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 Qu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu

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mihou
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mihou


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Qu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu Empty
24052006
MessageQu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu

Qu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu Basile Goudabla KLIGUEH
22/05/2006
Qu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu Vaudu
Dans l’angoisse existentielle qui prend emprise sur le monde contemporain en quête d’«autres choses», de modèles alternatifs, d’une sortie du quantitatif, du nucléaire, du militaire, de la compétition suicidaire, de la boulimie consumériste et de l’image de soi sans soi, nombreux sont les sociologues, anthropologues, politiques et citoyens de la planète, qui jettent des sondes en direction de visions du monde différentes. Quitte à repenser la modernité, l’individu, le matériel, les relations entre choses, humains, énergies. Parallèlement resurgissent les questions de qui sommes nous, d’où venons nous, Africain et Afrodescendants se prennent à revisiter ce qui leur revient de leurs civilisations anciennes, au centre desquelles se trouvent leurs spiritualités.

Le Vôdu trouve ainsi une nouvelle audience, après les désastreux effets des représentations mercantiles hollywoodiennes, et en phase avec une redécouverte de la diversité des manières de faire, de vivre, croire, de penser, de poncer et de protéger le vivant. Les religiosités dominantes étant suspectées d’intelligence avec un matérialisme qui épuise la planète, ses ressources, matraque l’humain dans des formes plus ou moins larvées d’esclavage, perdent du terrain au profit des initiations africaines, du chamanisme, de bouddhisme et autres.



Le Vôdu rappelé en recours face aux désagrégations existentielles reste pourtant mal connu à preuve les approximations des définitions officielles qui pullulent dans les dictionnaires accessibles au grand public. Afrikara donne la parole à un spécialiste, prêtre vodu, docteur en Anthropologie sociale appliquée [Sorbonne], Basile Goudabla KLIGUEH par ailleurs auteur de l’ouvrage de référence : «Le Vodu à travers son encyclopédie la géomancie AFA» [Editions Afridic, 2005]. Extrait d’une conférence donnée à la Grande Loge Nationale française province de Bretagne en 2003. Texte transmis par l’auteur.



Une définition de Vodu

L'étymologie populaire constitue la façon dont les Vieux et les informateurs expliquent les noms sur le terrain : les noms surtout propres sont expliqués en les décomposant en les racines qui les composent. Tous les chercheurs utilisent cette méthode dans leurs différentes démarches. Selon l'étymologie populaire, le mot vodu signifie le monde des invisibles.

En effet, le mot vodu est composé de "Evo" et de "Edu". Dans la langue de Afà (géomancie divinatoire et encyclopédie du Vodu), " Evo " signifie invisible, inconnaissable ; " Edu " signifie monde, avec l'idée de voyage et de message. En réalité la sémantique populaire dit que Vodu est la contraction de la phrase " Evowo fé Edu ", le monde des invisibles.

Pour ceux qui ont toujours compris le Vodu comme " un mélange de sorcellerie et de magie " (Hachette 1999, p. 1955), cette définition du Vodu leur paraît déconcertante. Mais le principe du Vodu nous montre que derrière la matière inerte le Vodouisant perçoit un invisible.



Le principe du Vodu

Dans tout acte vodu, l'on procède du psychisme vers le physique, de l'invisible pour éclairer le visible. Toute cérémonie vodu est un drame rituel qui fait des suggestions subtiles au psychisme qui, à son tour, réagit sur le corps physique par somatisation.

En effet pour le vodouisant, le monde où nous vivons se compose d'un côté visible et d'un côté invisible ; pour un esprit scientifique, je dirais un côté psychique et un côté physique. Tout ce qui est vrai dans le visible ou le physique se réalise d'abord dans l'invisible ou le psychisme. Le visible n'est que le reflet de l'invisible et le psychisme agit lourdement sur le physique.

