Slow food et écogastronomie
Roux, Paul
Dans un avis récent, l'Office propose de traduire slow food par écogastronomie. Ma collègue Ariane Krol, spécialiste de l'alimentation, n'aime pas beaucoup cette traduction. " Ce bricolage linguistique, m'écrit-elle, est à la fois réducteur et inexact. L'expression slow food a été créée il y a plus en 20 ans, en réaction directe au fast-food (à la suite de l'ouverture du premier McDo's à Rome, à la Piazza di Spagna), ce que le terme écogastronomie ne reflète pas du tout."
" De plus, un grand nombre d'aliments célébrés par le mouvement slow food ne sont pas gastronomiques, mais tout simplement authentiques. Le mouvement slow food a depuis longtemps tourné le dos à l'élitisme. Et rien n'indique que la production de ces aliments, bien que généralement à petite échelle, soit automatiquement respectueuse de l'environnement. "
Je suis d'accord avec ma collègue Ariane. On peut d'abord se demander s'il fallait traduire slow food. Ce mouvement est connu dans le monde entier, y compris en Italie, sous cette appellation anglaise.
En outre, quand on traduit, il faut conserver l'essentiel. Restauration rapide est une bonne traduction de fast-food. Malbouffe remplace adéquatement junk food. Mais le mot écogastronomie, comme le fait remarquer ma collègue, ne décrit pas du tout ce qui fait l'originalité du slow food. Ce groupe fait la promotion d'une alimentation locale et des traditions culinaires.
Cela dit, le terme écogastronomie n'est pas sans intérêt. Ce n'est pas l'Office qui l'a inventé. On le trouve notamment dans un ouvrage consacré au slow food (SLOW FOOD, manifeste pour le goût et la biodiversité), que l'on présente comme " une nouvelle forme de consumérisme particulièrement inventive et efficace... entre alterconsommation et écogastronomie ". Le slow food n'est donc pas l'écogastronomie, mais il en fait partie.
Écogastronomie a engendré écogastronome et écogastronomique.
Soit dit en passant, les lecteurs qui veulent en savoir davantage sur le mouvement slow food peuvent consulter l'adresse suivante: http://www.slowfood.fr/france
Bizutage et initiation
Une lectrice a vivement réagi au titre Les recrues de l'armée russe soumises à de honteux bizutages. " J'ai immédiatement dû aller consulter mon dictionnaire pour trouver le sens du mot bizutage et j'y ai lu que c'est un mot d'argot français qui signifie INITIATION au Québec, où La Presse est publiée et lue. "
Cette dame soulève un débat très intéressant. À La Presse, nous nous efforçons d'écrire en français standard, tout en étant respectueux des particularismes du français d'Amérique. Or bizutage est un cas frontière. Il n'appartient pas au français standard, mais à l'argot scolaire. Les Québécois emploient plutôt initiation dans ce contexte. Ce terme n'a pas ce sens en français standard, mais il a un sens assez voisin. Le bizutage est en effet une " manifestation estudiantine d'initiation ". En écrivant, comme nous le suggère cette lectrice, Les nouvelles recrues soumises à d'humiliantes initiations, tous nos lecteurs auraient effectivement compris.
Je note, en outre, que, sans condamner bizutage, le Grand Dictionnaire terminologique et le Multidictionnaire acceptent initiation au sens de " rituel imposé aux nouveaux ".
Et vous, quel mot auriez-vous choisi?
Surf des neiges
" En regardant les Jeux olympiques, écrit Andrée-Anne Gratton, je suis étonnée d'entendre la traduction surf des neiges, pour snowboarding. Ne devrait-on pas employer plutôt l'appellation planche à neige? "
Planche à neige est une traduction littérale de snowboard. On préférera la locution surf des neiges, employée tant dans le reste de la francophonie (y compris en France, même si l'emploi de snowboard y est fréquent) que par les organismes québécois de surf. La planche utilisée par les surfeurs pour surfer s'appelle un surf. On fait du surf sur neige.
Petits pièges
Voici les pièges de la semaine dernière:
1) Le spécial de la semaine: les poivrons de serres.
2) Les élèves jouent sur la cour de récréation.
- Spécial est un anglicisme au sens de solde, rabais, prix réduit. Par ailleurs, l'usage est un peu hésitant, mais on laisse généralement le mot serre au singulier dans les locutions de serre et en serre.
- La cour est un contenant, d'où l'emploi de la préposition dans.
Il aurait donc mieux valu écrire:
1) Le solde de la semaine: les poivrons de serre.
2) Les élèves jouent dans la cour de récréation.
Les phrases suivantes comprennent au moins une erreur. Quelles sont-elles?
1) Les coûts ont été plus importants que prévus.
2) La campagne de promotion remet l'oeuvre sur la sellette.
Les réponses dimanche prochain.
Paul Roux est l'auteur duLexique des difficultés du français dans les médias.
Il anime le blogue desAmoureux du françaisà cyberpresse.ca/amoureux.