L'Europe propose une stratégie d'aide à l'Afrique
L'actualité met quelquefois en regard des événements qui prennent d'autant plus de sens. Les centaines de candidats à l'émigration vers l'Europe, refoulés violemment ces derniers jours des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, sur le continent africain, illustrent les limites d'une politique européenne exclusivement sécuritaire. L'extrême misère ne peut côtoyer sans vergogne et sans conséquences en ces temps de globalisation, caractérisés par les échanges, le confort d'un continent de nantis. Et la pression démographique joue évidemment ici en faveur des plus pauvres. L'Europe doit donc avec l'Afrique inventer un mode d'intervention qui permette de s'attaquer aux causes structurelles du sous-développement qui provoque ces migrations. Des mouvements de population qui ne sont que le reflet, d'après le président de la Commission de l'Union africaine, de l'appauvrissement d'un continent dont 40% des habitants vivent avec moins d'un euro par jour.
Le commissaire Louis Michel propose donc aujourd'hui de mettre en synergie le budget de l'Union consacré à l'Afrique au sein du fonds européen de développement et les sommes versées par chacun des vingt-cinq Etats membres. En juin dernier ceux-ci se sont engagés à hauteur de dix milliards d'euros par an de plus à partir de 2010. Cet argent serait consacré en priorité à la construction d'infrastructures. Des chemins de fer, des routes, des ports mais aussi des voies de télécommunication, d'adduction d'eau ou des réseaux d'énergie. Les priorités seraient définies avec les organisations régionales africaines et les fonds injectés davantage dans les budgets nationaux pour éviter l'actuel saupoudrage entre les différents projets. Par ailleurs, l'Union européenne propose de mettre en place des programmes d'échanges d'étudiants sur le modèle communautaire d'Erasmus avec un retour obligatoire dans leurs pays des diplômés africains. Une préoccupation qui rejoint celle de l'Union africaine qui dénonce la traite des cerveaux.
Cette tentative, après bien d'autres qui ont échoué, pourrait recevoir l'appui d'un autre type de négociation en cours actuellement. Celle qui rassemble les 148 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce pour libéraliser les échanges. Aujourd'hui l'Afrique participe très peu, à hauteur de 2%, au commerce mondial et ne bénéficie donc pas de l'ouverture des frontières. Grâce à l'accord «tout sauf les armes» qui permet aux pays les moins avancés d'exporter plus facilement, elle n'a plus grand chose à attendre en matière de baisse de tarifs douaniers. En revanche l'Afrique est évidemment intéressée par le mouvement de suppression des aides à l'agriculture dans lequel s'engagent les Etats-Unis comme l'Union européenne, les deux mastodontes du commerce mondial. Encore faut-il que ce mouvement soit réel, significatif et rapide.
Valérie Lainé