Selon les mythes allégoriques de Afà (géomancie divinatoire et encyclopédie du Vodu), il existerait un monde supraterrestre appelé " Fétomé " (nous y reviendrons) qui représente le psychisme collectif ou encore la mémoire de Mawu (être suprême, voir plus loin). Dans ce monde supraterrestre le " monde à devenir " se fabrique. Au niveau de l'humain, ce monde supraterrestre se situe à l'intérieur de son psychisme. Ainsi les cinq sens de l'humain constituent une espèce de réceptacle par lesquels les drames rituels vodu envoient des messages au psychisme. La matière n'étant que la reproduction de l'invisible, le corps humain ne représente que le reflet du psychisme.

Alors après avoir reçu le message par le biais des cinq sens, le psychisme l'intègre et le reproduit ensuite dans le corps physique : c'est la somatisation.

On me dira qu'il faut la présence ou le contact entre l'émetteur et le récepteur du message pour parler des cinq sens. C'est une évidence. Mais le Vodouisant utilise nombre de substituts pour imprégner le psychisme du récepteur. Certains émetteurs ont tellement développé leur propre psychisme au point de communiquer directement avec un autre psychisme ; nous avons ici le principe de communication de la haute sorcellerie. Je reconnais ici que le mot sorcellerie est communément utilisé comme étant du domaine du charme et des maléfices (Hachette 1999, p, 1762), mais dans la pratique, être " Azétô " (l'équivalent de sorcier en évé et en fon) ne veut pas forcément dire faire du tort aux autres.

En effet le Vodouisant définit la sorcellerie comme étant la capacité de l'individu à entrer en contact avec le psychisme collectif ou individuel. Alors quand quelqu'un pénètre dans votre psychisme, il y dépose ce qu'il veut. Vous prendrez conscience de son message par les cinq sens, c'est-à-dire par somatisation.

Au fait ! la sorcellerie que l'on appelle " magie noire " résulte seulement du choix de l'opérateur. Car l'" antisorcier " procédera de la même manière pour guérir la personne envoûtée. Entre le sorcier et l'anti-sorcier, qui n'est pas sorcier ?

En définitive, la réalité du Vodu se trouve dans le psychisme et nous nous en rendons compte par la somatisation ou la matérialisation dans le visible.



Le monde du Vodu

Besoin n'est plus de définir le mot vodu. I1 nous faut alors montrer comment le monde des invisibles se conçoit sur le plan matériel. D'où vient le Vodu ?

Dans l'état actuel des recherches, personne ne peut prétendre dire, avec preuves scientifiques, l'origine première du Vodu.

Cependant, nous connaissons le Vodu en Occident par le biais des Antilles et particulièrement de Haïti. Le peuple qui est aujourd'hui le dernier dépositaire du Vodu avant que cela n'atteigne Haïti est, sans aucun doute, les Adza-tado, sur la côte ouest-africaine. C'est un peuple qui s'étend sur le littoral, du Bénin (ancien Dahomey), du Togo et du Ghana et regroupe les Fon, les Evé, les Watsi, les Minà, les Gùn et autres croisements de ces peuples. Quand on leur demande d'où vient le Vodu, ils font référence à une origine mythique qui se trouverait à l'Est. On fait aussi le Vodu dans le sud du Nigeria, mais sous le vocable de Orisha.

Le Vodu que je vous présente ici est celui des Adza-tado d'où il a fait sa dernière migration pour atteindre le Nouveau Monde par le biais de l'esclavage. Comprendre le Vodu consiste d'abord à saisir l'incarnation matérielle de l'invisible, puis les liens entre la nature, l'homme et l'Etre suprême et enfin la symbolisation de la vie.



L’Incarnation de l’invisible



Je voudrais dire la matérialisation du monde des invisibles. I1 n'existe pas une théorie mais des théories sur la cosmogonie africaine. Nous avons la thèse de B. Maupoil, celle de A. de Surgy et celle de R.Brand, par exemple. Quelles que soient leurs différences, tous les auteurs se mettent d'accord sur l'existence de deux mondes parallèles : l'un visible et l'autre invisible.

