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 Les paradis fiscaux sous la loupe des fiscalistes

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mihou
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mihou


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19052006
MessageLes paradis fiscaux sous la loupe des fiscalistes

Courrier international, no. 728
Economie, jeudi 14 octobre 2004, p. 64

MONDIALISATION
Les paradis fiscaux sous la loupe des fiscalistes

Duncan Campbell
The Guardian (Londres)

Une nouvelle organisation, le Réseau mondial pour la justice fiscale, entend lutter, avec l'ONU, contre les détournements financiers. Au Sud comme au Nord.

L'argent détourné vers les sociétés paravents et les paradis fiscaux représente des milliards d'euros. Selon l'ONG OXFAM, ce montant est six fois supérieur au coût de l'instruction élémentaire dans les pays en développement et trois fois supérieur à celui des soins de santé primaires.

Près de 150 000 sociétés paravents sont créées chaque année. Dans les années 1970, on dénombrait 25 paradis fiscaux ; aujourd'hui, il en existe au moins 63, environ la moitié étant des protectorats britanniques ou d'anciennes colonies. L'évasion fiscale, pour la seule Grande-Bretagne, oscillerait entre 25 et 85 milliards de livres [entre 36 et 123 milliards d'euros].

En septembre, le Réseau mondial pour la justice fiscale*, formé l'année dernière par des économistes et des fiscalistes préoccupés par cette dérive, a créé un secrétariat international à Londres. Il oeuvrera avec l'ONU et d'autres organismes internationaux à lutter contre le phénomène. John Christensen, coordinateur du secrétariat, explique : "De nombreux pays en développement sont aujourd'hui dominés par des élites qui se servent des paradis fiscaux. En fait, depuis quelques années, la situation s'est aggravée." Avec l'apparition de nouveaux venus sur ce marché, les anciens paradis fiscaux proposent des solutions plus avantageuses. John Christensen assure que ces pays se livrent "une concurrence acharnée. Ils se plaisent à dire qu'ils lubrifient les rouages du capitalisme mondial, mais l'argument ne tient pas. La réalité, c'est qu'ils rejettent le fardeau fiscal du capital sur les travailleurs et les consommateurs." Selon lui, "les solutions doivent être mondiales et l'ONU est le seul organisme qui puisse agir à cette échelle. L'Organisation internationale du travail a échoué."

Les paradis fiscaux ont aussi attiré l'attention de John Kerry, le candidat démocrate à la présidence américaine. Il a déclaré que, s'il était élu, il poursuivrait les sociétés qui dissimulent leurs bénéfices à l'étranger. En avril, l'US General Accounting Office [équivalent de la Cour des comptes] affirmait que 61 % des entreprises américaines ne s'étaient pas acquittées de l'impôt fédéral sur les sociétés à la fin des années 1990. Les paradis fiscaux ne représentent que 1,2 % de la population et 3 % du PNB mondiaux, mais ils abritent 26 % des biens et 31 % des bénéfices des multinationales américaines.

Presque tous les pays du monde ont aujourd'hui accès aux paradis fiscaux. Les Européens peuvent utiliser les plus anciens, comme Jersey et le Liechtenstein, ou les plus récents, comme Chypre et Malte ; l'Asie-Pacifique dispose des îles du Pacifique et de Singapour ; l'Inde et l'Afrique du Sud ont les Seychelles et l'île Maurice ; l'Amérique du Nord peut faire appel aux Antilles et à l'Amérique centrale. Parmi les personnalités politiques qui ont eu recours à ce système, on peut citer l'Haïtien "Bébé Doc" Duvalier, le président zaïrois Mobutu, Sani Abacha, l'ancien président du Nigeria, et Raúl Salinas, le frère de l'ancien président du Mexique. M. Abacha, du temps où il était président, faisait virer automatiquement sur son compte en Suisse 15 millions de dollars [12,15 millions d'euros au taux actuel] par jour de fonds volés.

En 1999, The Economist estimait que les dirigeants africains détenaient 20 milliards de dollars dans des comptes en Suisse, soit deux fois le montant de ce que dépense l'Afrique subsaharienne pour rembourser sa dette. La Somalie fait partie des tout derniers pays à proposer ce type de services. Pour John Christensen, elle fournit "un bon exemple de ce qui peut se passer si on n'éradique pas ce fléau". Il estime que la principale fonction des marchés financiers en Somalie sera le blanchiment d'argent.

L'évasion fiscale engendre aussi d'autres pratiques contraires à l'éthique : en 2001, quand Enron a fait l'objet d'une enquête, on a découvert que cette société avait 881 filiales offshore, dont 692 enregistrées dans les îles Caïmans. Cette évolution a bénéficié des progrès technologiques dans les communications et de la libéralisation des marchés. "Chaque fois qu'on enquête sur la corruption dans l'industrie pétrolière, on s'aperçoit que l'argent public pillé a été blanchi dans des paradis fiscaux", commente Gavin Hayman, de Global Witness [organisation qui enquête sur les liens entre l'exploitation des ressources naturelles et les violations des droits de l'homme].

