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 L’extraversion de la l’Afrique Zone Franc (AZF).

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AuteurMessage
Anton
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Nombre de messages : 27
Date d'inscription : 14/06/2007

L’extraversion de la l’Afrique Zone Franc (AZF). Empty
14062007
MessageL’extraversion de la l’Afrique Zone Franc (AZF).

Par Nubukpo (1) (31-03-2007)



Il est de bon ton de fustiger à l’heure actuelle les subventions euro américaines qui seraient responsables de la paupérisation des producteurs de coton ouest africains. La revendication légitime d’équité à la base de la demande de suppression des subventions qu’accordent les pays du Nord à leurs producteurs de coton dans le cadre de l’Initiative Coton défendue par le C4 -Bénin, Burkina, Mali et Tchad-, ne saurait faire oublier les causes profondes des difficultés qu’éprouvent à l’heure actuelle les producteurs de coton de l’Afrique Zone Franc (AZF).








Ces difficultés sont de trois ordres, l’extraversion des filières cotonnières africaines, la répression monétaire exercée par les banques centrales de la zone Franc et un taux de change CFA/Euro grevant la compétitivité du coton africain.


1. Les filières cotonnières d’AZF s’inscrivent dans une trajectoire historique profonde d’extraversion. En effet, elles ont été développées pour alimenter les usines textiles de l’ancienne métropole, la France, à bas prix et de manière stable à la fin de la guerre de sécession en Amérique qui vit l’affranchissement des esclaves producteurs de coton dans le Sud américain. Ceci explique l’absence de développement d’industries de transformation du coton en AZF durant la période coloniale. M. Fok (1999, P.1)(2) explique que « la création de l’Association cotonnière coloniale en 1903 marqua le début du volontarisme de l’industrie textile française pour développer la production cotonnière dans les colonies. Ce volontarisme s’avéra insuffisant et les difficultés pour concrétiser les premières exportations ont été à l’origine de la décision de rendre la culture obligatoire en 1912, c’est à cette date que le coton acquit la caractéristique de la « culture du commandant » ».





La success story de l’or blanc en Afrique a aussi sa face noire, faite de travaux forcés, de stérilisation des semences de coton traditionnelles des producteurs africains afin de les asservir au système CFDT (aujourd’hui DAGRIS) (3) et de lutte acharnée contre les filatures traditionnelles, ainsi que l’explique T. Bassett (4) dans son excellent ouvrage. Cette logique ne s’est pas inversée avec les indépendances africaines, bien au contraire. Au Mali par exemple, la création de la société cotonnière nationale, la CMDT en 1974, n’a été qu’un paravent d’indépendance, le double monopsone CMDT/CFDT se réservant la totalité d’achat de la production du coton graine et de commercialisation du coton fibre sur les marchés internationaux. Il en a été de même dans toutes les autres filières cotonnières des pays AZF, avec la mise en place de prix au producteur dont le caractère garanti exonérait les sociétés cotonnières de toute justification relative à leur niveau d’instauration.


La question qui se pose dès lors est la suivante : « quels ont été les bénéficiaires du surplus dégagé par les filières cotonnières AZF durant les quarante dernières années ? » Les producteurs africains en ont-ils profité au prorata de leur contribution à la constitution de la valeur ajoutée de ces filières ? Les mutations institutionnelles en cours, suite à la crise du coton mondial, en font les premières cibles de l’inévitable ajustement des filières. Ont-ils été les principaux bénéficiaires des périodes de vaches grasses ? Les économistes et développeurs du coton ont beau jeu de comparer les cotonculteurs aux autres agriculteurs africains pour souligner les effets bénéfiques du coton. Il convient plutôt de comparer les revenus des cotonculteurs africains à ceux de la CFDT/DAGRIS, des sociétés cotonnières africaines et des pouvoirs publics africains pour avoir une idée précise du caractère équitable ou non de la répartition historique de la valeur ajoutée dégagée par les filières cotonnières d’AZF.