Je ne veux pas présenter ici une nouvelle théorie sur la cosmogonie africaine mais seulement décrire ce que la pratique révèle de l'action du monde des invisibles sur le monde du visible.

La pratique montre que le Vodu gravite sur trois paliers dans une espèce d'incarnation d'un monde supraterrestre dans le monde physiquement terrestre. Ces trois paliers se soutiennent, s'interpénètrent et s'expliquent les uns par les autres. Ces trois paliers hiérarchiques se nomment : Mawu, Fétomé et Agbégbomé.



Que signifie Mawu (lire Maou) ?



Selon l'étymologie populaire, Mawu (en évé), est la contraction de " Améa éwu ", c'est-à-dire " cet être surpasse ". Maahù (en fon) vient de " Mèdé ma hù ", " personne ne peut le surpasser ". En évé ou en fon, nous arrivons à la même traduction : Etre suprême.

R. Brand n'accepte pas que Mawu ou Maahù soit un Etre suprême en Vodu, bien que la traduction littérale l'affirme. Hugo Zöller, journaliste allemand, le rapportait déjà à la fin du 19 siècle. B. Maupoil et A. de Surgy accordent à Mawu la traduction d'Etre suprême. Outre ces témoignages, la pratique aussi confirme que Mawu est un Etre suprême. En effet, quand le Vodouisant veut mettre l'Etre suprême en mouvement, il décline le nom Mawu de la façon suivante : " Mawu Ségbo Lisa, Ata kokodabi bé dzè na vônô ", ce qui signifie : "Etre suprême, vieille âme aux multiples couleurs (manifestations ou matérialisations), père tout puissant et vivant éternellement". Voilà comment le Vodouisant invoque Mawu dans ses prières.

Les Adza-tado n'ont aucune représentation iconographique de Mawu. Ils demeurent plutôt convaincus de sa présence derrière chaque manifestation terrestre. Mais avant d'arriver sur terre, chaque manifestation se conçoit à Fètomé.



Qu'est-ce que Fètomé ?

Fètomé est le deuxième palier du monde du Vodu. C'est aussi un monde invisible. On y voit des formes se manifester. Tout semble faire croire que Fètomé est à la fois un monde supraterrestre et aussi la pensée de Mawu.

En effet, toutes les allégories de Afà commencent toujours par : " A Fètomé tel être a fait ci ou a fait ça... ". A Fètomé, " Amétô Lisa "(un autre nom de Mawu) communique directement avec chacun de ses enfants qui sont ses différentes manifestations.

"Amétô Lisa" est le nom de l'Etre suprême " qu'affectionnent les allégories de Afà. Ce mot composé signifie : Père aux multiples manifestations ou couleurs.

Autant les allégories donnent des images bien précises des enfants, autant aucune ne donne de forme au père. Chaque enfant de Amétô Lisa est un enfant unique dans son espèce mais androgyne. Cette situation pousse à penser que Fètomé représente la pensée ou la mémoire de Mawu où celui-ci donne les formes au monde en devenir.

Quand chaque prototype arrive à terme, Mawu le fait matérialiser, l'expulse vers le dehors qui est Agbégbomé. En entrant à Agbégbomé, chaque créature se découple en mâle et femelle, offrant ainsi la possibilité de procréation.

Ce passage de Fétomé à Agbégbomé se signale clairement dans les deux exemples qui suivent :

-Selon le signe de Afà, Di-mèdzi, " quand le palmier à huile dans son voyage d'incarnation arrive au portail de Agbégbomé (monde matériel) chez " Edu-Légba " (gardien extérieur collectif), celui-ci lui fait une consultation ; il en est toujours de la sorte pour chaque incarnation. I1 est révélé au palmier à huile de faire le commerce pour réussir sa vie terrestre. Mais pour cela, il doit faire un rituel pour conjurer le côté sorcier que comporte son destin. Le palmier à huile fait les rituels requis et connaît une longévité remplie de richesse sur terre.

