1800 avant JC
A la recherche des Hébreux
L'Histoire des Hébreux nous est essentiellement connue par la Bible.
AbrahamLa Bible est un ensemble d'épopées, d'annales royales, de récits mythologiques, de poèmes, de prières formulées par des prophètes ainsi que de textes juridiques. Elle a été rédigée par des érudits ou scribes juifs principalement entre l'an 500 et l'an 150 avant Jésus-Christ.
Les rédacteurs se sont appuyés sur des compilations de textes anciens, des archives de diverses origines et de différentes époques, mais probablement pas beaucoup plus haut que le VII e ou le VIII e siècle avant J.-C.
Ils ne cherchaient pas à retrouver l'histoire du peuple hébreu au sens des historiens modernes mais ils voulaient montrer que, depuis l'origine, ce peuple avait noué une alliance avec un Dieu unique et que celui-ci s'était manifesté à travers toutes sortes de signes et d'événements. Il s'agit d'un récit théologique dans lequel les historiens et les archéologues peuvent parfois trouver des informations historiques, surtout pour les périodes postérieures au Xe siècle.
La plupart des événements relatés dans la Bible sont censés se dérouler au IIe millénaire avant JC à moins qu'ils ne se perdent dans la nuit des temps.
Abraham, «père fondateur»
La Bible raconte l'histoire des Hébreux depuis l'alliance conclue par Dieu avec Abraham (en langue araméenne ou hébraïque, «père d'une multitude»). Ce chef de clan prospère serait né à Ur, en Chaldée (l'Irak actuel).
Quand la Bible était encore vue comme un récit historique précis, les spécialistes dataient cette épopée des environs de 1800 ans avant notre ère. Aujourd'hui, elle est considérée comme largement mythique, même si la mémoire d'un ou plusieurs personnages fondateurs a pu servir de modèle à Abraham.
Celui-ci a 99 ans quand Dieu lui apparaît en songe...
Abraham et Sarah visités par trois anges aux chênes de Mambré (enluminure du XIIIe siècle)Selon le premier livre de la Bible, la Genèse,Yahvé («Celui qui est») noue avec Abraham une alliance (en hébreu, Berîth, en grec,Testament). Il l'engage à quitter sa contrée et à partir vers la terre de Canaan, ainsi nommée d'après Cham, l'un des fils de Noé.
Dieu annonce aussi à Abraham qu'il aura un fils, Isaac, de son épouse Sara et qu'il sera le père d'une multitude de nations ! Abraham part donc avec son peuple, qu'on dénomme les Hébreux.
Après une longue errance, la petite troupe s'établit enfin dans le pays de Canaan, «où coulent le lait et le miel» sous la conduite d'Isaac et de son fils Jacob, surnommé Israël («Dieu s'est montré fort») en souvenir de son combat contre un ange relaté par la Bible. Ce pays de Canaan, entre le Jourdain et la Méditerranée, n'est autre que l'actuelle Palestine (au sens géographique et non politique).
L'Exode selon la Bible
Une partie des Hébreux auraient émigré plus tard en Égypte, à la recherche d'un mieux-être.
Jacob reçoit ses frères en Egypte (Jacob Pontorno, 1518, National Gallery, Londres)
D'après la Bible, Joseph, fils de Jacob et petit-fils d'Isaac, serait devenu, du fait de sa grande sagesse, le Premier ministre du pharaon. Il aurait alors invité ses onze frères à le rejoindre.
Moïse lisant la Tora (fresque de la synagogue de Doura-Europos, IIIe siècle après JC)Bientôt victimes de vexations, les Hébreux seraient revenus à Canaan après s'être libérés du joug égyptien, sous la conduite du prophète Moïse.
Longtemps, on a situé l'arrivée des Hébreux en Égypte au temps de l'occupation du delta du Nil par les conquérants étrangers Hyksos et la sortie d'Égypte vers environ 1200 ans avant notre ère, sous le règne de Merenptah ou de son père Ramsès II.
Mais aujourd'hui, en s'appuyant à la fois sur une analyse scientifique du texte et sur des études archéologiques, la majorité des biblistes et des historiens pensent que cette aventure n'est pas à prendre au pied de la lettre.
Aaron, frère de Moïse, rallume le chandelier de la menorah (enluminure du XIIe siècle)Les chroniques égyptiennes n'ont d'ailleurs pas gardé trace de cette éventuelle migration.
Celle-ci nous est seulement connue par le deuxième livre de la Bible, l'Exode, rédigé plusieurs siècles plus tard.
D'après ce récit, après une longue errance dans le désert du Sinaï puis la conquête guerrière du territoire de Canaan, les Hébreux se partagent les riches terres de la «Terre promise».
Chacune des douze tribus issues de la descendance de Jacob reçoit son lot à l'exception des descendants de Lévi, auxquels Moïse, selon la Bible, a réservé l'exercice du culte.