2. La destination privilégiée des devises provenant de l’exportation du coton africain est le Trésor Français, dans le souci de garantir la monnaie CFA (5) , liée par une parité fixe au franc Français (actuellement l’Euro), dans le cadre des conventions dites du « compte d’opérations ». En effet, en contrepartie de la garantie d’un taux de change fixe entre l’Euro et le franc CFA, utilisé par les pays d’AZF, ces derniers sont tenus de déposer une partie de leurs devises auprès du Trésor Français, à hauteur de 20% de couverture de l’émission monétaire. A l’heure actuelle, le taux de couverture de l’émission monétaire dépasse 110%, soit plus de 3000 Milliards de franc CFA pour la seule union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). La question qui se pose ici est la suivante : « à quoi servent ces réserves ? » La réponse est édifiante : elles servent à garantir le taux de change CFA/Euro. Or, on voit bien que 20% de couverture de l’émission monétaire suffiraient à garantir cette parité, au regard des accords entre la France et les pays d’AZF. Les réserves excédentaires pourraient être utilisées pour financer la croissance et le développement en Afrique de l’Ouest. A l’attention des banquiers centraux en mal d’imagination, une partie de ces réserves pourrait financer le fonds de soutien des prix du coton réclamé à cor et à cri par les négociateurs du C4. Après tout, les devises proviennent de la sueur des producteurs africains. Il ne serait que justice qu’elles retournent à leurs créateurs. La détention de réserves excédentaires excessives valide le fait que la BCEAO n’a qu’un objectif de taux de change, au détriment des autres missions d’une banque centrale, notamment dans le souci d’apparaître comme une banque centrale « moderne », gérant une monnaie « forte », label s’il en est du monétarisme triomphant. C’est le nec plus ultra de l’extraversion monétaire. Ainsi, ce qu’on observe à l’heure actuelle, c’est une politique monétaire de la BCEAO ciblant un taux d’inflation de 2% comme principal objectif, la suppression de tout concours monétaire aux budgets des Etats de l’UEMOA, et une surliquidité bancaire de 400 Milliards de franc CFA dont la principale cause est une libéralisation du système financier mal préparée et la principale conséquence, l’indépendance de fait du cartel des banques (ayant souvent leurs maisons mères en France) installées en Afrique de l’Ouest de la tutelle de la BCEAO.





3. Les économies cotonnières africaines, du fait des inerties fondées sur leur extraversion (production et exportation de cultures de rentes vers l’ancienne métropole) ont du mal à utiliser l'agriculture comme moyen de développement, notamment du point de vue de la souveraineté alimentaire des populations, en dépit de certaines complémentarités coton/céréales. De fait, elles utilisent les devises issues de l'exportation des matières premières agricoles et minières (coton, cacao, or...) pour importer des produits alimentaires, indispensables pour combler le gap alimentaire. Ces importations sont d'autant plus facilitées que les économies de l'UEMOA disposent d'une monnaie CFA rattachée de manière fixe à l'Euro. Ainsi se referme le piège de la dépendance des pays de l'UEMOA, car le régime monétaire actuel ne sert pas à impulser un processus de développement, mais à entretenir le cycle de la dépendance vis-à-vis de l'ancienne métropole.