-" Woli wo lété " (autre signe de Afà) raconte dans son allégorie que " quand le Boa était arrivé au portail chez Edu-Légba, il refusa de faire les rituels, à cause de son orgueil. C'est pour ce refus congénital que chaque fois que le Boa avale sa proie, il doit attendre sur place le pourrissement total de sa proie avant de continuer son chemin. En conclusion, pour avoir refusé de faire le rituel de passage de Fètomé à Agbégbomé, le Boa, après chaque repas doit attendre ; et dans cette attente, n'importe quoi peut lui arriver. La vie à Agbégbomé est-elle donc aléatoire ?



Qu'est-ce que Agbégbomé ?

Nous sommes sur le troisième palier du monde logique du Vodu, allant vers le bas, le monde terrestre.

" Agbé " veut dire vie matérielle. " Gbomé " signifie cercle, assemblée, peuple ou monde. " Agbégbomé " signifie donc le monde de vie matérielle.

On dit aussi " Kodzogbé ". " Kodzo " signifie épreuve ou jugement. " Kodzogbé ", venant de " Kodzo fé agbé ", nous donne en définitive la vie des épreuves.

Pour le Vodouisant, Mawu n'a pas de forme mais il est en même temps un père aux multiples manifestations (Amétô Lisa). De ce fait, le Vodouisant voit Mawu derrière ou dans chaque manifestation terrestre. L'Etre suprême se manifeste d'abord à travers les quatre éléments qui permettent l'existence de la vie : le feu, l'air, l'eau et la terre.

L'air prend la forme de Afà, le verbe de Mawu. Afà, dans la réalité se présente sous forme d'un système de divination qui permet de tracer le destin de l'individu et surtout de communiquer avec le monde des invisibles. Un verbe qui relie et qui s'incarne (voir plus loin).

Le feu est symbolisé par une divinité appelée Xébiéso, la divinité de la foudre. Elle transmute l'air en eau, l'impureté en pureté. Elle symbolise aussi l'alchimie des réalisations qu'il faut savoir préserver.

L'eau se retrouve dans la divinité "Edà ou Mamiwata". C'est le serpent ou la divinité de la richesse, de la fécondité et de la procréation..

La terre se présente sous les traits de la divinité "Sakpatè ou Sakpata", divinité de la variole. Elle représente le symbole de la jalousie, de la dualité et de la complémentarité. Elle fait entrevoir aussi les preuves terrestres.

A partir de ces quatre matérialisations de l'Etre suprême, toutes les représentations de Mawu deviennent possibles. Alors, vous pouvez honorer l'Etre suprême selon la matière qui vous convient. C'est peut-être ici que l'on a pensé à tort à l'animisme et au polythéisme de l'Africain. Or, nous l'avons vu, la matière n'est qu'un piètre réceptacle. D'ailleurs l'être humain ne serait-il pas un substitut presque parfait de l'Etre suprême ?
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Qu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu :: Commentaires

Le lien entre la Nature, L’Homme et Mawu

Bien que Mawu dépasse l'entendement humain, il se trouve à l'intérieur de celui-ci : son intelligence et ses autres facultés. Fétomé se situe au niveau du psychisme de l'humain où celui-ci monte d'abord le plan de ses réalisations, sa pensée. L'humain, en tant que matière physique, représente le monde des réalisations, le monde des épreuves. L'humain possède le verbe, la parole. La science démontre que le corps physique contient de l'air, de l'eau, dégage une certaine chaleur et il ne diffère en rien de la terre.

Enfin, l'être humain se dit "Amé gbétô" (en évé) ou "Agbètô" (en fon), être vivant ou être doué de vie.

Dans Mawu, nous avons "Amé", être. Cela amène donc à dire que le Vodouisant conçoit l'Etre suprême par rapport à l'humain.

En définitive, le Vodouisant perçoit non seulement l'Etre suprême derrière chaque créature terrestre mais pense aussi que l'Etre suprême en tant qu'invisible se reflète matériellement dans l'humain. C'est pour cela que pour nommer cette entité suprême, il le fait par rapport à l'humain. Nous voyons aussi ici l'une des raisons pour lesquelles l'Africain traditionaliste fait de sa vie une initiation au quotidien.