Si l'on en croit John Christensen, les paradis fiscaux sapent les économies nationales de trois manières. Primo, la capacité des Etats à s'assurer des recettes fiscales s'en trouve réduite, si bien qu'un pays pauvre aura du mal à financer ses investissements dans la santé et l'éducation ; secundo, l'existence des paradis fiscaux favorise le blanchiment d'argent et le trafic d'armes ou de diamants ; tertio, ce système contribue à l'instabilité financière, laquelle a débouché sur les crises des économies indonésienne et thaïe dans les années 1990.

* <WWW.TAXJUSTICE.NET>.


Encadré(s) :

Au Delaware

Courrier international

Plusieurs Etats d'Europe orientale (Russie, Ukraine, Lituanie, Hongrie...) ont présenté une centaine de demandes d'information à la justice américaine à propos d'opérations de blanchiment d'argent effectuées par des criminels de leurs pays via de mystérieuses entreprises enregistrées

dans le Delaware. Dans cet Etat, la législation sur les sociétés garantit un strict secret, qui assure l'anonymat des gérants et des actionnaires, explique The Wall Street Journal. Le Delaware serait ainsi devenu un paradis de la fraude financière en tout genre.
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Les paradis fiscaux sous la loupe des fiscalistes :: Commentaires

http://www.france.attac.org/a3758 Christensen John


Paradis fiscal, enfer social : Intervention de John Christensen
Intervention de John CHRISTENSEN, Global Tax Justice Network (Réseau mondial pour la justice fiscale)
11/01/2005 -
. . .


Le Réseau mondial pour la justice fiscale s’est constitué dans la continuité des réunions du Forum Social Européen de Florence vers la fin de 2002, et du Forum Social Mondial de Porto Alegre au début de 2003.

Depuis plusieurs années, la société civile a commencé à réagir contre les paradis fiscaux. Au lendemain du Forum de Florence, nous avons décidé d’élaborer une déclaration que nous proposons à nos partenaires dans les pays du Nord et du Sud.

Les buts fondamentaux du Réseau mondial pour la justice fiscale sont :

- d’éliminer la fraude fiscale transfrontalière et limiter l’ampleur de l’évasion fiscale, de façon que les grandes sociétés et les personnes fortunées paient des impôts en rapport avec leur capacité contributive ;

- d’accroître le contrôle démocratique des impôts par les citoyens eux-mêmes et restreindre la capacité du capital à dicter une politique fiscale conforme à ses seuls intérêts ;

- de rétablir un traitement fiscal homogène pour les différentes formes de revenus et arrêter le transfert en cours des charges vers les citoyens ordinaires ;

- d’éliminer les incitations fiscales et la pratique du secret qui encouragent les sorties de capitaux des pays en développement ayant besoin d’investissements ;

- d’empêcher les privatisations à venir et la dégradation des services publics.

En mars 2004, nous avons décidé au Forum de Genève, de créer un secrétariat international pour construire et soutenir notre réseau, afin de coordonner nos recherches au niveau mondial et de représenter le réseau auprès de l’OCDE, des Nations Unies et du Parlement européen. Ce secrétariat est situé à Londres - une cité qui représente un des premiers paradis fiscaux dans le monde ! - et nous avons établi notre siège dans le bureau du « New Economics Foundation » - un cercle d’études et de recherche sur la politique économique globale (a think tank for global economic policy).

L’acquittement de l’impôt est avant tout l’acte par lequel les citoyens et les entreprises contribuent de façon primordiale à la société tout entière. Les revenus fiscaux sont indispensables au contrat social et essentiels au processus démocratique.

Partout dans le monde cependant, tandis que les gouvernements s’échinent à financer des services publics décents, les contribuables ordinaires sont forcés d’acquitter une large part, sans cesse croissante, de la charge fiscale, alors que les grandes sociétés et les individus fortunés échappent à leurs obligations en domiciliant leurs biens dans des paradis fiscaux.

L’ampleur de ce problème est désormais telle que, dans de nombreux pays, la survie même des systèmes de redistribution et de couverture sociale est menacée par la diminution des revenus fiscaux.

L’industrie de l’évasion fiscale est devenue une économie globale clandestine. Ainsi, une part substantielle du commerce mondial s’effectue de fait entre les filiales mêmes des multinationales, et il est établi qu’un quart au moins de ce commerce est facturé au travers des soixante et quelque centres financiers offshore répartis de par le monde.

L’évasion fiscale émerge comme le principal catalyseur du processus de globalisation, dès lors que les grandes sociétés opèrent une reconfiguration de leurs investissements et de leurs structures commerciales, à la seule fin de profiter des possibilités de réduction de leurs impôts fournies par les paradis fiscaux.

Le gouvernement américain reconnaît que ses pertes annuelles en revenus fédéraux s’élèveraient à environ 225 milliards de dollars. Ce montant pourrait être dépassé en ce qui concerne les pertes de revenus dans l’Union européenne.

L’évasion fiscale est une catastrophe pour les pays pauvres qui, sous le joug des sociétés étrangères, se voient contraints d’engager entre eux une compétition acharnée pour attirer des investissements sur leurs territoires respectifs. L’organisation OXFAM estime d’une part que pour ces pays, le coût annuel de cette compétition se monterait à 50 milliards de dollars, soit l’équivalent du montant total des aides au développement, et d’autre part, que les pertes résultant de l’évasion fiscale pratiquée par les élites politiques et industrielles locales et par les multinationales seraient d’un montant encore plus élevé. Un demi pour cent des avoirs abrités dans les centres offshore fournirait un revenu suffisant pour financer les objectifs de développement du Millénaire des Nations Unies, c’est-à-dire réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015.

