CLAUDETTE DUHAMEL ENVOIE UNE LETTRE OUVERTE A NICOLAS SARKOZY
mars 16th, 2006
Monsieur le Ministre,
Militante de la cause écologique, avocate de l'ASSAUPAMAR, j'étais
venue le 10 mars 2006 aux environs de 8 heures 30 apporter mon
soutien au Collectif de défense de la grande rivière dont les
membres avaient prévu de se trouver devant l'hôtel de la Région pour
dénoncer auprès de vous le comportement du préfet en poste en
Martinique, lequel a cru devoir prendre un arrêté préfectoral le 24
novembre 2005 privatisant la dernière rivière encore potable de la
Martinique au profit des membres de la caste béké.
A cette occasion ce collectif envisageait de vous remettre un
dossier complet sur cette douloureuse affaire.
A mon arrivée, alors que je me dirigeais vers les membres du
collectif constitué d'une dizaine de personnes auxquelles s'étaient
joints des membres d'un comité constitué pour dénoncer les méfaits
de la Justice en Martinique, j'ai été littéralement agressée par des
gardes mobiles lesquels, pour m'empêcher d'emprunter la voie menant
à l'hôtel de la Région, se sont mis à me repousser avec violence
allant jusqu'à me faire tomber.
La vingtaine de personnes présentes sur les lieux dont certains
portaient des pancartes et des banderoles ont tous été chassés manu
militari et certains ont reçu moult coups de matraque des gardes
mobiles d'origine européenne venus prêter mains fortes à leurs
collègues.
Face à cette atteinte intolérable et totalement inadmissible à leur
intégrité et à leur liberté d'aller et venir, les membres du
collectif ont clamé haut et fort leur indignation au moyen de porte
voix et l'évènement a été filmé par une équipe de journalistes de
TFI qui ont même interviewé certains d'entre eux.
N'étant pas parvenus à entrer en contact avec vous, les membres des
deux collectifs se sont dirigés vers la mairie de FORT DE FRANCE où
vous étiez attendu par le Maire en exercice et par l'ancien Maire
Monsieur Aimé CESAIRE .
Avec un autre membre du collectif de défense de la grande rivière,
j'ai brandi une banderole sur laquelle il était marqué « NON A LA
PRIVATISATION DE LA GRANDE RIVIERE »
Là encore le même scénario s'est reproduit mais cette fois avec plus
de violence, puisque les gardes mobiles furieux de n'avoir pas pu
nous empêcher de pénétrer dans la cour de la mairie, nous ont
arraché la banderole avec une telle hargne que nous sommes tombés et
avons été traînés sur plusieurs mètres puis piétinés !!
Il était plus qu'évident que vous aviez donné ordre pour qu'il n'y
ait sur votre passage que vos partisans criant « SARKOZY PRESIDENT !
APRES CHIRAC C' EST TOI !» et que dès lors il fallait passer au
karcher, pour reprendre une expression qui vous est chère, tout
contestataire, toute personne qui risquait de troubler cet accueil
que vous exigiez idyllique.
Ainsi après avoir été contraint d'annuler votre voyage chez nous en
décembre 2005 du fait du refus de la majorité de nos élus de vous
recevoir suite à l'adoption de la « loi de la honte » mais surtout
en raison de vos propos racistes, vous étiez venu en triomphateur,
nous montrer à la fois votre toute puissance et l'indignité de nos
élus qui n'ont pas su rester fermes sur leur position et vous ont
accueilli à bras ouverts au prétexte de vos titre et qualité.
Et pendant qu'ils vous recevaient en grande pompe et vous faisaient
des présents, vos gardes mobiles passaient à tabac leurs
compatriotes parce qu'ils étaient porteurs de banderoles dénonçant
le vol de leur patrimoine !
