Israël, Liban, Irak : Deux ou trois choses à connaître avec la fin du monde, par William Blum.
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22 juillet 2006
La fin est proche, mais d’ abord une page de publicité
Parfois je pense que ce vieux monde fatigué a vécu quelques années de trop. Les événements au Moyen Orient sont trop
déprimants. La plupart des discussions sur le conflit éternel entre Israël et la Palestine tournent à l’enfantillage - "C’est lui
qui a commencé !" Au bout que quelques minutes de discussion sur les derniers événements du conflit, les participants en sont
à 1967, puis à 1948, pour enfin finir aux temps bibliques. Je n’ai pas envie de me mêler à la question de savoir qui a
commencé toute cette pagaille. J’aimerais plutôt souligner deux éléments immuables à tout conflit :
1) L’existence d’Israël n’est pas menacée et ne l’a jamais été depuis des décennies, si jamais elle l’a été un jour, et peu
importe la rhétorique enflammée des dirigeants Arabes ces dernières années. Si Israël apprenait à traiter ses voisins d’une
manière non expansionniste, pacifique, respectable, s’il procédait à des échanges de prisonniers, et s’il tentait sincèrement
d’aboutir à une solution de coexistence pacifique de deux états, même ceux opposés à l’idée d’un état fondé sur une religion
particulière accepterait l’état d’Israël, et la question de son droit à l’existence serait à peine soulevée. Mais les choses étant
ce qu’elles sont, Israël avance encore cet argument pour justifier ses actions, tout comme les Juifs à travers le monde
brandissent l’Holocauste et font l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme.
2) Dans un conflit qui oppose King Kong à une souris, c’est King Kong qui doit faire des concession afin d’améliorer la
situation. Quelles concessions pourraient faire les Palestiniens ? Israël répondrait "cesser les attaques." Mais cela
n’aboutirait qu’à un "statu quo ante bellum" - une vie de misère absolue pour le peuple palestinien imposée par Israël. Une
paix sans justice.
Les déclarations d’Israël sur le caractère inacceptable de la détention d’un de leurs soldats par des Palestiniens, ou de deux
de leurs soldats détenus par le Hezbollah au Liban, ne peuvent être prises au sérieux alors qu’Israël détient littéralement des
milliers de Palestiniens capturés, beaucoup depuis des années, généralement sans procès, souvent torturés, dont de nombreux
membres importants du Hezbollah. Il y a quelques années, et peut-être même encore aujourd’hui, Israël inscrivait des
matricules sur les fronts et les avant-bras des Palestiniens, une réminiscence des pratiques nazis sur les juifs pendant la
deuxième guerre mondiale. [1]
Le véritable objectif d’Israël, et celui de Washington, est de renverser le gouvernement du Hamas en Palestine, le
gouvernement élu en janvier par des élections démocratiques, cette démocratie dont se gaussent les "démocraties"
Occidentales, sauf lorsqu’elle donne un résultat qui ne leur convient pas. Existe-t-il un mot plus fort pour désigner
"l’hypocrisie" ? Il n’y a désormais "plus de gouvernement Hamas" a déclaré un officiel de haut rang US la semaine dernière,
"huit membres du cabinet ministériel, soit 30 pour cent du gouvernement, sont en prison [kidnappés par Israël], un autre 30
pour cent est en cavale, et le dernier 30 pour cent est pratiquement inactif." [2] Pour rajouter une touche encore plus
Orwellienne à cette opération de disparition d’un gouvernement, voici la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, qui s’exprimait
fin Juin sur l’Irak. "Il s’agit du seul gouvernement légitimement élu du Moyen Orient à l’exception peut être de celui du
Liban." [3]Y a-t-il autre chose de prévu au programme pour l’émission Deux Minutes de Haine ?
En plus d’avoir éliminé le gouvernement Hamas, le blitzkrieg militaire Israël, avec le soutien total des Etats-Unis, pourrait
bien avoir été prévu pour provoquer des "incidents" et justifier une attaque contre l’Iran et la Syrie, les prochaines étapes
des travaux en cours de Washington, à savoir le contrôle du Moyen orient et de son pétrole.
Priver les Palestiniens de nourriture, d’électricité, d’eau, d’argent, d’accès au monde extérieur... et de sommeil... est un acte
délibéré de punition collective. Israël fait voler des avions des combat la nuit au-dessus de Gaza qui déclenchent des booms
soniques qui traumatisent les enfants. "Personne ne dormira la nuit à Gaza" a déclaré le premier ministre Israélien Ehud
Olmert [4] ; une phrase qui conviendrait parfaitement en guise d’épitaphe à Israël.
Ces crimes contre l’humanité - sans parler des terribles armes spéciales qu’Israël utilise - sont le cadeau fait au Palestiniens
qui ont voté pour le mauvais parti. Eu égard aux attaques Israéliennes contre les populations civiles de Gaza et du Liban, il
est ironique de voir le Hamas et le Hezbollah être régulièrement qualifiés d’organisations terroristes par l’Occident. La
définition la plus couramment admise du terrorisme, celle du FBI et des Nations Unies entre autres, est celle-ci : le recours à
la violence contre une population civile afin d’intimider ou de forcer la main d’un gouvernement pour des objectifs politiques.