En réalité le développement est menacé par les avantages fiscaux accordés aux grandes sociétés pour les attirer et par la considérable fuite des capitaux des pays en développement vers les paradis fiscaux.

Cette évasion systématique provoque également une distorsion des marchés globaux, en fournissant des subsides indirects au commerce transnational, favorisant ainsi les multinationales aux dépens des sociétés locales, et les grandes entreprises aux dépens du tissu de petites et moyennes entreprises.

Pour remédier à ce phénomène global, il convient d’agir à un niveau global. Alors que les marchés de capitaux et les investisseurs internationaux forgent la mondialisation et s’en arrogent les produits, les régimes fiscaux restent largement cantonnés à un niveau national, permettant ainsi aux paradis fiscaux d’exploiter pleinement les disparités entre ces régimes, par le biais de la promotion de leur fiscalité à taux zéro et de leur secret bancaire.

Il est essentiel d’agir maintenant, avant que la concurrence fiscale ne s’installe d’avantage encore dans le fonctionnement de l’économie mondiale. Pendant les deux dernières années, c’est-à-dire depuis le premier Forum Social Européen de Florence, nous avons élaboré les objectifs suivants pour la première partie de notre processus :

- faire connaître les problèmes des paradis fiscaux, de la concurrence fiscale et de l’évasion fiscale, et éduquer les parties concernées ;

- tisser les liens entre les parties concernées du monde entier, en particulier des liens Nord-Sud ;

- stimuler la recherche et le débat - par exemple depuis deux ans nous avons organisé une université d’été sur le sujet de l’évasion fiscale qui a attiré des chercheurs du monde entier ;

- encourager et soutenir des campagnes au niveau national et global.

Il est urgent d’élaborer un cadre de règles globales, afin de protéger les régimes nationaux des pratiques fiscales abusives et de faciliter l’échange automatique d’informations entre les autorités fiscales.

Le Réseau Mondial pour la Justice Fiscale a été créé dans le but de promouvoir un cadre réaliste pour une coopération fiscale effective. En effet, si cette coopération n’est pas mise en œuvre, la charge fiscale se déplacera de plus en plus vers les groupes à faibles revenus, la fracture entre pays riches et pays pauvres ne fera que s’accentuer, et la pérennité des Etats Providence et de la démocratie sera gravement menacée.

Il propose donc :

- Une approche multilatérale en vue de l’adoption de règles communes de définition de l’assiette fiscale, afin de minimiser les possibilités d’évasion fiscale par les sociétés transnationales et les investisseurs internationaux.

- Un accord multilatéral permettant aux États de taxer les transnationales sur une base unitaire globale, avec les mécanismes appropriés pour l’affectation des revenus fiscaux à l’échelle internationale.

- La création d’une autorité internationale dont le principal objectif serait de veiller à ce que les systèmes nationaux n’aient pas de répercussions négatives au niveau mondial.

- Une convention internationale pour faciliter le recouvrement et le rapatriement de fonds illégalement détournés des réserves nationales

- Des règles de paiement des impôts devant figurer à l’agenda de la responsabilité sociale des entreprises sur un plan global.

- Un accord multilatéral d’échanges automatiques d’informations entre administrations fiscales, afin d’aider les pays pauvres à enrayer l’évasion de revenus et le blanchiment des bénéfices.

- Une assistance directe aux autorités fiscales des pays en voie de développement afin de les soutenir dans leurs efforts de lutte contre les stratégies agressives d’évasion fiscale - comme la cession de prix interne et la capitalisation minimale.

Ce à quoi il tend est, en fait, la création et le développement d’une critique acerbe du rôle de la compétition fiscale dans la stratégie du développement. Depuis un quart de siècle, cette compétition est de plus en plus utilisée comme un moyen d’attirer les investissements, mais il apparaît également de plus en plus clair que le « big business » en ressort comme le seul vainqueur, au détriment de tous les autres participants. La concurrence fiscale - ou si l’on préfère, le dumping fiscal, nourrit un certain nombre de distorsions économiques au sein des marchés globaux :

- En créant une base inégale pour la compétition entre les transnationales et les sociétés locales ;

- En modifiant les formes d’investissement en abaissent le coût réel du capital et - par le biais du transfert de la charge fiscale - en augmentant le coût de la main-d’oeuvre et de la terre ; la concurrence fiscale incite une course vers le fond ; il n’y a pas de justification pour free-riding par les grandes entreprises transnationales.

Fondamentalement, la concurrence fiscale - menée par des paradis fiscaux, comme les îles anglo-normandes qui offrent un taux de 0 % sur les profits des sociétés non résidentes - est anti-démocratique et destructrice du contrat social au coeur de la démocratie.

Il est de plus en plus reconnu que les pays en voie de développement dépendent de l’exemption fiscale, bien que celle-ci ne soit sans doute pas dans leur intérêt, mais qu’ils doivent faire face à des pressions incessantes des entreprises qui veulent préserver leurs privilèges fiscaux et brandissent la menace de perte d’emplois et de relocalisation des investissements. Nombreux sont ces pays qui admettent que leurs ressources sont probablement gaspillées par l’octroi de ces concessions fiscales.

