Le riz livre ses secrets
Saint-Pierre, Nicolas
Le riz n'a plus de secret pour les scientifiques: des chercheurs viennent de compléter sa carte génétique. Une percée qui pourrait permettre de combattre la faim dans le monde et dont les répercussions pourraient se faire sentir jusque dans les champs de blé canadiens.
Après sept années d'efforts, des scientifiques du Japon, des États-Unis, de Chine et de sept autres pays, sont parvenus à identifier la quasi-totalité des 389 millions d'éléments chimiques qui composent l'ADN du Oryza sativa L. À la manière des lettres de l'alphabet, ces millions de nucléotides se combinent pour former 37 544 gènes, un nombre qui, de l'aveu des experts, pourrait être révisé à la hausse après de nouvelles recherches.
" C'est seulement un début! " s'est exclamé hier Joachim Messing, l'un des auteurs de l'étude qui paraît aujourd'hui dans le magazine Nature. Joint au téléphone par La Presse, le professeur de l'Université Rutgers, au New Jersey, souligne que le séquençage du génome du riz permettra " d'améliorer les variétés de riz cultivées ".
Selon M. Messing, des variétés qui offrent un meilleur rendement, qui résistent mieux aux maladies et dont la culture nécessite moins d'eau pourront être mises au point au cours des prochaines années.
Ces nouvelles ont de quoi réjouir ceux qui se préoccupent de la faim dans le monde. " On estime que la production mondiale de riz devra augmenter de 30 % au cours des 20 prochaines années pour satisfaire la demande projetée en raison de l'augmentation de la population et du développement économique ", lit-on dans l'article des chercheurs.
Avancée prometteuse
Spécialisé en génétique moléculaire des plantes, François Belzile a peine à cacher sa joie face à cette percée scientifique. " Le riz, c'est vraiment symbolique, c'est LA culture par excellence pour l'alimentation humaine ", rappelle-t-il. Plus de la moitié des habitants de la planète se nourrissent principalement de riz.
Pour les producteurs canadiens de blé, aussi, le séquençage du génome du riz constitue une avancée prometteuse. " D'avoir accès à un génome séquencé d'une espèce voisine du blé, pour nous, c'est un outil qui a beaucoup de valeur ", affirme Thérèse Ouellet, chercheuse à Agriculture et agroalimentaire Canada.
Mme Ouellet estime qu'il sera plus facile de tracer la carte génétique du blé, maintenant qu'on connaît celle du riz. À terme, cette percée pourrait permettre de mettre au point des variétés de blé résistantes à la fusariose, un champignon qui s'attaque au blé durant sa floraison et le rend impropre à la consommation. En moyenne, une épidémie majeure de fusariose frappe des récoltes tous les cinq à 10 ans.