La symbolisation de la vie du vodouisant

La pratique du Vodu et les explications qu'ont voulu me donner les vieux informateurs (tous, des prêtres de Afà, Bokô ou Bkônô, tels que Kofi Glodzo, Ahôtsri Wini, Hùnkàlià, Awudi Saba, le Vieux de Porto Novo) me poussent à avancer l'idée que Fètomé serait accessible à l'initié de façon consciente et à tout le monde de façon inéluctable par la mort.

Commençons par la grande initiation, la mort.

Quand un Vieux ou un initié meurt, les Adza-tado disent qu'il est parti à " Fè ", (E yi Fè). Efè ici ne correspond nullement à la ville de Ilè-Ifè au Nigeria, bien qu'elle se trouve à l'Est des Adza-tado. D'ailleurs les Adza-tado situent la mort à l'Ouest, " fièsi fièè miàà ", le coucher du soleil ou le terme de la mission terrestre de l'individu.

Efè dont nous parlons ici est la contraction de Fètomé, le monde des invisibles, la pensée de Mawu, le psychisme collectif. Il ne porte pas seulement le monde en devenir mais constitue aussi le monde où retourne tout ce qui meurt sur terre. L'humain, par exemple, voit son corps physique retourner à la terre mais son " Luvô " (souffle ou âme) réintègre Fètomé. A Fètomé, l'âme du défunt réintégrerait son entité primordiale androgyne où il se régénère. De là et quand il est encore prêt, l'individu renaîtra par le portail de l'Est.

Nous connaissons ainsi la raison pour laquelle la prière des vivants se fait chez les Adza-tado en faisant face à l'Ouest en souhaitant à l'individu d'atteindre le soir c'est-à-dire le terme de sa mission terrestre ; la prière pour les ancêtres se fait face à l'Est ; et certaines femmes adza-tado (certaines communautés fon et gù) n'accouchent pas dans la maison dont la porte principale fait face à l'Est. A la naissance, l'enfant attend dans l'ombre sans voir le soleil pendant un certain temps (huit ou trente jours) avant d'être présenté à la communauté, au soleil, et si seulement si son cordon ombilical est tombé. Nous touchons ici au principe de la réincarnation.

Quant à l'initié et plus particulièrement le prêtre vodu, des rituels bien précis lui confèrent la capacité d'avoir un accès conscient au monde supraterrestre. Les dits rituels l'aident à développer son psychisme individuel au point de le brancher volontairement sur le psychisme collectif. Il s'agit de ce que l'on appelle par ailleurs l'ouverture du troisième oeil. Eric de Rosny le dit clairement dans " les yeux de ma chèvre " (Plon 1981). On donne aussi ce nom au sorcier : " avoir la double vue ". Certains enfants naissent avec le troisième ¦il ouvert. Il peut arriver qu'ils voient certaines choses qui les traumatisent, on fait alors des rituels pour fermer définitivement ou provisoirement le troisième oeil.

L'humain se lie intimement à l'Etre suprême par son psychisme. Les pratiques cliniques (consultations divinatoires, rituels et traitements des maux individuels et collectifs) démontrent qu'il existe une harmonie permanente entre le psychisme individuel et le psychisme collectif d'une part et entre le psychisme individuel et la conscience de l'individu d'autre part. Dès qu'une dysharmonie se situe quelque part, le corps physique en tant que reflet et support du psychisme somatise : il y a donc maladie.

Le corps physique peut s'abîmer compte tenu de l'importance et de la durée de la dysharmonie psychique. La réparation ou le traitement des affections physiques concerne la médecine moderne et la pharmacopée alors que les affections psychiques relèvent du domaine des rituels ou des initiations.

Traiter les affections psychiques revient donc à réharmoniser le psychisme individuel avec la conscience individuelle et aussi en même temps avec le psychisme collectif.

