L'Afrique et la corruption
Les autorités camerounaises, avec à leur tête le Président Paul Biya, ont décidé de lancer à Ebolowa, une ville à 160 km au Sud de Yaoundé, une campagne nationale de lutte contre la corruption. L'opération va durer deux mois...
En fait de campagne, il s'agit d'une série de tables rondes animées par les gens du gouvernement pour sensibiliser le peuple sur le fait que la corruption est une mauvaise chose pour le pays.
Selon le président de l'Observatoire camerounais de lutte contre la corruption (OLC), Christol Georges Manon: «Au moins 40% des recettes enregistrées chaque année ne servent pas le développement pour cause de corruption».
En 1998, le Cameroun a occupé le premier rang mondial des pays les plus pays corrompus, selon le classement de Transparency international. Ce classement est le fruit de 16 sondages effectués par dix institutions indépendantes. Et, pour qu'un pays soit réellement pointé du doigt, il faudrait qu'il «réussisse» le test d'au moins trois sondages. La note s'étend de 10, pour ceux dont la probité élevée, à 0, pour les pays rongés pour longtemps par la corruption.
Transparency international est une ONG allemande basée à Berlin. Certaines ONGs et des gouvernements rejettent le système de notation de Transparency international qui selon eux sert de référence au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale, notamment pour exercer une pression sur les pays les plus corrompus.
Dans son dernier rapport, on découvre que l'Afrique est le continent le plus pauvre de la planète est le plus touché par la corruption en 2005. La quasi totalité des pays africains sur lesquels s'est penchée l'Organisation berlinoise, ont obtenu une note inférieure à 3 sur 10, selon les critères permettant de mesurer les dégâts causés par les malversations de haut vol. Quarante-quatre pays africains ont été passés au crible du sondage. Une dizaine seulement ont une note supérieure à 3. Et, fait rare pour le continent africain, le petit Botswana, classé à la 32e place mondiale, s'est retrouvé au dessus de la moyenne avec une note de 6,9 sur 10, obtenant ainsi le premier rang dans le palmarès des pays africains les moins corrompus, derrière la Tunisie au 39e rang avec 4,9, l'Afrique du Sud au 44e rang avec 4,5, les Îles Maurice 54e avec 4,2 et, enfin, les Seychelles 48e avec 4.
Entre autres maux, outre le retard pris dans le développement, l'absence de contrôle des richesses, le manque de développement d'institutions véritablement démocratiques, l'absence de liberté démocratiques dont celle cruciale de la presse, la corruption est parmi les grands fléaux qui ont rendu malade le continent.
Certains pays comme le Burkina Faso ne figurent pas sur la liste parce qu'ils refusent de donner des informations. L'humour africain a tourné en dérision ce manque: nos confrères africains disent que la corruption est telle dans certains pays africains qu'ils sont tout simplement inclassables!
D'autres pays où la corruption est devenue légendaire comme le Nigeria ont enregistré une légère progression, en passant de 1,6 en 2004 à 1,9 en 2005, laissant au Tchad occuper le 158e rang c'est-à-dire la dernière place du classement mondial.
Il faut comprendre que le fléau n'est pas seulement africain mais concerne à des degrés divers tous les pays de la planète. Il faut comprendre également que la corruption en Afrique n'existe que parce que des corrupteurs existent au nord. D'ailleurs à ce sujet et à titre d'exemple, la branche canadienne de Transparency International reproche au gouvernement canadien de fermer les yeux sur les cas de corruption impliquant les entreprises de ce pays à l'international. La compétitivité des entreprises canadiennes à l'international ne doit souffrir d'aucune entrave, même si celle-ci a trait à la lutte anticorruption.
La corruption sabote le développement
Il est désormais admis par tous que le fléau de la corruption en Afrique est toujours fortement incrustée dans les instituions de l'État et, partant, dans la société et nuit gravement au développement économique et à la stabilité des pays. Globalement, la corruption touche des fonds qui devraient être utilisés pour l'enseignement, l'investissement et les infrastructures publiques mais sont souvent détournés par des responsables corrompus.
«La corruption est une cause majeure de la pauvreté ainsi qu'un obstacle pour la contrer... Elle doit être combattue avec vigueur pour que toute aide allouée puisse provoquer une vraie différence pour libérer les gens de la pauvreté », a affirmé Peter Eigen, président de TI. Selon lui, «la corruption freine la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement car elle est à l'origine du «sabotage» de la croissance économique et du développement durable.» Notons que parmi les dix-neuf pays les plus pauvres du monde, qui ont récemment bénéficié d'une annulation de leur dette, aucun n'a obtenu de note supérieure à 4 de leur Indice de Perception de la corruption.
Il a été démontré que même la corruption sur une plus petite échelle a des conséquences néfastes et pénalise surtout les plus pauvres dans la société en entraînant des augmentations de prix et en limitant l'accès aux services publics. Selon une analyse faite par le gouvernement sierra léonais les pauvres, dans ce pays, consacreraient une plus forte proportion de leurs revenus que les riches à des pots-de-vin afin d'avoir accès au système de santé, à l'éducation et aux tribunaux.
Pour le Libéria qui vient d'élire une femme, Ellen Johnson-Sirleaf à la tête du gouvernement, le plus gros défi est la lutte contre la corruption.
Au Nigeria, une affaire de corruption implique l'ancien dirigeant Sani Abacha qui aurait transféré des dizaines de milliards de dollars hors du pays durant son gouvernement, de 1993 à 1998.
En Angola, la mauvaise gestion des revenus du pétrole a été rapportée par la presse et 4,2 milliards de dollars auraient disparu entre 1997 et 2002. Au Bénin, le ministre des finances a indiqué en 2001 que la corruption faisait perdre 68 millions de dollars tous les trois ans. En Algérie, la corruption a été estimée par un ancien premier ministre qui vit en exil à Londres à quelque 30 milliards de dollars américains. En Égypte, un ancien Premier ministre a estimé le montant détournés pour 2004 seulement par la corruption est estimé à 80 milliards de dollars américains.
L'ONU et la communauté internationale, ainsi que les institutions financières, ont pris des mesures pour contrer le fléau, surtout depuis les années 90 et se sont engagées à combattre le fléau de la corruption.
Kofi Annan le secrétaire général des Nations Unies, a rappelé récemment à la Coalition mondiale pour l'Afrique, la Déclaration adoptée en 1996 par l'Assemblée générale des Nations unies sur la corruption et les actes de corruption touchant les transactions commerciales internationales.
C'est d'ailleurs grâce à cette déclaration que des pays du nord, dont les pratiques commerciales immorales sont souvent à l'origine de la grosse corruption qui frappe les pays du sud, ont décidé de déclarer comme illégaux certains actes commerciaux entachés de corruption. Et c'est ainsi également que la Suisse a accepté enfin de restituer à l'État malien 2,2 millions de dollars appartenant à l'ancien chef de l'État Moussa Traoré qui les aurait détournés selon le gouvernement du Mali. Enfin, la Suisse a accepté de geler les avoirs de l'ancien président zaïrois, Mobutu Sese Sékou.
Pour une fois, l'ONU met le doigt sur les aspects internationaux de la corruption qui sévit en Afrique. Car il est vrai que sans corrupteur il n'y a pas de corrompu. Les pots de vins sont toujours considérés comme des frais de service tout à fruit ordinaire et de nombreux pays du sud sont confrontés au secret bancaire.
La corruption est certes un phénomène mondial mais en Afrique, les experts et les ONGs reconnaissent qu'elle a des effets dévastateurs.