René Balme : « Le droit international n’existe plus »
vendredi 16 février 2007, par Sylvia
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René Balme, 57 ans, maire de Grigny depuis 1992, appartient à cette génération
de Français généreux et passionnés qui se sont engagés dans les partis de la
gauche institutionnelle et qui en sont revenus passablement désenchantés. Il
entend aujourd’hui peser de son poids dans les élections futures. Il est entré
dans le débat électoral en s’engageant aux côtés de José Bové, dès que celui-ci
à annoncé sa candidature à l’élection présidentielle.
Entretien réalisé par Silvia Cattori
14 février 2007.
Silvia Cattori : Vous êtes candidat de la gauche antilibérale aux prochaines
élections législatives sur la 11ème circonscription du Rhône. Hypocrisie,
cynisme, corruption, manipulations, prévalent en politique aujourd’hui. Est-il
encore possible de rentrer en politique et de rester un honnête homme ?
René Balme : Oui, à condition de ne pas avoir d’ambition personnelle et de se
souvenir constamment d’où l’on vient. Je suis convaincu que, dès l’instant où
l’on se bat pour faire avancer des idées auxquelles on croit et si l’on a décidé
de placer l’être humain au centre de ce combat, il n’y a plus de compromission
possible.
Silvia Cattori : Les élus ont-ils réellement le pouvoir de répondre aux
attentes du peuple ? N’y a-t-il pas un affaiblissement démocratique avec
l’Europe telle qu’elle a été conçue ? Tout ne se décide-t-il pas à Bruxelles ?
René Balme : Les élus n’ont quasiment plus de pouvoir. C’est ce que je dénonce
en permanence. L’Europe n’a pas été créée pour répondre à une demande des
peuples, elle a été créée pour répondre à une volonté de l’OMC et pour servir
d’interface et de relais entre la dictature économico-financière de l’OMC et les
états membres. L’Europe transcrit dans ses directives les décisions prises par
l’OMC et le Parlement français passe son temps à transcrire dans le droit
français les directives européennes. On est très loin d’un fonctionnement
démocratique à tous les niveaux. Il y a une confiscation du pouvoir politique
par le pouvoir économique qui est extrêmement grave.
Silvia Cattori : Les médias, en leur majorité, semblent manifestement vouloir
imposer Sarkozy à la présidence. Ainsi, le débat électoral apparaît déjà biaisé.
Vous avez choisi de soutenir la candidature de José Bové : qu’avez-vous trouvé
en ce candidat qui motive votre choix ?
René Balme : Je ne suis pas un homme de parti. J’ai quitté le PC en 1997 après
y être resté 14 ans. Ce sont les appareils qui ont sabordé l’élan formidable qui
avait germé dans les collectifs antilibéraux. La LCR a décidé de faire cavalier
seul dès le début et le PC lui a emboîté le pas de manière plus sournoise, après
avoir noyauté les collectifs. Depuis la campagne référendaire, je suis de ceux
qui disent que la victoire du 29 mai 2005 appartient au peuple, que le peuple
est souverain et qu’il ne se laissera pas voler cette victoire. Je suis fidèle à
mes engagements et c’est tout naturellement que je me suis tourné vers José
Bové, comme j’aurai soutenu quiconque issu d’une dynamique citoyenne
antilibérale plutôt que d’un appareil politique. De plus, les combats que je
mène de longue date rejoignent ceux de José Bové et là encore, le soutien que je
lui accorde est la suite logique de mes engagements. José est un homme libre,
comme je veux l’être et souhaite le rester. Il
a une vision internationale des choses et de la société, telle que nous la
voudrions, qui me convient parfaitement.
Silvia Cattori : Les partisans de José Bové se sont réjouis à l’annonce de sa
candidature. Puis l’annonce qu’il appellerait à voter Mme Royal au deuxième tour
-alors que, tout comme Sarkozy, elle compte faire passer la Constitution- en a
refroidi plus d’un. Les partisans de José Bové n’auraient-ils pas préféré
entendre Bové dire : « Ni Sarkozy ni Ségolène » ?
René Balme : Pour avoir suivi cette « affaire de près » je pense qu’il y a eu
une tentative de désinformation de la part de l’agence de presse qui a publié
l’information. Les propos de Bové n’étaient pas aussi catégoriques. Je suis de
ceux qui disent que l’on doit être ferme vis à vis de ceux qui ont appelé à
voter oui à la Constitution ou qui proposent de la remettre sur le tapis. Je
pense que José Bové s’est fait piéger sur cette question, mais que les
collectifs sont là pour lui rappeler qu’il les représente et que ce sont eux qui
décideront de la marche à suivre après le premier tour. D’autant qu’il peut y
avoir de grandes surprises.
Silvia Cattori : Homme de gauche, ne pensez-vous pas, qu’aujourd’hui,
l’opposition gauche/droite a passablement perdu de son sens ? Blair est supposé
être de gauche et il a mené une politique très à droite. Les gens n’ont-ils pas
constaté qu’en Europe, une fois au pouvoir, la gauche ne défend plus les valeurs
de justice qui sont les siennes, et qu’ils ne peuvent plus, comme avant 80, se
réjouir de sa victoire ?