Je propose quelques exemples.

La consultation

Une divination, avec le Fa par exemple, consiste en une liaison entre le collectif et l'individuel, que ce soit psychique ou matériel. La consultation divinatoire constitue un moyen de diagnostiquer le désordre individuel et peut-être aussi la rupture du lien avec le collectif. Le rituel thérapeutique va projeter hors de l'individu, donc matérialiser, la racine de son mal.

Le drame rituel va permettre un regard sur soi, un dialogue avec soi et son environnement social. Les sacrifices vont " déraciner " le mal à ses origines dans le but de réconcilier l'individu avec lui-même et avec son groupe social.

Les cinq sens s'approprient la réhabilitation et l'intériorisent, passant ainsi le relais au psychisme. Le psychisme devrait, en principe, somatiser pour une guérison son tout au moins psychique. Et si le corps physique n'est pas trop abîmé, la guérison devrait devenir totale par interaction et par intégration du rituel vécu.

L'établissement de la tête d'un individu

C'est que l'individu " n'a pas de tête " ; cela se dit textuellement ainsi en fon ou évé. " Avoir sa tête " consiste à posséder toute sa raison et obtenir des résultats à ses projets, savoir aussi dissocier le bien du mal.

Sa tête serait confondue ou fusionnée avec celle d'autrui, sa mère, son père, par exemple. Il s'agit d'une question de personnalités qui peut se manifester par une répulsion ou une vraie fusion : une fille qui se prend pour sa mère ou une mère qui déteste sa fille. Dans ce cas nous avons besoin de dissocier les têtes.

Par ailleurs, l'absence de tête peut être un désordre dans la tête de l'individu et qui se manifeste par la non-maîtrise de ses multiples projets, des projets qui ne vont jamais à leur terme. Bref, l'individu est confus, éclaté ou dissocié.

Le prêtre sculpte une tête anthropomorphe qui représente celle du patient. L'individu a en face de lui sa propre tête avec laquelle le drame rituel lui permet de dialoguer, une tête harmonieuse que le drame rituel lui permet de s'approprier et d'incorporer.

La fermeture du trou de la mort

On parle du trou de la mort lorsque la mort s'est incrustée dans le psychisme de l'individu.

On peut tuer brutalement un bouc, une chèvre qui prendrait la place du patient dans la mort.

Le patient lui-même peut transférer sa propre mort dans un poulet vivant qui, lui aussi, prendrait sa place dans la mort.

Le lavage ou le nettoyage du patient, les bains rituels

Les bains possèdent un caractère de purification, surtout à cause des plantes purificatrices qui les composent. Ils servent aussi de réconciliation avec soi-même et avec les autres.

Le bain se prend au moment de fermer le " trou de la mort ". Le bain se prend en tout cas pour nettoyer ou effacer dans le psychisme un passé fâcheux.

Un enfant peut demander à son père de lui cracher de l'eau fraîche sur le visage pour lui pardonner ses offenses.

Deux ou plusieurs " ennemis " peuvent postillonner de l'eau fraîche sur le visage et dans les mains des uns et des autres en signe de réconciliation et de paix retrouvée.

L'établissement du destin d'un individu

Il s'agit d'une initiation qui indique à l'individu la pratique de l'harmonisation de l'être en vue de la reconnaissance de sa propre place dans la présente incarnation, en vue de la réalisation de son destin. Cela se fait à travers le Fa-destin.

En 1986, dans mon rapport de DEA, j'ai mis à jour pour la première fois la dualité du Fa : le Fa-destin et le Fa-oracle.

Je disais plus haut que le Fa est la parole de Mawu, le verbe de Mawu. De ce point de vue, on comprend mieux pourquoi les hommes se servent du Fa pour communiquer avec l'invisible. B.Maupoil et A. de Surgy ont bien mis en évidence ce trait d'union que le Fa constitue entre les hommes et Mawu. Mais les informations que l'on a voulu leur donner ne leur ont pas permis de distinguer le Fa-destin du Fa-oracle. De ce fait, ils ont malheureusement conclu que quand on est initié au Fa, on chemine inéluctablement vers la prêtrise de Afà (Bokô ou Bokônô). C'est tout comme si tous les Chrétiens baptisés devaient devenir curés ou pasteurs.