Depuis les attentats du 11/9, la tactique combinée des Etats-Unis et d’Israël est de présenter le combat contre les
adversaires d’Israël comme une partie intégrante de la lutte contre le terrorisme. Le 19 juillet, un rassemblement fut organisé
à Washington, auquel pariticpaent le gouverneur du Maryland, plusieurs membres du Congrès (encore un territoire occupé par
Israël), l’ambassadeur d’Israël, et un phare de l’église évangélique, John Hagee. Le Washington Post raconte : "les
intervenants, les uns après les autres, on qualifié le combat d’Israël comme une petite extension de la guerre plus globale
contre le terrorisme menée par les Etats-Unis contre le terrorisme islamique" et "les attaques d’Israël contre le groupe
musulman chiite Hezbollah sont des coups portés contre ceux qui ont tué des civils de Bali à Bombay en passant par Moscou."
L’ambassadeur d’Israël a déclaré : "Il ne s’agit pas uniquement d’Israël. Il s’agit de la direction que prendra le monde et
l’avenir et la sécurité du monde. Israël est aux avants postes. Nous allons amputer les petits bras de l’Iran." en référence au
Hezbollah [5]
Et si la guerre contre le terrorisme ne suffisait pas à placer Israël dans le camp du Bien, John Hagee a un argument
supplémentaire : "les Etats-Unis doivent se joindre à Israël pour lancer une frappe préventive contre l’Iran et réaliser la
volonté de Dieu pour Israël et l’Occident." Il parle de "prophétie biblique du combat final contre l’Iran, qui mènera à
l’Extase, à la Tribulation et le Retour du Christ." [6]
Les béatificateurs d’Israël font pratiquement partie d’un mouvement. Voici David Horowitz, l’éminent ex-marxiste
quasi-hystérique : "Israël est un composant d’une guerre globale, la guerre de l’Islam radical contre la civilisation. En ce
moment même Israël est en train d’accomplir ce travail au nom du monde civilisé en éliminant les terroristes. Ce n’est pas
uniquement pour Israël que nous devons faire connaître la vérité - mais pour nous mêmes aussi, pour l’Amérique, pour chaque
pays libre dans le monde, et pour la civilisation elle-même." [7]
En ce qui concerne les deux soldats Israéliens capturés et détenus au Liban pour un échange de prisonniers, il faut garder à
l’esprit quelques éléments d’histoire. A la fin des années 90, avant qu’Israël ne soit évincé du sud Liban par le Hezbollah,
Israël se livrait couramment à l’enlèvement de libanais totalement innocents. Un rapport de 1998 d’Amnesty International
déclare : "Selon l’aveu même d’Israël, des Libanais sont détenus pour servir de "monnaie d’échange" ; ils ne sont pas
emprisonnés pour leurs actes mais pour être échangés contre des soldats portés disparus ou tués au Liban. La plupart ont
passé 10 ans en isolement et au secret." [8]
Israël a crée ses pires ennemis - il a aidé à la création du Hamas pour faire contrepoids au Fatah palestinien, et l’occupation
du Liban a crée le Hezbollah. Les terribles bombardements en cours auront probablement des résultats similaires. Depuis le
tout début de sa création, Israël a pratiquement toujours été train de livrer une guerre et d’occuper de nouvelles territoires.
Aucune autre méthode ne serait donc venu à l’esprit des fondateurs Sionistes idéalistes ?
Mais tandis que vous et moi déprimons devant toute cette horreur et souffrance, les néo conservateurs, eux, s’en réjouissent.
Ils dévorent la chaire et boivent le sang des peuples d’Afghanistan, de l’Irak, de la Palestine, du Liban, et ils ont encore
faim. Il veulent maintenant dévorer l’Iran et la Syrie. Plus d’un d’entre eux a utilisé l’expression "oderint dum metuant", une
expression favorite de l’empereur Romain Caligula, employée aussi par Cicéron : "qu’importe qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils
me craignent". Voici William Kristol, rédacteur en chef de la bible des néo cons, le "Weekly Standard", sur Fox News le 16
juillet :
"Ecoutez, on a chouchouté l’Iran ces six ou neuf derniers mois, et cela les a enhardis. Est-ce que l’Iran se comporte comme
s’il avait un régime faible qui serait très préoccupé par les Etats-Unis ? Ou est-ce que l’Iran se comporte d’un manière
totalement irresponsable ? .. D’une certaine manière, Israël est en train de combattre quatre de nos cinq ennemis dans le
Moyen orient. L’Iran, la Syrie, sponsors du terrorisme ; le Hezbollah et le Hamas .... nous avons une opportunité de changer
les cours des événements de ces six ou neuf derniers mois et replacer les djihadistes et les terroristes en position
défensive."
