Le Canard Enchaîné du 15 février 2006
Le trou sans fond du Crédit lyonnais
Encore huit ans pour effacer l'ardoise.
Le krach du Lyonnais coûtera finalement plus de 21 milliards aux finances
publiques et
non 16,8, comme l'estimaient jusqu'alors les experts. Telle est la conclusion
des travaux
de la commission des Finances de l'Assemblée, qui a entendu, le 1er février,
Jean-Pierre
Aubert, président du CDR (l'organisme public chargé de liquider les actifs de
la banque
alors en déconfiture).
Selon le député UDF Charles-Amédée de Courson, la vente des actifs du Crédit
lyonnais
a fait apparaître une perte totale de 11,4 milliards pour l'Etat. A quoi
s'ajoutent 7,12
milliards d'intérêts sur les prêts consentis au CDR pour racheter les actifs «
pourris » de la banque. Enfin, la perte de valeur du Lyonnais calculée au moment
de sa privatisation est évaluée à environ 3 milliards. Soit, au total, 21,5
milliards d'euros. Sur cette somme, il
reste encore à régler 4,6 milliards. L'ardoise ne sera complètement remboursée
– par les
contribuables – qu'en 2014... soit plus de Vingt ans après le krach de la
banque.
A noter que, dans cette facture, 4 milliards ont sans doute été payés à tort
par les pouvoirs publics. L'Etat a en effet systématiquement renoncé à
poursuivre les banques associées au Lyonnais dans ses opérations foireuses, qui
auraient dû participer au remboursement des pertes.
De même, certaines affaires parmi les plus graves - telles que la MGM (1,5
milliard de
pertes), Executive Life (près de 1 milliard), etc. - n'ont jamais donné lieu à
une véritable
ouverture d'information judiciaire en France. Quant au deuxième volet de la
déconfiture du
Lyonnais (1993-94), impliquant quelques hauts personnages publics (Jean-Claude
Trichet,
aujourd'hui président de la Banque centrale européenne, Christian Noyer,
gouverneur de
la Banque de France) ou des industriels amis du pouvoir (François Pinault),
aucun tribunal
ne s'y intéressera. Non-lieu général, a conclu le juge Courroye.
Et prière de ne pas le faire savoir aux jeunes des banlieues, avec lesquels la
justice n'est
pas toujours aussi bienveillante.
Hervé Martin
. Les avocats du Crédit lyonnais n'ont pas à se plaindre de la déconfiture de
la banque
publique: ils se sont partagé 261 millions d'euros d'honoraires, dont 120
millions pour la
seule affaire Executive Life, a révélé à la commission des Finances
Jean-Pierre Aubert,
président du CDR.