Un consensus se formerait sur la création d’une agence multinationale qui serait chargée de superviser les problèmes de compétition fiscale.

En conclusion, permettez-moi de vous faire part de la constatation à laquelle nous sommes arrivés : les paradis fiscaux ne sont qu’un simple symptôme de vices plus profonds dans l’architecture fiscale mondiale. Les solutions à apporter à l’ensemble des problèmes ainsi établis résident dans la volonté politique collective des pays du nord et du sud, parce que ces problèmes leur sont communs. Il faut regretter qu’il n’y ait à ce jour que de simples prémices de volonté politique de faire face sérieusement à cette situation, et c’est pourquoi il revient à la société civile de mobiliser l’attention et de générer cette volonté, ô combien nécessaire. Notre Réseau a été créé dans ce seul but, et il me semble de plus en plus évident que l’heure a sonné pour le lancement d’une campagne sérieuse à une échelle globale.

Je vous remercie beaucoup de votre attention.
ATTAC France - 66-72 rue Marceau - F-93100 Montreuil-sous-Bois - tél: 01.41.58.17.40 - fax: 01.43.63.84.62 - mail: attacfr@attac.org
Intervention de A.Missbach (13.05.03)
Imposer les profiteurs de la globalisation


Andreas Missbach, Déclaration de Berne,
responsable du dossier «banques et place financière suisse»


Le Réseau international pour la justice fiscale constitue une réaction au caractère unilaté-ral de la mondialisation. Le développement des technologies de la communication et de l'informatique, et plus encore la rapide libéralisation des marchés financiers permettent au capital mobile et à la fortune de se soustraire à l'impôt. Ainsi, le facteur de production qu’est le travail, considérablement moins mobile que le capital, doit supporter une plus grande part des impôts, et les consommateurs sont assujettis à des impôts sur la con-sommation toujours plus lourds. Dans le même temps, les milieux qui demandent une concurrence fiscale sans limites et des baisses d'impôts affirment que l'Etat social et de véritables services publics ne peuvent plus être financés.

Les paradis fiscaux au centre des marchés financiers
Il y a encore vingt ans, les placements «offshore» – effectués dans des paradis fiscaux – étaient marginaux. Ils jouent maintenant un rôle central. La moitié des transactions finan-cières mondiales concerne, d'une manière ou d'une autre, des paradis fiscaux. Mais les «centres offshore», les places financières extraterritoriales, ne sont pas que des îles exoti-ques aux législations laxistes. Ils sont totalement intégrés aux structures financières éta-blies.
Le nombre et la fortune de ceux qu’on appelle les «High Net Worth Individuals», ces per-sonnes qui disposent d'un capital supérieur à un million de dollars, croissent plus rapide-ment que l'économie mondiale. Les inégalités s'accentuent d’autant. Ces personnes très riches sont la colonne vertébrale de la gestion de fortune offshore qui échappe au fisc. 25 à 35% de la fortune privée mondiale offshore est géré en Suisse. Pour la place financière suisse, cette clientèle est donc de première importance. De plus, grâce à la pression de l'Union européenne, on sait maintenant que l'évasion fiscale de cette clientèle bénéficie de la protection du ministre des finances.
Environ la moitié du commerce mondial semble également transiter par des paradis fis-caux. Pourtant ceux-ci ne disposent, le plus souvent, que de petites économies nationales qui n'ont d'importance ni comme consommateurs ni comme producteurs. Les multinatio-nales les utilisent pour faire apparaître leurs profits là où elles ne doivent payer que peu ou pas d'impôts. Selon le même processus, on investit formellement dans des paradis fiscaux. La concurrence ainsi exercée par les paradis fiscaux a amené la plupart des pays à réduire leur propre fiscalité sur les entreprises. Les multinationales affirment assumer aujourd’hui davantage leur responsabilité sociale. Un comportement réellement respon-sable consisterait à ne pas échapper aux impôts et à rendre public le montant des impôts qu’elles paient.