Quelques heures après avoir été reçu par les représentants des
collectivités de la Martinique, (président de la région, président
du conseil général, maire de Fort de France) vous vous êtes retrouvé
au Club méditerranée à SAINTE ANNE où, après avoir pris un bain de
mer, vous avez cru devoir prononcer en créole dans votre discours la
phrase suivante : « yo di mwen kayé…kok djenm pa ka kayé » vous
présentant ainsi comme un homme courageux et téméraire, qui avait
fait la démonstration de ce qu'il pouvait triompher de ses
détracteurs et les soumettre à sa volonté.
Les élus qui vous ont reçu ont dû être très heureux de cette
déclaration, ils auront bu la coupe de l'indignité et du mépris
jusqu'à la lie !
Cependant ceux qui vous ont soufflé cette expression ont
certainement omis de vous préciser ce qu'est un « kok djèm »
martiniquais à savoir un coq de combat qui affronte seul son
adversaire et fait front jusqu'à la mort.
Alors Monsieur le Ministre pourquoi avez-vous kayé en décembre 2005
au lieu d'affronter ceux qui dénonçaient vos propos et prises de
position ? Pourquoi les gardes mobiles chargés de votre sécurité ont-
ils lâchement agressé des porteurs de banderoles pour les ôter de
votre chemin ? Que pouviez vous bien craindre d'une poignée de
contestataires ?
Les coups que nous avons reçus, la manière dont nous avons été
littéralement « karchérisés » par vos gardes mobiles indiquent
plutôt que loin d'affronter ou même d'écouter, vous préférez faire
éliminer la contestation en amont, l'ôter de votre vue au besoin par
la force, ne souffrant sur votre route qu'acclamations flatteuses
dont vous vous délectez.
C'est pourquoi Monsieur SARKOZY je puis vous affirmer que vous
n'êtes pas un kok djèm martiniquais mais un coq bien français.
Le coq n'est-il pas le symbole de la France ? Vous êtes bien ce coq
français, jacobin, centré sur lui-même, se prenant pour le nombril
du monde, sensible aux flatteries, vantant ses mérites, méprisant
les autres et refusant d'admettre ses erreurs au point qu'au 21ème
siècle il en est encore à s'imaginer que son système colonial honni
qui a asservi et anéanti des peuples entiers durant des siècles,
avait des aspects positifs !
Votre attitude inqualifiable et insultante à l'égard du journaliste
de RFO serge BILE, qui vous recevait dans son journal de 20 heures
ce 10 mars et qui croyait pouvoir avoir un entretien un tant soi peu
objectif avec vous sur certains de vos propos, mettent parfaitement
en évidence ce trait de caractère.
Que de mépris, que d'arrogance dans votre attitude et vos propos à
l'égard de ce journaliste !!
Mais vous êtes allé encore plus loin dans le mépris quand, lors du
meeting que vous avez tenu à SCHOELCHER en qualité de chef de file
de l'UMP, feignant de regretter qu'il n'y ait pas de martiniquais à
la tête des services de l'état français en Martinique, vous avez cru
devoir vous exclamer : « Ou sont les Condolezza RICE, ou sont les
Colin POWEL martiniquais ! »
Oui, voila la promesse, le rêve que vous concédez aux martiniquais :
celui de jouer auprès du pouvoir blanc, tout comme le font
Condolezza RICE et Colin POWEL, le rôle de la femme et de l'homme
noirs à tout faire, les cautions et alibis d'un pouvoir éminemment
raciste.
Quel mépris pour le peuple martiniquais !
Et dire que vous avez été chaudement applaudi par des martiniquais.
Ceux qui estiment n'être que des citoyens de seconde zone et qui ont
définitivement accepté de constituer votre basse cour.
Ceux qui ne se posent pas la question de savoir pourquoi malgré
Condolezza RICE et Colin POWEL, des milliers de noirs américains
étaient en train de mourir lentement abandonnés sans secours dans le
pays le plus puissant de la planète lors du passage du cyclone
Katrina.