L’invité Juan Williams répliqua : "Et bien, à moi il me semble que vous ne voulez que la guerre, la guerre, la guerre et encore
plus de guerre. Vous vouliez la guerre en Irak. Maintenant vous voulez la guerre en Iran. Maintenant vous voulez la guerre au
Moyen orient... vous demandez pourquoi est-ce que les Etats-Unis n’adoptent pas une politique d’intransigeance ? Mais c’est
ce que nous avons fait, nous ne dialoguons avec plus personne. Ne n’adressons plus la parole au Hamas. Nous n’adressons plus
la parole au Hezbollah. Nous ne dialoguons pas avec l’Iran. Et qu’est-ce que cela nous a rapporté ?" Kristol, paraissant
quelque peu étonné, s’est contenté de lever les bras au ciel. Comme quoi, même le public de Fox News peut parfois (rarement)
avoir un entre aperçu d’une autre opinion.
L’irak poursuivra Bush pour le restant de ses jours
Et voici maintenant notre Glorieux Leader, s’exprimant la semaine dernière lors d’une conférence de presse au sommet du G8
à St Petersbourg, et faisant référence au président russe Vladimir Poutine : "Je lui ai parlé de ma volonté de promouvoir des
changements institutionnels dans d’autres parties du monde, comme en Irak, où il y a la liberté de la presse et la liberté de
culte, et je lui ai dit que beaucoup de personnes dans notre pays aimeraient bien que la Russie fasse la même chose." [9]
Il est très rare que le petit Georges W. formule une de ses déclarations idiotes et que celle-ci lui soit renvoyée
immédiatement à la figure - "Poutine, d’un ton sec, répondit :"nous ne voulons certainement pas du même type de démocratie
que celle en Irak. Je vous le dis franchement." Bush se mit à rougir et tenta de plaisanter : "Attendez et vous verrez," dit il"
[10]
Il est dommage que Poutine n’ait pas aussi fait remarquer que la religion était plus libre sous Saddam Hussein que sous
l’occupation américaine. Parmi d’autres événements charmants qui se sont produits ces derniers temps, au mois de mai dernier
l’entraîneur de l’équipe nationale de tennis et deux de ses joueurs ont été tués par balles à Bagdad, apparemment par des
extrémistes religieux en colère contre le fait que l’entraîneur et ses joueurs portaient des shorts. [11]
Et pour ce qui concerne la "presse libre", vous ai-je déjà parlé des journaux irakiens fermés par l’occupation américaine, des
journalistes tués par l’armée américaine, des histores inventées de toutes pièces publiées dans la presse Irakienne et
concoctées par des employés du Pentagone ?
C’est la même idée que celle que j’avais développée le mois dernier où j’avais fait l’inventaire de tous les domaines de la vie
des Irakiens qui s’étaient nettement détériorés sous l’occupation américaine. J’avais conclu en rapportant des conversations
que j’avais eues avec des Américains qui, devant de telles informations, me disaient "Mais dites moi une chose, êtes vous
content ou non que Saddam Hussein ait été renversé ?"
A présent, un sondage britannique indique que "plus des deux tiers des opinions exprimées disent que les Etats-Unis sont
avant tout une puissance impériale qui cherche à dominer le monde. Et 81 pour cent des opinions exprimées pesnent que le
Président George W. Bush s’est servi hypocritement de la démocratie pour couvrir les intérêts américains." L’ambassade des
Etats-Unis à Londres a rapidement réagi. Son porte-parole a déclaré : "nous nous interrogeons sur toute personne qui affirme
que le monde serait meilleur si Saddam Hussein était encore en train de terroriser son pays et de menacer ses voisins." [12]
Ils ne peuvent s’empêcher de mentir, n’est-ce pas ? Il n’y avait aucune preuve que Saddam menaçait un voisin, quelle que soit
la signification d’une telle phrase. Mais cette phrase signifie peut-être des "ventes d’armes". Après la guerre du Golfe, les
Etats-Unis ont vendu pour environ 100 milliards de dollars de matériel aux voisins "menacés" de l’Irak, l’Arabie Saoudite, le
Koweït, les Emirats du Golfe, et la Turquie.
Quant à savoir si le monde serait meilleur ou pire... Il s’agit de l’Irak, pas du reste du monde. Mais si le reste du monde était
meilleur, pourquoi est-ce que je me sens si déprimé ?
(...)
William Blum
William Blum is the author of :
- Killing Hope : US Military and CIA Interventions Since World War 2
- Rogue State : A Guide to the World’s Only Superpower
- West-Bloc Dissident : A Cold War Memoir
- Freeing the World to Death : Essays on the American Empire
www.killinghope.org
- Source : http://members.aol.com/bblum6/aer35.htm
( Titre : Le Rapport anti-Empire : Deux ou trois choses à connaître avec la fin du monde. )
[ William Blum, ancien fonctionnaire du département d’ État, journaliste et essayiste, n’hésite pas à s’en prendre à son propre
gouvernement. Depuis le 11 septembre, il prononce des discours sur les campus universitaires pour dénoncer la politique
étrangère des États-Unis et expliquer pourquoi il ne se considère pas comme un patriote.
Rappelons qu’il est l’auteur de "Guerres Scélérates" et "Etat Voyou". Qu’on se le dise. ]
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Le rapport Anti-Empire. Certaines choses que vous devez savoir avant la fin du monde, par Wiliam Blum.
http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=3904