Injustices à combattre
Si le segment le plus riche de la société rompt ainsi avec le pacte social, la cohésion sociale et la démocratie sont mises en péril. Le plus élémentaire sentiment de justice est bafoué lorsqu'on réprime sévèrement la moindre tromperie à l'aide sociale alors que des montants énormes sont soustraits au fisc sans danger ni sanction. Certains banquiers suisses disent facilement qu'ils protègent des personnes «poursuivies par le fisc». Ils font ainsi preuve d’une étrange compréhension de la démocratie. Il est légitime de s'engager par des moyens démocratiques contre des impôts jugés trop élevés. Mais ne pas payer d'impôts ou en favoriser le non-paiement ne l’est assurément pas. Le Réseau internatio-nal pour la justice fiscale démontre que la critique adressée à la Suisse n'a pas pour seule origine la jalousie ou la concurrence entre places financières. Le comportement de notre pays va à l'encontre des intérêts des citoyennes et des citoyens d’Europe et du monde entier.
Les paradis fiscaux, la concurrence fiscale et l'évasion fiscale ont de graves conséquen-ces sur les pays en développement. L'organisation de développement Oxfam estime ainsi les pertes annuelles à plus de 50 milliards de dollars US, ce qui équivaut environ à l'en-semble de l'aide publique au développement. Les pertes fiscales sur les fortunes privées gérées en Suisse seulement devraient avoisiner le quintuple de l'aide au développement de la Confédération.
Le Réseau international pour la justice fiscale a un but central: nous voulons que les per-sonnes s’enrichissant grâce à la mondialisation soient à nouveau imposables. Le Réseau s'intègre dans le processus du Forum social mondial. Son noyau s'est formé lors du Forum social européen de l'année dernière, au cours duquel – à l'instigation de la Com-munauté de travail des œuvres d'entraide, de la DB et d'attac-Allemagne – s’est tenu un séminaire sur les problèmes liés à la fiscalité. Des discussions par courrier électronique et conférences téléphoniques ont permis la rédaction d’une déclaration que vous trouverez dans votre dossier de presse. La discussion s'est poursuivie lors du Forum social mondial à Porto Alegre et s’est élargie ainsi à des partenaires du «Sud». Le Réseau s'est présenté publiquement le 24 mars à Londres, dans le «Houses of Parliament». La conférence de presse d'aujourd'hui est la première manifestation du réseau en Europe continentale; d'autres suivront.
Le réseau va lancer des campagnes spécifiques dans beaucoup de pays. Les possibilités dont disposent les personnes fortunées et les entreprises pour échapper aux impôts sont particulières à chaque pays. Nous souhaitons que la déclaration internationale fasse l’objet de débats et reçoive l’appui d’un grand nombre d’organisations afin que cette pro-blématique soit saisie au sein des associations, des syndicats et des partis. Le réseau va également lancer des campagnes internationales communes. Il va aussi faire du lobby auprès d'organisations internationales comme l'OCDE et sera actif sur le plan européen. Tant qu'elle protègera l'évasion fiscale, la Suisse pourrait bien être une cible privilégiée des campagnes internationales du réseau.

Pour plus d’informations:
Andreas Missbach, tél. 01 277 70 07 et 079 339 37 01, E-mail: amissbach@evb.ch
Intervention de S.Giegold (13.05.03)
Echange d’informations automatique: socialement équitable et efficace


