Serge Bilé: Polygamie: La grande hypocrisie
20/11/2005
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Le journaliste de RFO revient sur la polémique lancée par quelques responsables UMP n'ayant pas hésité à pointer du doigt la polygamie comme étant LA cause des récentes violentes urbaines
C’est l’histoire qui se répète. En pointant la polygamie comme l’une des causes des violences urbaines de ces derniers jours, le ministre Gérard Larcher et le député Bernard Accoyer n’ont pas seulement étalé leur incapacité à comprendre le drame qui vient de secouer le pays, ils ont aussi, par l’exagération, à des fins politiques, d’un phénomène marginal, repris à leur compte ce vieux fantasme raciste, qui fait du Noir un sauvage aux moeurs débridées et insolubles dans les valeurs occidentales.
Bien avant eux, il y avait eu, déjà, dans la même logique, dans l’Antiquité, ce dérapage de l’historien grec Hérodote qui, pour justifier une infériorité supposée des Nègres, avait affirmé, doctement, que les Africains « copulent en public comme les bêtes » avant d’ajouter cette énormité : « Leur semence n’est pas blanche, comme celle des autres hommes mais noire comme leur peau ».
Le propos n’avait évidemment rien d’innocent. Il fallait, à tout prix, dès cette époque, pour Hérodote et ses contemporains, fausser les aptitudes intellectuelles et morales de l’homme africain, en le réduisant à sa plus « sexe expression », afin de faire oublier qu’il avait été, avant d’être vaincu, bâtisseur, lui aussi, de grandes civilisations.
Il y aura, par la suite, la fameuse malédiction de Cham, du nom du fils de Noé, accusé, dans les Saintes Ecritures, d’avoir vu la nudité de son père. Les théologiens de tous bords feront de Cham l’ancêtre des Noirs et l’accuseront d’avoir, en fait, abusé sexuellement de Noé, et même de l’avoir châtré.
Ses descendants seront, du coup, non seulement condamnés à l’esclavage, mais aussi punis à porter un pénis… « ignominieusement long », marque honteuse et imaginaire de leur bestialité sexuelle !
L’abbé Raynal, connu pourtant pour ses prises de position antiesclavagistes, affirmera, lui aussi, sans sourciller, que les Noirs ont été mis aux fers parce que leurs débauches les épuisaient, au point qu’ils n’avaient « plus ni mémoire ni intelligence pour suppléer par la ruse à la force qui » leur « manque » .
Olaudah Equiano, l’un des rares esclaves à avoir, sitôt affranchi, publié ses Mémoires, aura la franchise de reconnaître que, dans son pays, le Bénin, les hommes [i « s’adonnent à la polygamie », mais « ils épousent rarement plus de deux femmes » .
On est loin du cliché facile du Noir lubrique et insatiable, entouré de ses douze épouses, comme le colporteront les récits en tous genres, à partir certes de cas réels, mais qui ne traduisent pas la généralité !
Mais le plus étonnant, c’est que ces Européens qui condamnaient, jadis, si durement la polygamie des Africains, la pratiquaient allègrement chez eux. Voltaire, dans son [u Essai sur les mœurs, rappelle, d’ailleurs, à ce propos, que « les rois francs, Gontran, Caribert, Sigebert, Chilpéric, Dagobert, avaient eu plusieurs femmes à la fois, sans qu’on eût murmuré » .
Au plus fort de la traite négrière, les maîtres blancs qui dénonçaient, eux aussi, la polygamie des Noirs, étaient les premiers, dans les plantations antillaises, à faire du nomadisme sexuel et à violer leurs esclaves, les unes après les autres.
On raillera également, au 17ème et 18ème siècle, la sexualité soit disant débridée des Noirs qui vivaient sur le sol français, en oubliant que Louis XIV n’était pas un modèle de vertu, ou que Louis XV avait transformé le Parc aux Cerfs, l’actuel Quartier Saint-Louis, en un gigantesque bordel pour satisfaire ses vices avec de jeunes prostituées.
Son ministre des Affaires étrangères, le marquis d'Argenson, note dans ses Mémoires, que « le roi se livre à la nature et cherche à se ragoûter par de petites filles très neuves qu’on lui fait venir de Paris. Il se pique d’emporter des p… de quinze ans. On lui emmena il y a quelques jours, une petite fille de cet âge qui était à peine vêtue ; il s’enrhuma à la poursuivre dans le lit et hors du lit » .
Cette hypocrisie, bien française, qui consiste, en matière de sexe, à voir la paille dans le slip de l’autre et à oublier la poutre dans le sien, ne s’est, depuis, jamais démentie.
Une hypocrisie qui se vérifie jusque dans la sémantique. On dénoncera, en France, au demeurant avec raison, la polygamie des quelques Noirs qui la pratiquent, alors que pour les Blancs de ce pays, qui font la même chose, y compris au plus haut sommet de l’Etat, on parlera pudiquement de… double vie.
Serge Bilé - Journaliste, auteur de « Noirs dans les camps nazis » et de « La légende du sexe surdimensionné des Noirs » qui sera chroniqué sur Grioo.com dans les tous prochains jours.