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 Rwanda

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AuteurMessage
brigitte
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brigitte


Nombre de messages : 65
Localisation : France/Togo
Date d'inscription : 24/11/2005

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02122005
MessageRwanda

http://www.lefigaro.fr/international/20051201.FIG0198.html?082210

Au Rwanda, le difficile travail de réconciliation
afrique Douze ans après le génocide, qui a fait plus de 800 000 morts, la cohabitation au quotidien entre les bourreaux d'hier et leurs survivants se révèle délicate. Le processus de réconciliation prendra sans doute plus d'une génération.
Patrick de Saint-Exupéry
[01 décembre 2005]
JOHN MUHINDA, 31 ans, était un rescapé du génocide des Tutsis du Rwanda. Il a été tué le 31 octobre dernier. «John était un jeune homme de 30 ans, raconte François Garandé, président d'Ibuka, une association regroupant les survivants de l'extermination de 1994. Il était le seul rescapé de toute une famille et, après le génocide, il s'était engagé dans l'Armée patriotique du Rwanda (NDLR : l'APR était la branche armée du FPR, le mouvement rebelle aujourd'hui au pouvoir à Kigali.) Démobilisé, il avait décidé de revenir vivre sur sa colline. C'est là qu'il a été tué. Après avoir témoigné publiquement contre des tueurs, il avait reçu des menaces. Il avait pris celles-ci au sérieux et avait porté plainte.»

A Kigali, la mort de John Muhinda n'est pas passée inaperçue. Alarmés, les responsables de l'association Ibuka ont tenu une session spéciale : «Cette mort était la dernière en date d'une série, poursuit François Garandé. Nous avons récemment noté une recrudescence des assassinats de rescapés : deux ont été tués dans la région de Kibuyé (est du Rwanda) et un autre à Gisenyi (nord-est).»
La réunion n'a débouché sur aucune décision concrète. Cela n'était d'ailleurs même pas envisageable : la cohabitation au quotidien et sur un espace restreint entre survivants et possibles tueurs relève de l'indicible. «L'effort demandé aux victimes tient du surhumain, assure François Garandé. Jour après jour, il leur faut vivre avec la menace d'une épée de Damoclès car si les génocidaires sont désarmés, ils n'ont pas désarmé : les moyens leur manquent, c'est tout. Ce qui a la plus grande influence, ce n'est pas tant le rescapé réticent à se réconcilier mais plutôt l'assassin qui a commis un crime et généralement le nie.»

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Plus de dix ans après la tragédie, la chape du génocide pèse toujours aussi lourd sur les mille collines rwandaises hantées par les spectres d'au moins 800 000 morts. La lancinante question qui, jour après jour, se pose à tout survivant est d'une simplicité et d'une brutalité extrêmes : qui a tué qui ? Qui a assassiné le frère, la soeur, la mère, l'enfant... ? Est-ce lui, ce voisin qui baisse les yeux à chaque fois ? Ou celui-ci, à l'étrange regard ? Ou celui-là, qui détourne le pas ? Qui ?... Et à cette question, la première, s'en ajoute vite une seconde : pourquoi ? Puis une troisième : en quel nom ? La ronde infernale des questions envahit les collines, distille le doute, nourrit la méfiance.
La force de la négation

Sans qu'il ne soit de réponse. Car le crime, celui de génocide, est encore nié au quotidien bien que nommé comme tel par la communauté mondiale. Là, au Tribunal pénal international (TPIR) d'Arusha, en charge du Rwanda, c'est un accusé tenu pour le cerveau du «crime des crimes» qui parle de «massacres systématiques». Ici, sur une colline rwandaise, c'est un assassin dont on ne parvient à saisir la sincérité de l'aveu suivi d'un repentir comme de pure forme. Ailleurs, c'est un homme qui a récemment reconnu avoir tué un rescapé et assure : «Je mérite la mort.» Se pose alors une trouble question : cette mort réclamée est-elle simple justice pour la victime ou éventuel soulagement pour le tueur ?
Sans cesse, le Rwanda d'aujourd'hui s'obscurcit du voile du passé. Tout se mêle, s'entremêle. Au point que la réalité même du génocide semble parfois vaciller sous le poids du temps, la force de la négation et le terrible remords masqué des survivants, coupables à leurs propres yeux d'avoir survécu.