Les fortunés de cette terre ont placé près de 9.4 billions de dollars US dans les paradis fiscaux. En calculant prudemment 6% de rendement sur ces avoirs et en supposant qu’ils soient grevés d’un impôt de 35%, on en arrive à une moins-value fiscale de 197 milliards. Une économie d’impôts énorme pour les riches.
On ne connaît pas exactement les montants en provenance d’Allemagne placés dans les paradis fiscaux. Des efforts ne sont d’ailleurs pas consentis pour élaborer des statistiques à ce sujet. Le ministère allemand des finances a fait savoir en janvier 2003 que «les milieux bancaires estiment que les sommes placées par les Allemands en Suisse, au Liechtenstein et au Luxembourg étaient proches de 450 à 550 milliards d’euros». A cela s’ajoutent naturellement les placements dans les nombreux autres refuges fiscaux. Le capital monétaire de tous les Allemands se montait à 3.800 milliards d’euros à la fin 2000. On peut donc calculer que près de 13% du capital monétaire privé est placé dans ces seuls 3 refuges fiscaux. La tendance est fortement à la hausse.
Il faut dans ce contexte partir de l’idée que ce sont avant tout les propriétaires de grandes fortunes qui profitent de la possibilité de dissimuler leur argent dans les refuges fiscaux. Les simples travailleurs n’en font pas usage. Pour les petits épargnants, les démarches à entreprendre et les risques sont trop importants par rapport au bénéfice retiré. Par ailleurs, les personnes au revenu modeste paient des impôts pas très importants, ce qui réduit l’incitation à placer de l’argent dans les refuges fiscaux. De cette manière, l’évasion fiscale renforce la répartition de toute manière déjà très inégale du capital en Allemagne: confor-mément au dernier Rapport sur la pauvreté et la richesse du gouvernement fédéral, 50% des ménages allemands les moins riches possèdent 4,5% de toute la richesse tandis que la tranche des 10% les plus prospères en possède 42,3%. La répartition réelle de la for-tune devrait être considérablement plus inique!
Les conséquences sont évidentes:
Des recettes fiscales font défaut aux pouvoirs publics.
Les recettes fiscales encaissées sont socialement injustes.
Une pression politique pour une baisse internationale de l’imposition du capital est engendrée.
Des options de réforme proposant de grever les revenus du capital n’ont quasiment aucune chance politique. A l’heure actuelle, il s’agit par exemple de l’intégration de revenus du capital dans les assurances sociales et de l’impôt sur la fortune.
Pour les revenus du capital de particuliers, la solution la plus efficace, et la plus juste socialement, consiste en un système d’échange d’informations automatique international comme les Etats-Unis le pratiquent déjà sur le plan interne. Le fonctionnement en est très simple: les banques et les sociétés de placement de capitaux envoient de façon routinière des communications de contrôle aux bureaux des contributions d’origine des investis-seurs. Cela permet d’imposer réellement les revenus du capital au domicile des contri-buables sans limiter la possibilité de choisir librement son prestataire financier. Bien plus, les communications de contrôle garantissent une concurrence loyale entre les différents sites de prestations financières, laquelle n’est plus faussée par des incitations fiscales. Cela signifie naturellement la limitation du secret bancaire en matière fiscale que la plupart des pays ne connaissent de toute façon pas. Aux Etats-Unis, les revenus du capital sont tout comme les revenus salariaux directement annoncés aux bureaux des contributions. Le Danemark, les Pays-Bas et l’Espagne connaissent des mesures de contrôle approfon-dies; la France, la Suède, la Grande-Bretagne, le Canada et le Japon sont des pays con-naissant pour le moins des contrôles par échantillonnage. Seules l’Autriche et l’Allemagne connaissent, à côté des paradis fiscaux classiques, la tradition douteuse du secret ban-caire en matière fiscale.
Les communications de contrôle pour les revenus du capital ne signifient rien d’autre qu’un traitement analogue à celui des recettes salariales directement annoncées par l’em-ployeur aux bureaux des contributions. Elles permettent que dans des conditions de mar-chés financiers mondiaux également, les revenus du travail et du capital soient taxés avec un même taux d’imposition.
Il est important que les communications de contrôle ne soient pas limitées à certains reve-nus du capital. Elles devraient aussi valoir pour les revenus des intérêts et les dividendes, ainsi que pour les gains réalisés suite à la hausse des cours, sinon il y a danger de trans-fert d’une forme de placement financier vers une autre. Cela n’est ni efficace du point de vue économique ni souhaitable pour des raisons d’équité fiscale.
Le système des communications automatiques de contrôle permet l’application consé-quente du principe dit du pays de domicile. Ce dernier est aussi simple que clair:
a. Les revenus dégagés dans le monde entier sont imposés dans le pays de domicile du contribuable;
b. Les différents Etats conservent leur souveraineté sur l’aménagement de leur système fiscal pour les contribuables domiciliés dans le pays;
c. Il est mis un terme à la ruineuse concurrence entre placements financiers pour des raisons fiscales.
Il faut en revanche s’opposer à la solution régulièrement réclamée pour des raisons évi-dentes par l’industrie financière: l’harmonisation internationale des impôts à la source (réalisation du principe du pays d’origine). En vertu de ce principe, les différents Etats doivent engranger «à la source» un certain pourcentage des revenus du capital comme impôt à la source. Ces derniers sont ensuite versés ensemble aux bureaux des contribu-tions des investisseurs. En général, le pays dans lequel les fonds sont placés peut garder une partie des recettes fiscales. De cette façon, les Etats de domicile des investisseurs obtiennent certes des recettes fiscales mais il est impossible d’imposer ces derniers selon leur taux progressif. Il s’agit là d’une solution socialement inacceptable. Elle permet cepen-dant de conserver le secret bancaire en matière fiscale.
Pour gérer le problème d’évasion fiscale avec cette imposition à la source, les différents Etats doivent s’entendre sur une imposition minimale harmonisée. Celle-ci sera basse vu les disparités des systèmes fiscaux internationaux. Une forte pression serait engendrée sur tous les pays pour régler leur imposition du capital sur le bas niveau convenu sur le plan international. C’est exactement ce que l’industrie financière souhaite: des impôts peu élevés sur les revenus du capital et donc une pression pour des impôts bas et un droit de regard public minime.
La solution de l’UE de la coexistence d’impôts harmonisés à la source pour la Belgique, l’Autriche et la Suisse, et des communications de contrôle pour les autres Etats, est inac-ceptable pour les raisons citées plus haut. En revanche, l’approche de l’échange auto-matique d’informations présente politiquement bien des atouts. Comme c’est la solution des Etats-Unis et que des pays européens procèdent aussi de la même manière sur le plan interne, il semble vraisemblable qu’elle va s’imposer au plan international. Le Réseau international pour la justice fiscale se battra en tout cas pour qu’il en soit ainsi.



Tentative d’estimation des fonds placés dans les paradis fiscaux
Dans le seul secteur bancaire suisse, il y a, sur la base de chiffres publics, 3.400 milliards de francs suisses déposés en capitaux étrangers [cf. Banque nationale suisse (2002): Les banques en Suisse 2001, Zurich.]. La part de marché de la Suisse dans le domaine de la gestion de fortunes étrangères avoisine 27%. Sur cette base, on estime le capital mondial géré à l’étranger à 9.400 milliards US$. En 1998, Vito Tanzi, l’ancien responsable de la division des impôts du FMI, a estimé comme suit les sommes gérées par les refuges fiscaux: «According to a reliable but non-official estimate, offshore deposit holdings total now somewhere around $7–8 trillion or close to the GDP of the United State» (Tanzi 1998). Malheureusement, il n’existe nulle part de statistique exacte à ce propos. Le Crédit Suisse (2000) estime que chaque année 7.500 milliards de dollars US prennent le chemin de places extraterritoriales (offshore).
Intervention de B.Gurtner (13.05.03)
La Suisse, un paradis fiscal nuisible:les organisations de développement réclament un changement de politique
Bruno Gurtner,
Communauté de travail Swissaid • Action de Carême • Pain pour le prochain • Helvetas • Caritas • EPER

