De quoi je me mêle ?
Le président d'Africagora réagit aux propos du député communiste Maxime Gremetz
Par Dogad Dogoui, Président d’Africagora
source:grioo.com
Réactions du club Africagora suite aux propos méprisants de M. Maxime Gremetz, député communiste de la Somme, tenus dans le documentaire « Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? » diffusé le 14 février sur Arte.
« Où vous croyez-vous ? Je connais bien l’Afrique. Je sais comment ça se passe et vous voudriez que ça se passe de la même façon. J’ai bien connu Mobutu » : Maxime Gremetz, député communiste de la Somme, répond ainsi à Dogad Dogoui, qui l’interroge sur l’absence à l’Assemblée Nationale de députés noirs, maghrébins, asiatiques élus dans l’hexagone.
La scène se déroule salle des quatre colonnes de l’Assemblée Nationale, dans l’espace situé à la sortie de l’hémicycle et traditionnellement consacré pour les députés aux interviews et réponses aux questions des médias. Suivi par une caméra de Arte, Dogad Dogoui s’avance vers quelques députés de la majorité parlementaire comme de l’opposition, pour une seule et même question : comment expliquez-vous que sur les bancs de votre groupe ne figure aucun député des minorités dans l’hexagone, originaire d’Afrique noire, du Maghreb ou d’Asie ?
Quelques uns des élus trouveront le moyen d’une réponse gênée, traduisant la difficulté d’expliquer cette discrimination institutionnelle à l’égard des citoyens et militants issus de l’immigration. D’autres illustreront par des propos repris dans le documentaire diffusé par Arte le 14 février dernier, leurs mépris et manque de considération à l’égard d’un concitoyen demandant de simples explications : Jean-Marc Ayrault, député de Loire-Atlantique, maire de Nantes et surtout président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, laissera entendre que ce sujet sérieux ne soit pas abordé par n’importe qui ??. Quant à Eric Raoult, député UMP de Seine Saint-Denis et maire du Raincy, il traitera la question par le mépris : « c’est pour un mariage blanc ? » - laissant entendre qu’un Noir ne peut interroger un maire de la République que pour solliciter une faveur illégale.
Le comble du mépris reviendra à Maxime Gremetz, député PC de la Somme, qui renverra Dogad Dogoui à sa condition d’Africain, avec véhémence et emportement (allant même jusqu’à lui porter main, ce qui n’a pas été retenu par l’équipe de télévision pour la diffusion sur Arte).
Ces réactions d’élus de la Nation devant les légitimes questions d’un citoyen les interrogeant sur une situation inadmissible dans la France du XXIe siècle, augurent mal de l’avenir et de la place dans le débat public, la vie politique et la société toute entière des citoyens discriminés en raison de leurs origines ethniques ou de la couleur de leur peau. Dans le pays des lumières, donneur de leçons de par le monde sur le respect des minorités et la démocratie dans les pays du Sud, les élus de la Nation se montrent incapables de se préoccuper de celles et ceux qui sont exclus de la décision.
Comment comprendre que de tels agissements – dont celui indigne de M. Gremetz, indigne d’un élu de la République et membre d’un parti politique qui par ailleurs affiche sa « fraternité » avec les minorités – soient courants en 2006, année durant laquelle l’égalité des chances est déclarée grande cause nationale ? De quelle égalité des chances parle-t-on - quand dans le même documentaire diffusé le 14 février par Arte - des propos sont tenus niant l’identité de concitoyens aux cultures et origines différentes de la majorité ?
A maintenir écartés des espaces de décision, une immense portion des plus fragiles et des exclus de l’égalité de chances (pauvres, habitants des cités délabrés, minorités ethniques, …), nos élites républicaines économiques, politiques, intellectuelles, culturelles ou médiatiques, en oublient que la véritable cohésion sociale doit assurer la considération et une place pour tous dans la société.
Les leçons du 21 avril ont semble-t-il été oubliées (y compris par les tenants d’une gauche réputée plus proche des plus fragiles et amis des enfants d’immigrés), et les violences urbaines de fin 2005 n’ont pas encore reçu de réponses à la hauteur des exigences de la cohésion sociale et des aspirations de toute une partie de la jeunesse française. Prenons garde à ne pas désespérer les banlieues, les minorités ethniques et les classes populaires parmi les plus exclus de notre société.
L’égalité des chances ne sera atteinte que si nos élites acceptent de donner plus à ceux qui en ont moins. Pour assurer une véritable équité entre tous les citoyens il faut les traiter différemment selon leur situation. Sortons de cet égalitarisme porteur de statut quo, qui ne rétablit pas l’ascenseur social et la mobilité.