En outre, du fait de la dépréciation du dollar US vis-à-vis de l’Euro/CFA, les filières cotonnières d’AZF ont perdu entre 35 et 40% de compétitivité à l’export ces trois dernières années, ce qui est largement supérieur aux effets néfastes des subventions euro américaines. Ce constat est révélateur de la conspiration du silence qui existe autour du fonctionnement de la zone Franc : en effet, les rares économistes qui s’émeuvent de constater que les économies parmi les plus faibles du monde (AZF) sont rattachées à la monnaie la plus forte du monde (Euro), ne suggèrent qu’une dévaluation du franc CFA, à l’instar de celle de janvier 1994. Or, il a suffi que les économies concurrentes de celles des pays AZF, notamment anglophones d’Afrique et asiatiques disposant d’un régime de changes flottants, déprécient leur monnaie pour résoudre leur problème de compétitivité prix qui se profilait à l’horizon vis-à-vis des pays AZF. La principale réponse à la dévaluation de 1994 a été une explosion de la production du coton en AZF, issue de l’augmentation des superficies cotonnières, fruit de la rationalité des producteurs de coton, des sociétés cotonnières et des Etats concernés qui ont eu beau jeu d’anticiper des gains nouveaux, sans aucune contrepartie en termes d’effort à fournir pour accroître la productivité du coton. On est donc loin du compte car ce dont il s’agit, c’est moins d’une question de parité fût-elle rigide, que de la capacité de la politique monétaire des économies de la zone CFA à répondre aux chocs exogènes et donc du type idoine de régime monétaire. Le CFA devrait au minimum fluctuer (dans des proportions à déterminer) de sorte à jouer un rôle contra cyclique et servir de signal au secteur réel de l’économie du point de vue de ses performances. Il n’est pas concevable que la monnaie puisse être autant déconnectée des conditions effectives des économies d’AZF. Il convient de rappeler que le taux de change est un prix, qui lorsqu’il est fixe dans un environnement par ailleurs libéralisé après deux décennies d’ajustement structurel, est susceptible d’engendrer des effets pervers sur les économies. Il y va de la cohérence d’ensemble de l’architecture globale du système économique. Or, dans un contexte de libre circulation des capitaux et d’ancrage rigide avec l’Euro, le triangle des incompatibilités de Mundell montre l’impossibilité pour les autorités monétaires d’AZF de mener une politique monétaire indépendante, adaptée au cycle de leurs économies.





J.T. Pouemi dénonçait il y a déjà plus de 25 ans la répression monétaire de l’AZF(6) . Force est de constater que la situation ne s’est pas améliorée, les deux principales banques centrales de la zone Franc (BCEAO et BEAC) fonctionnant plus comme de simples caisses d’émission (dans la mesure où les taux de couverture de l’émission monétaire sont durablement supérieurs à 100%) que de véritables banques centrales de pays en développement nécessitant un minimum de 7% de croissance du PIB afin d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Une réflexion d’urgence s’impose sur l’opportunité de disposer de réserves de change excessives, d’une monnaie très forte, d’une surliquidité bancaire avérée coexistant avec un sous financement chronique des activités économiques, un faible taux de croissance économique, une pauvreté galopante, une agriculture familiale aux abois.


La double extraversion des économies d’AZF, à savoir celle des filières de rente, notamment cotonnières (avec moins de 5% du coton transformé en AZF) et de la monnaie (avec des réserves de change excédentaires déposées auprès du Trésor Français et une politique monétaire paralysée par un taux de change fixe Euro/CFA) recèle en elle les germes d’une explosion sociale dont la principale soupape de sécurité, les vagues massives de migration de jeunes africains vers les pays du Nord, ne saurait constituer une réponse saine et durable pour l’avenir du continent. Il y a fort à craindre que ce ne soit au contraire le chant du cygne des espoirs fondés sur le continent africain par les pères de l’indépendance.


Bamako, le 22 janvier 2007.


1. Economiste au CIRAD, unité de recherche « Politiques et Marchés », en poste à l’Institut d’Economie Rurale du Mali (IER), Programme Coton, Bamako. Contact :



nubukpo@cirad.frCet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir


2. Michel FOK (1999) « Histoire du développement de la filière cotonnière au Mali », contribution au séminaire du CIRAD « Rôle et place de la recherche pour le développement des filières cotonnières en évolution en Afrique », Montpellier, 01-02 septembre 1999, 8P.


3. Compagnie Française de Développement des Textiles


4. Tom BASSETT (2002) « Le coton des paysans », IRD éditions, Paris, 2002, 292P.


5. Le franc CFA est le franc de la communauté financière africaine, appellation qui fait suite à « franc des colonies françaises d’Afrique ».


6. Joseph TCHUNDJANG POUEMI (1979) « Monnaie, servitude et liberté : la répression monétaire de l’Afrique »,


Editions Jeune Afrique, 1980
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