Premiers documents archéologiques
La première trace historique des Hébreux nous vient d'une stèle au nom du pharaon Merenptah qui exalte une victoire égyptienne sur les Hébreux en 1207 avant J.-C : «Israël est anéanti, sa semence n'existe plus».
Des Hébreux aux Juifs
Les historiens parlent des Hébreux pour la période des patriarches (d'Abraham à l'avènement de Saül), des Israélites pour la période royale et desJuifs après l'exil de Babylone, les Israéliens étant quant à eux les citoyens de l'État actuel d'Israël).
Parallèlement, les archéologues observent un drôle de phénomène dans les hautes collines de Judée qui semble dater à peu près de la même époque... Selon la Bible en effet, les Hébreux, après leur errance dans le désert auraient entrepris vers 1230 avant JC la conquête de Canaan qui serait ainsi devenu leur royaume.
Ce territoire, situé entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée, où sont censés s'être déroulés de nombreux événements guerriers comme la prise de Jéricho par exemple, est très peuplé depuis la préhistoire.
Une civilisation prospère s’y est développée à partir de 1750 avant JC : les Cananéens. Comme leurs voisins de Syrie et de Mésopotamie, les Cananéens ont créé un réseau de cités-états raffinées, ornées de palais et de temples importants. Ils adorent de nombreux dieux comme Dagan, le dieu des céréales, et Baal, le dieu de l’orage, Astarté, la déesse de la fécondité…
L’archéologie, qui a beaucoup étudié ces cités, ne réussit pas à distinguer les Hébreux parmi ces Cananéens avant le XII e siècle avant JC ni à retrouver les traces de destructions qui correspondraient à une conquête guerrière et à un changement brutal de culture.
Au XIIe siècle en revanche, de nouveaux villages se développent sur les collines de Judée. Leur fouille montre que parmi les détritus alimentaires, les os de porc disparaissent, alors que les autres animaux continuent d’être consommés. Les archéologues y voient le signe d’un changement de culture sous l’effet, peut-être, d’une nouvelle religion : cet interdit alimentaire est en effet clairement exprimé dans la Bible.
Les premiers Hébreux seraient donc en réalité des Cananéens qui ont modifié leurs croyances et non pas des conquérants venus de l’extérieur. Certains spécialistes, comme l'Américain William Dever, pensent qu’il s’agit de petits groupes de rebelles cananéens qui ont quitté les cités de la plaine alors en crise. D’autres, comme l'Israëlien Israël Finkelstein estiment qu'il s'agit plutôt d'anciens nomades qui se sont sédentarisés.
Si la Bible préfère parler de «conquête», c’est parce qu’elle a été écrite plusieurs siècles après ces événements et que les scribes cherchaient à bien montrer, à l’avantage de leur peuple, les différences avec leurs «cousins» cananéens, devenus entre temps leurs ennemis.
Sophie Laurant (Le Monde de la Bible)
Moïse et le mont Sinaï
Le patriarche Moïse ne nous est connu que par le récit de l'Exode dans lequel les spécialistes des textes anciens ont reconnu des emprunts littéraires importants. Ainsi, lorsqu'il naît, sa mère l'abandonne dans son berceau sur le Nil afin qu'il échappe à une persécution du pharaon. Là, il est sauvé par l'intervention d'une princesse égyptienne.
Moïse sauvé des eaux (Sébastien Bourdon, National Gallery, Washington)
Ce texte ressemble beaucoup au récit contant la naissance merveilleuse du roi Sargon d'Assyrie, vers 2500 avant notre ère. De même, l'épisode biblique relatant l'arrivée en Egypte de Joseph et de ses frères, censé se dérouler une génération plus tôt, présente de nombreux points communs avec des contes égyptiens.
Moïse est d'ailleurs un nom égyptien et le récit de l'Exode présente de nombreux détails précis montrant que ses auteurs avaient une bonne connaissance de la culture de leur puissant voisin occidental. Malheureusement, ces informations ne "collent" pas entre elles pour présenter un contexte historique précis et crédible.
Ces détails ont longtemps abusé les historiens qui ont par exemple tenté de retrouver le "vrai" mont Sinaï. C'est sur cette montagne en effet que, selon la Bible, Dieu a donné à Moïse les tables de la loi portant les 10 Commandements, scellant ainsi une alliance unique, au fondement quasi juridique avec le peuple hébreu.
Cet épisode fondamental pour le judaïsme est situé pendant les quarante ans d'errance dans le désert, après la sortie d'Égypte sous la ferme conduite de Moïse.
Une dizaine de montagnes ont été ainsi "identifiées" depuis les années 1930 avec le Mont Sinaï... Depuis le Haut Moyen Âge, la tradition a, elle, choisi le Djebel Moussa, à l'extrême sud de la péninsule du désert du Sinaï où a été édifié le monastère Sainte-Catherine.
http://www.herodote.net/dossiers/synthese.php5?ID=123&ID_dossier=47
Sam 31 Mar - 17:49 par mihou