Au nom de quoi estimez vous Monsieur SARKOZY que nous devrions
prendre comme modèles des béni oui oui américains et avoir pour but
suprême de devenir des hommes et des femmes de secondes mains au
lieu d'aspirer aux plus hautes fonctions comme tout individu doit
pouvoir le faire sous la voûte des cieux ?
Ne croyez vous pas que vos propos s'apparentent étrangement à ceux
que les colons esclavagistes tenaient autrefois à leurs esclaves en
leur affirmant que s'ils s'appliquaient à les bien servir ils
pourraient devenir de « bons valets, de bons cuisiniers, de bons
ouvriers et donc des esclaves supérieurs au…..paradis ?
N'y voyez vous pas une atteinte intolérable au droit de l'homme
consistant à contrôler et limiter les aspirations de tout un peuple
en lui interdisant celles d'occuper la première place ?
Et surtout Monsieur SARKOZY au nom de quelle logique nous citez vous
des sous fifres américains comme exemples à suivre quand nous avons
chez nous des femmes et des hommes de valeurs ?
Nous avons beaucoup mieux Monsieur SARKOZY !
Nous avons CESAIRE et FANON !
Même si CESAIRE a accepté de vous recevoir, il demeure par ses
écrits un géant dont vous n'êtes pas digne de lacer les chaussures.
Et puisque, sans doute pour se faire pardonner de vous avoir reçu,
il vous a symboliquement offert le Discours sur le colonialisme, je
vous invite à lire ce texte qui ne pourra que vous convaincre de
l'inanité de vos propos.
Celui que vous considérez comme le plus brillant esprit français le
sieur FINKELFRAULT n'arrivera jamais à la cheville ni de FANON ni de
CESAIRE.
Si nous martiniquais voulons atteindre l'excellence, il nous suffit
de regarder chez nous.
Pour terminer Monsieur SARKOZY, permettez moi de vous dire que des
Condolezza RICE et des Colin POWEL vous pouvez en trouver des masses
dans le vivier des adhérents martiniquais à votre parti, mais vous
ne les verrez jamais car vous êtes trop bien ancré dans la
supériorité de votre culture, bien trop centré sur vous-même, pour
reconnaître l'intelligence chez ceux que votre pays domine depuis si
longtemps.
Les américains aussi racistes soient ils, ont eux ce pragmatisme qui
leur permet de reconnaître l'intelligence où qu'elle se trouve et de
savoir l'utiliser à leur profit.
Voilà pourquoi Monsieur SARKOZY les génies martiniquais,
guadeloupéens, guyanais, réunionnais que la France désigne avec un
mépris sans nom sous les vocables « d'ultra marins » et de «
domiens » préfèrent fuir votre douce France, pour aller faire
profiter à des pays comme le Canada et même les ETATS-UNIS de leurs
compétences.
Sachez Monsieur SARKOZY qu'il existe en Martinique des hommes et des
femmes qui ont fait le choix de se battre pour la dignité plutôt que
d'accepter la condition de citoyens de seconde zone que vous
prétendez continuer à leur imposer.
« Vivre libre ou mourir ! » disait DELGRES, un de nos héros de la
lutte anti-esclavagiste qui a préféré se donner la mort avec ses
soldats insurgés plutôt que de tomber aux mains de l'armée de votre
héros Napoléon Bonaparte qui voulait le remettre en esclavage.
Cette devise demeure toujours vraie pour beaucoup d'opprimés dans le
monde et singulièrement pour nous en Martinique.
Recevez, Monsieur le Ministre, mes salutations de militante qui
combattra vos idées et votre mépris tant qu'elle le pourra.
C. DUHAMEL
Claudette DUHAMEL
Avocat
48 rue Schoelcher
97200 – FORT DE France
Fort de France, le 13 mars 2006
LETTRE OUVERTE à
Monsieur Nicolas SARKOZY
Ministre de l'Intérieur de la France
Place Beauvau
75008 – PARIS
Source :
http://www.bondamanjak.com/