Si la Suisse étendait aux pays en développement le traité sur la fiscalité de l’épargne passé avec l’UE, ces derniers recevraient davantage de fonds que la Suisse ne leur en octroie aujourd’hui au titre de l’aide au développement.
Même si, sous peu, la Suisse signera définitivement le traité sur la fiscalité de l’épar-gne avec l’UE, le débat sur le secret bancaire et le paradis fiscal suisse ne sera pas clos pour autant. Tôt ou tard, notre pays devra céder à la pression des Etats tiers. Il ferait bien de se préparer dès à présent à ces défis. En effet, il ne doit pas continuer à protéger tous ceux qui dans le monde se soustraient à l’impôt.
Pour la Communauté de travail des organisations d’entraide et la Déclaration de Berne (DB), il est clair que les pratiques fiscales déloyales, la concurrence fiscale internationale et l’évasion fiscale ont des effets négatifs sur les pays en développe-ment. Pour ces derniers, ces pratiques amorales sont synonymes d’un manque à gagner de plusieurs milliards. Nous exigeons donc que la Suisse leur donne à court terme les mêmes prérogatives que la convention sur la fiscalité de l’épargne donne à l’UE. Les pays en développement doivent bénéficier, comme les membres de l’UE, des rentrées fiscales d’un impôt sur les règlements d’intérêts. L’extension de la con-vention sur la fiscalité de l’épargne passée avec l’UE aux autres pays va dans le sens du principe usuel de la nation la plus favorisée appliqué dans la politique com-merciale.
Pour les pays en développement, ce mode de faire aurait des conséquences très positives comme le montre l’exemple suivant, limité aux comptes fiduciaires. Des sta-tistiques de la Banque nationale indiquent que 170 milliards de francs de crédits fidu-ciaires provenant des pays en voie de développement (Caraïbes comprises mais sans les centres offshore européens) se trouvaient sur des comptes suisses en 2001. Si on calcule un intérêt moyen de 4% sur cette somme, on arrive à un encais-sement d’intérêts de 6,8 milliards de francs. Un impôt à l’agent payeur de 35% sur l’ensemble de ces revenus rapporterait 2,3 milliards. Si l’on suppose que les trois quarts de ce montant étaient rétrocédés aux pays d’origine, cela dégagerait 1’785 millions de francs. A titre de comparaison, rappelons que l’aide suisse au développe-ment a totalisé 1'627,8 millions de francs en 2001.
La Communauté de travail et la DB exigent en outre que la Suisse revoie ses con-ventions actuelles de double imposition avec les pays en développement et octroie – par analogie avec les traités de ce genre conclus avec les pays membres de l’UE et par souci de réciprocité – l’entraide administrative aux pays en développement en cas de fraude fiscale.
A moyen terme, la Suisse sera obligée de supprimer la distinction qu’elle est la seule à faire entre fraude fiscale et soustraction simple à l’impôt. Nous nous en félicitons. Une soustraction simple à l’impôt doit faire l’objet d’une entraide judiciaire et adminis-trative dans les rapports avec l’étranger, le cas échéant moyennant une révision des lois concernées également. On supprimerait ainsi du même coup – enfin ! – le traitement inégal choquant entre Suisses et étrangers. Les personnes domiciliées dans notre pays qui se soustraient à l’impôt sont lourdement punies administrative-ment si elles sont attrapées; les personnes domiciliées à l’étranger commettant la même faute s’en tirent sans dommage. En gommant la différence entre fraude fiscale et soustraction simple à l’impôt, on ne lèverait pas le secret bancaire, contrairement à ce que prétendent les banques, mais on supprimerait le privilège étatique de la fraude fiscale commise par des étrangers.
A la longue, la tendance à automatiser les échanges d’information entre les banques et les autorités fiscales va s’imposer, en analogie avec la pratique usuelle relative au certificat de salaire pour les rémunérations salariales.
Nous exigeons par ailleurs que la Suisse cesse sa résistance passive au programme de démantèlement des pratiques fiscales nuisibles de l’OCDE. Cette dernière a iden-tifié 47 pratiques fiscales potentiellement dommageables. Deux d’entre elles con-cernent aussi la Suisse. L’OCDE suppose que des impôts y sont soustraits par le biais de l’établissement de sociétés dites administratives. Il s’agit de sociétés de capital, coopératives ou fondations n’exerçant qu’une activité administrative en Suis-se mais n’y déployant pas d’activités commerciales. L’OCDE considère en outre les sociétés de services comme potentiellement nuisibles, à savoir les sociétés d’un groupe fournissant des prestations à d’autres compagnies du même groupe. Jusqu’ici, le Conseil fédéral n’a encore jamais pris officiellement position à ce sujet.
Nous exigeons finalement que les activités offshore des sociétés suisses soient mieux répertoriées, contrôlées et régulées par des mesures ad hoc. Le postulat „know your customer“ doit être étendu au principe „know the owners of companies registered in tax havens”. Il s’agit de mieux contrôler les filiales offshore et tout abus doit être sévèrement puni.
Des enquêtes montrent que la majorité des Suisses sont contre l’aide à la fraude fis-cale internationale. Les autorités sont invitées à appliquer, dans ce domaine égale-ment, le principe de cohérence en vigueur dans la politique de développement.

