleurissante de capital et d’autre part, une masse d’ouvriers noirs et déclassés et économiquement insoutenables.
L’après-guerre apportera sa solution; l’État d’apartheid adopte une nouvelle stratégie d’accumulation basée sur la substitution des importations et la dépendance vis-à-vis une classe ouvrière noire et bon marché. Cette nouvelle stratégie, gérée d’une main de fer, vient assurer aux Blancs un haut niveau de confort social et aux Noirs, une répression toujours plus assidue. Bien que ces derniers soient tenus de consommer les produits de leur esclavage, la surproduction de biens de luxe et le peu de marchés pour s’y écouler, viendra finalement confirmer les contradictions d’un système déjà en mal de légitimité, tant sur la scène nationale qu’internationale. La substitution des importations ne réussit pas à se tourner vers l’exportation, stade pourtant final d’une telle stratégie. Finalement, l’or et le diamant, tel un pays du Tiers-monde, demeurent toujours la source de richesse de l’économie sud-africaine.
Néanmoins, la nouvelle stratégie économique adoptée par l’ANC n’aura pas été socialiste, comme nous l’aura fait croire Nelson Mandela avant les premières élections multiraciales de 1994, mais plutôt néo-libérales. Pourtant, en 1990, l’on regardait l’Afrique du Sud avec beaucoup d’espérances. Certes, le pays souffrait de crises énormes, la reconstruction était de taille, mais l’imaginer devenait le fantasme des plus grands politologues et économistes de ce monde. L’Afrique du Sud avait la possibilité de choisir son destin, qui dit mieux, d’innover et d’offrir de nouvelles perspectives de développement au théâtre des économies moyennement avancées.
Nelson Mandela clamait lui-même à l’époque :
« Le peuple aura sa part dans la richesse du pays! Les richesses nationales, qui constituent l’héritage de tous les Sud-africains, seront rendues au peuple. La propriété des richesses du sous-sol, des banques et des monopoles industriels sera transférée au peuple dans son ensemble. Tous les autres secteurs industriels et commerciaux seront contrôlés en vue d’assurer le bien-être de la population. »
Comment peut-on expliquer par ailleurs un revirement si majeur dans le positionnement économique de l’ANC ? Sa pensée a évoluée si vite qu’en moins de deux ans, la politique économique du RDP ( Reconstruction and Development Programme) a été abandonnée en tant que stratégie globale. Sous la pression du lobbying des think tanks afrikaners et du patronat, la révolution sociale est mise à pied au profit d’un ultime objectif : l’accélération de la croissance économique et de la création d’emploi. Les lignes maîtresses du GEAR ( Growth, Employment and Reconstruction Programme) étaient déjà tracées. Malgré tout, il faut supposer que les pressions internationales et les difficiles manches de négociations avec le président De Klerk ont poussé Mandela au besoin d’assurer la crédibilité de ses nouvelles politiques économiques, tant à l’externe qu’à l’interne.
Plusieurs facteurs ont entraîné l’abandon du Programme de Reconstruction et de Développement : chute de l’Union soviétique, échec des politiques socialistes de la Zambie et de la Tanzanie. Ce programme avait pourtant suscité un engouement pour ces principes keynésiens, mais n’avait pas plût aux économistes officiels. Sa stratégie de « croissance par la redistribution » en faisait craindre plus qu’un. Cette stratégie est dorénavant remplacée par la stratégie du GEAR qui, à son opposée, est une stratégie focussant sur l’offre et misant sur la « redistribution par la croissance ». Cette stratégie macro-économique est rédigée par South African Foundation et appuyée par les milieux d’affaires. Notre analyse porte sur la consolidation démocratique et l’intégration socioéconomiques des Noirs en Afrique du Sud. La question qui se pose est : est-ce que le GEAR est un projet qui a permis l’intégration socio-économique des parias de l’apartheid? L’analyse sera considérée principalement sous l’angle de deux indicateurs économiques : le revenu et l’espérance de vie. Nous présenterons d’abord les principaux traits de ce programme économique pour finalement statuer sur quelques recommandations pratiques.