John Muhinda était l'un de ces survivants. Un peu moins éteint peut-être, un peu plus combatif. «Il ne pouvait s'empêcher de témoigner, assure aujourd'hui l'un des responsables de la séance de justice publique organisée dans sa commune. Il avait vu les évènements à l'époque. Il était alors recherché par les tueurs et était parvenu à se cacher. Heureusement, il en a réchappé. Depuis, il ne cessait de parler. «Je l'ai vu, disait-il. Lui était caché là. Il faisait ça. Et lui, il était là...» Il voulait témoigner et il l'a fait.»
La séance publique s'est déroulée sur la colline de Massaka, distante de 25 kilomètres de Kigali. John habitait dans la commune de Kabuga, village de Runyenza. Selon le maire, Déo Abijuru, la commune compte 54 000 habitants, dont «300 à 1 000 rescapés». Durant les cent jours du génocide, 8 000 personnes ont été tuées ici : «Nous découvrons encore des charniers», assure Déo Abijuru, qui chiffre à 370 le nombre de ses villageois emprisonnés après avoir reconnu un ou des crimes.

«John est venu me voir le 28 octobre, quelques jours après avoir témoigné et peu avant sa mort, poursuit le maire, un exilé revenu s'installer dans cette commune en 1996. Il m'a alors dit qu'il suspectait ceux qu'il avait mis en cause de vouloir le tuer. Il avait reçu des menaces précises. Je lui ai conseillé d'aller voir la police.» Le chef de la police, Dismas Rutaganira, confirme : «Il s'était plaint de recevoir des menaces. Il y avait des gens qui le haïssaient... Les gens qui vivent ici partagent tout, mais quand l'un parle durant les séances publiques de justice, alors...» La police enquête, mais ne tire rien de probant. John, lui, est aux aguets, vit dans la peur. Jusqu'au 31 octobre. Il est alors quatre heures de l'après-midi et John, sur son vélo, remonte un sentier pour rentrer chez lui. Un homme lui bloque le passage. John s'énerve. Lui donne une gifle. «Pour l'écarter», précise un témoin.Plusieurs personnes assistent à la scène, réagissent : «Tu l'as giflé, là, mais pourquoi ?» Une bagarre se déclenche. Un ami de John, présent sur les lieux, se lance à son secours. Dans l'altercation, John reçoit une brique sur la tête, tombe assommé, est évacué à l'hôpital. Il décède le lendemain.

Réhabiliter les rescapés
«Nous avons aussitôt interpellé huit personnes, explique le chef de la police. En fait, tous ceux qui l'avaient menacé. Ils ont reconnu l'avoir menacé, mais ce n'étaient pas eux qui l'avaient tué. Nous les avons relâchés. Le responsable, c'était son ami.» L'ami en question s'appelle Fidel Niyonsenga. Comme John, c'est un rescapé et un démobilisé. Face aux policiers, il a reconnu les faits. «Fidel a voulu l'aider, déclare un responsable de local de la justice. C'est lui qui a lancé la brique. C'est lui qui l'a tué. Je crois que c'était le hasard. Vous savez, tout cela est compliqué. Cela fait un an que je vis dans cette commune et je ne parviens toujours pas à me rendre compte de ce qui s'est passé ici il y a dix ans.»
Le maire avoue sa perplexité : «La mort de John a créé une grande émotion. C'était un rescapé menacé par de possibles assassins, mais il a été tué par un rescapé. Cette histoire est terrible et exceptionnelle.»

A Kigali, François Garandé, le président d'Ibuka, ne peut que relever l'évidence : «Nous tentons de mener un processus de réconciliation extrêmement complexe. Il s'agit de préserver la dignité des victimes, de réhabiliter les rescapés et d'amener les génocidaires à confesser et condamner leurs crimes. C'est une affaire de générations. Et c'est à la génération actuelle qu'il revient de préparer tout ce processus et de faire un grand sacrifice pour la génération suivante où la question de la responsabilité personnelle ne se posera plus.»


En complément




La justice collecte des témoignages contre l'armée française



Le procès du génocide
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