René Balme : Le concept droite/gauche est révolu. Il y a des gaullistes qui
sont plus à gauche que certains communistes et des socialistes qui sont plus à
droite que Sarkozy. Ce sont les médias qui tentent de nous imposer ce clivage
et, en cela, ils participent à l’instauration d’un bipartisme à l’américaine.
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Aujourd’hui, la frontière se situe entre
les libéraux et les antilibéraux. Entre les humanistes et les opportunistes,
entre ceux qui ont décidé de placer l’être humain au centre des préoccupations
et ceux qui ont décidé d’y placer la Bourse. Le seul obstacle à la paix c’est
l’argent.
Silvia Cattori : Quel est le principal problème de politique international
auquel le futur président aura à faire face ? La faim dans le monde, la nouvelle
guerre-froide USA-Russie, le terrorisme islamique ?
René Balme : Le principal problème est l’OMC. C’est cette organisation
totalitaire qui engendre les désordres que nous connaissons. Tous les conflits
trouvent leur origine au sein de cette organisation qui œuvre pour que la
finance prime dans tous les domaines en faisant en sorte que l’hégémonie
américaine s’impose. Donc, le premier combat est celui qui consisterait à
remettre en cause les différents accords - et notamment l’AGCS - en imposant la
souveraineté nationale dans ce domaine.
Silvia Cattori : J’ai noté que, jusqu’ici, les candidats favoris à la
présidence, Sarkozy, Royal et Bayrou, n’ont parlé que de questions qui sont dans
les attributions du Premier ministre. Ils ne parlent pas de politique
internationale et de la défense, questions qui sont du ressort du Président.
Cela ne vous a-t-il pas surpris ?
René Balme : La campagne présidentielle est tellement insipide que rien ne me
surprend. C’est vrai que personne ne parle du rôle de la France et des grands
enjeux internationaux. Je pense que si Sarkozy, Royal et Bayrou n’en parlent pas
c’est qu’ils sont fondamentalement d’accord pour une soumission sans condition
aux pays qui composent ce que Bush a autoproclamé « l’axe du bien ». Si l’un des
trois est élu, il faut s’attendre à ce que le budget de l’armée se développe et
que nos enfants ou petits enfants aillent servir de chair à canon en rejoignant
les soldats américains, anglais et les autres.
Silvia Cattori : Durant cette période de l’été 2006 où Israël bombardait Gaza
et le Liban, faisant de nombreuses victimes -et alors que son sourire ornait
toute la presse people- Mme Royal ne s’est pas montrée plus préoccupée que M.
Sarkozy par les violations des droits humains de M. Olmert. On pouvait
s’attendre à voir de vraies différences de sensibilités entre Mme Royal et M.
Sarkozy. Cela ne vous a-t-il pas choqué ?
René Balme : Madame Royal est entourée de conseillers qui défendent
ouvertement la politique israélienne. Le PS a toujours été indulgent avec Israël
et ce n’est pas Ségolène Royal qui va remettre en cause cette « amitié ». On est
toujours, tant du côté de l’UMP que du PS, dans cette logique qui consiste à se
soumettre à l’axe américano-israélien. Il y a quelques néoconservateurs dans ces
deux partis dont la vision du monde n’est pas très éloignée des « néocons »
étasuniens. D’où leur silence.
Silvia Cattori : Mme Royal et son parti ne semblent pas non plus s’inquiéter
en ce moment de l’éventualité d’une guerre moralement injustifiée contre l’Iran,
mais voulue par M. Bush et M. Olmert !
René Balme : Aucune guerre n’est moralement justifiée. Tous les conflits qui
ravagent le monde sont des conflits économico-politiques. Jaurès disait : « Le
capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. » On a deux
candidats dont l’un est un ultralibéral et l’autre est social-libérale. La
différence qui n’est déjà pas très marquée pour ce qui est de la politique
intérieure se trouve être nulle en matière de politique étrangère. Leurs
conseillers sont issus de la même mouvance et sont porteurs des mêmes
idéologies. La position de Madame Royal et celle du PS est calquée sur celle des
Etats-Unis et d’Israël. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose de sa part.
Quant à affirmer, comme elle le fait, que Téhéran n’a pas le droit d’accéder au
nucléaire civil, c’est méconnaître les traités internationaux ou les nier. Il
est surprenant de constater que Ségolène Royal a du mal à accepter que les
peuples aient le droit de décider, démocratiquement, de leur avenir
en Palestine et en Iran. Récemment, l’ensemble des dirigeants politiques du PCF
à l’UMP en passant par le PS et les centristes ont répondu favorablement à un
meeting organisé par le CRIF et intitulé : « Tous à la Mutualité contre la
menace de l’Iran ». Il y a une volonté affirmée unanime de la classe politique
d’en découdre avec l’Iran et de se coucher face aux injonctions des
représentants du gouvernement et des intérêts israéliens en France. C’est
extrêmement grave.
Jeu 22 Fév - 22:46 par mihou