Le Fa-oracle, le verbe de communication de Mawu, se constitue de chapelets divinatoires. Le Bokô s'en sert pour interroger le monde des invisibles, le psychisme collectif ou individuel. Je me demande parfois si le psychisme individuel se dissocie vraiment du psychisme collectif.

Le Fa-destin constitue une initiation au cours de laquelle, les prêtres aident l'individu à connaître son destin. Les legs du Fa-destin se composent de graines noires dites " les noix sacrées " (Julien Alapini).

Le Fa-destin représente donc la parole ou le verbe de Mawu incarné. Nous comprenons peut-être mieux pourquoi nous disions plus haut que l'humain représente en partie la matérialisation de Mawu.

Le Fa ou Afà se présente pour moi ici comme non seulement le verbe de communication et de création de Mawu mais aussi comme le verbe qui s'incarne et se matérialise : le verbe et la lecture du verbe.

L'initiation au Fa-destin conduit le candidat à mourir symboliquement et à renaître en initié. Elle met aussi en évidence quelques nombres que d'autres initiés peuvent comparer à leurs connaissances : le 3 le 7 le 8, le 36...

Tout se fait en trois fois, symbole de la vie terrestre, du feu, de l'air et l'eau se trouvant au coeur de chacun de ces éléments. Le trois est le chiffre de l'initié au Fa : la couleur rouge à droite, représente le positif, le bleu ou le noir à gauche comme le négatif ; l'initié en blanc au milieu, doit composer avec le mal et le bien pour réaliser sa vie.

Le trois se présente aussi comme l'homme et la femme qui donnent naissance à l'amour.

Le sept semble être le premier cycle terrestre. Car comme le nouveau-né, le nouvel initié reprend sa vie normale à partir du huitième jour.

Le huit sort des points cardinaux que l'on invoque deux fois : les points cardinaux terrestres et les points cardinaux célestes. On dirait l'accouplement du ciel et de la terre pour enfanter le monde visible (signe Gbè-mèdzi du Fa). En Occident, c'est le premier nombre cubique, soit 23.

Les noix sacrées de Afà sont au nombre de 36, le dixième de 360. Le cercle est constamment invoqué. Mais pour marquer son infinité, on ne le matérialise jamais.

Juste avant de partir au bois sacré pour l'initiation au Fa, on invoque toutes les entités du bien et du mal dans un carré tracé au portail de la maison. Ce carré, appelé " vévé ", contient dix-sept autres petits carrés représentant les seize signes de base de Afà et leur messager.



Conclusion

Le professeur Jean Guiart disait, lors de la soutenance de ma thèse à la Sorbonne en Février 1994, que le Vodu se situe au carrefour de plusieurs sciences, après qu'il ait été faire un séjour au Bénin ; il ajoutait que le Vodu devrait être étudié par plusieurs spécialistes de différentes branches. Pour ma part, je rappelle encore que la connaissance est un tronc de baobab que nul ne peut embrasser de son seul tour de bras. Il faut s'y atteler à plusieurs, et encore ! Je ne détiens donc pas la vérité sur le Vodu, ni sur les traditions africaines. J'ose espérer avoir rapporté pieusement ici ce que mes Vieux ont voulu que je dise et sans les trahir.

Le principe du Vodu que j'en ai tiré devrait nous rapprocher des autres traditions africaines qui ne diffèrent entre elles que par la langue dans laquelle elles sont nommées. Quant à l'imaginaire, je trouverais bien sa place dans l'habileté du griot à conter son histoire et dans l'art du prêtre à mettre en scène son drame rituel. Le reste consiste en une réalité d'un monde parallèle, supraterrestre, le psychisme collectif et individuel que les allégories mythiques permettent de matérialiser. Ces allégories contiennent les clés qui expliquent l'existence terrestre et comment l'humain pourrait s'harmoniser avec lui-même et avec le TOUT.

Pour finir, laissez-moi vous conter une des allégories du signe Gbé-mèdzi :

" Au commencement à Fètomé, le ciel et la terre étaient mari et femme. Mais la terre était d'une arrogance et d'une impolitesse incroyable. Un jour, en balayant la maison, elle tape son mari avec le balai. La fierté du ciel prend un sérieux coup. Fâché, celui-ci s'éloigne de sa femme. L'orgueil de la terre ne lui permettait pas d'aller vers son mari pour tenter une réconciliation. Alors les enfants de la terre se mettent à tomber malades, car une seule goûte d'eau ne tombait. La terre va voir Afà pour une consultation et trouve Gbé-mèdzi. Les oracles lui recommandent d'aller demander le pardon à son mari. La terre suit les conseils de Afà. Depuis ce jour, il pleut jusqu'à aujourd'hui ".







Bibliographie :

Alapini Julien : Les Noix sacrées, Regain, Monte Carlo, 1950

Augé Marc : Le dieu objet, Flammarion, Paris 1988

Brand Roger :

- Dynamisme des symboles dans le culte Vodun Thèse de 3ème cycle, EHSS, Paris 1973, p.475

- La société Wemenu, son dynamisme, son contrôle. Thèse de Doctorat d' Etat es-Lettre et Sciences humaines Paris 1990, pp 496-874.

Griaule Marcel : Dieu d'eau, Fayard, Paris 1966

Kligueh Goudabla Basile : Le système Vodu à travers la géomancie Afà chez les Adza-tado sur la côte ouest africaine, Thèse de Doctorat nouveau es-lettre et Sciences humaines, Paris I la Sorbonne, 1994

Maupoil Bernard : La géomancie à l'ancienne côte des Esclaves, Instituts d' Ethnologie, Paris 1981
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1232

Afrikara
mihou
Ouidah et le vaudou
Message Sam 3 Juin - 23:27 par mihou
Si le Vaudou a ses origines au Bénin, beaucoup de ses pratiques se sont répandues dans d’autres parties du monde. Cette situation découle de la traite négrière, étant donné que Ouidah, le berceau du Vaudou, était également l’un des plus grands ports négriers de l’Afrique de l’Ouest. Aussi, beaucoup de croyances traditionnelles du Bénin se retrouvent-elles actuellement parmi les populations des Iles Caraïbes (Cuba et Haïti particulièrement), du Brésil et d’autres parties de l’Amérique du Sud. La Route des Esclaves présente un caractère sacré, symbolique et historique. C'est cette route, longue de 4 km, que suivaient les esclaves pour aller s'embarquer sur les bateaux.


La traite des esclaves était la raison la plus importante pour la croissance de Ouidah après que les Européens s’y soient établis. En 1721, les Portugais y ont construit un grand fort pour avoir un bastion et faire le commerce d’esclaves. Pendant le 18ème et le 19ème siècle, Ouidah était un pivot important de l’exportation des esclaves, c’était le seul comptoir de l'ex Dahomey, et le plus important comptoir sur la Côte des Esclaves. Au point le plus haut de sa prospérité commercialle, Ouidah contrôlait l’export de 15 à 20.000 esclaves. Une personne particulière a été très importante pour faciliter l’esclavage ; son nom était Don Francisco Felix de Souza, venu du Brésil au Bénin en 1788 pour commander le fort portugais, mais qui est rapidement devenu le premier administrateur de la traite des esclaves entre l'ex Dahomey et l'Europe. Aujourd'hui la famille de Souza (les descendants de Don Francisco) vit encore à Ouidah, et habite dans son propre petit hameau entouré de murs très hauts..........

Ouidah se situe à 40 km de Cotonou sur la principale route menant au Togo.
 

Qu’est-ce que le Vôdu ? Par l’anthropologue et prêtre vodu

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