Pour plus d’informations:
Bruno Gurtner, tél. 031 390 93 35, e-mail: bgurtner@swisscoalition.ch
mihou
Réseau international pour la justice fiscale
Message Ven 19 Mai - 0:30 par mihou
Réseau international pour la justice fiscale




Traduction française, original en anglais


Première partie: «Seuls les ‘petites gens’ payent des impôts …»
1. Les grandes sociétés et les personnes fortunées évitent de plus en plus de contribuer à la vie de la société en payant leurs impôts. Avec l'aide des gouvernements, elles transfèrent le fardeau fiscal sur les citoyens ordinaires et les petites entreprises. Les gouvernements prétendent que leurs revenus sont trop bas pour réaliser la justice sociale par le biais de services publics fournis à un prix convenable. Les privatisations et la diminution des dépenses sociales sont présentées comme étant inévitables. Face à cela nous plaidons en faveur de la justice fiscale: les Etat doivent également imposer les riches bénéficiaires de la mondialisation.
2. L'évasion fiscale est maintenant pratiquée à l’échelle mondiale. Les avoirs déposés dans les places extraterritoriales (offshore), échappant ainsi à toute imposition, sont estimés à environ un tiers de tous les actifs mondiaux.
3. Environ la moitié du commerce mondial semble passer par des paradis fiscaux. Les sociétés transfèrent les bénéfices là où elles peuvent éviter l'impôt. Des réseaux de banques, de juristes et de conseillers créent des structures financières complexes et secrètes, réduisant la transparence et facilitant l’évasion et la fraude fiscale. La prétention des grandes sociétés à la responsabilité sociale est ainsi minée par leurs faibles versements d’impôts. De tels comportements sont économiquement inefficaces, socialement destructifs, et profondément amoraux.
4. On estime que les pays en développement perdent ainsi annuellement des sommes plus élevées que l’aide au développement qu’ils reçoivent. Un demi pour cent des avoirs abrités dans les centres offshore fournirait un revenu suffisant pour financer les objectifs de développement du Millénaire des Nations Unies, à savoir réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015. En réalité le développement est menacé par les avantages fiscaux accordés aux grandes sociétés pour les attirer et par la considérable fuite des capitaux des pays en développement vers les paradis fiscaux.
5. Une telle évolution menace la démocratie et le développement. La concurrence fiscale au niveau mondial sape les contrats sociaux établis traditionnellement au niveau national, car les Etats surenchérissent pour offrir les exonérations fiscales les plus intéressantes au capital. Les paradis fiscaux deviennent de plus en plus nombreux, les centres financiers les plus riches deviennent encore plus riches, les impôts payés par les grands groupes diminuent, et les citoyens ordinaires paient la note. Nous appelons tous ceux et toutes celles qui sont concernés à relever ce défi en menant des campagnes mondiales et nationales pour la justice fiscale.


Deuxième partie: Un manifeste pour la justice fiscale
6. Il est essentiel d'agir maintenant, avant que la concurrence fiscale ne s’installe davantage encore dans le fonctionnement de l’économie mondiale.
Nos buts sont les suivants:
éliminer la fraude fiscale transfrontalière et limiter l’ampleur de l’évasion fiscale de façon à ce que les grandes sociétés et les personnes fortunées paient des impôts en rapport avec leur capacité contributive;
accroître le contrôle démocratique des impôts par les citoyens eux-mêmes et restreindre la capacité du capital à dicter une politique fiscale conforme à ses seuls intérêts;
rétablir un traitement fiscal homogène pour les différentes formes de revenus et stopper le transfert en cours des charges vers les citoyens ordinaires;
éliminer les incitations fiscales et la pratique du secret qui encouragent les sorties de capitaux des pays en développement ayant besoin d’investissements;
empêcher les privatisations à venir et la dégradation des services publics.
7. Certaines réserves et difficultés, certaines préoccupations particulières peuvent faire obstacles à la réalisation de ces objectifs. Cependant, un approfondissement des recherches, un dialogue démocratique et un échange équitable des résultats des recherches menées devraient permettre de surmonter ces obstacles. Par exemple:
Le secret financier et le manque d'information interdisent actuellement les recherches indispensables à une perception correcte de ces questions dans bon nombre d’Etats. Les propositions de réforme évolueront en fonction des résultats des recherches futures.
Nous reconnaissons que certaines petites îles et économies faiblement dévelop-pées dépendent fortement de pratiques fiscales dommageables liées à la concurrence fiscale et pourraient subir des réductions significatives d'investissements et de croissance économique.
Dans la mesure où une telle évolution affecte négativement l’ensemble de la population de ces pays, nous proposons que la restructuration de leur économie soit soutenue par une aide multilatérale.
Les personnes fortunées bénéficiant de droits acquis s'opposeront à ces réformes, mais nous rejetons totalement l’argument selon lequel les exemptions fiscales pour les riches bénéficieraient à tous. L’expérience montre que les allègements fiscaux augmentent habituellement les inégalités entre riches et pauvres.
Des augmentations de recettes publiques ne peuvent bénéficier aux citoyens ordinaires que si la société dans son ensemble est impliquée dans un large débat démocratique sur les dépenses.
8. Le respect de la vie privée des citoyens doit être distingué des régimes de secret financier dont seuls bénéficient les riches et les malhonnêtes au détriment de la majorité. En tenant compte des considérations exprimées ci-dessus, nous exigeons la fin immédiate de tous les régimes de secret financier, dans chaque territoire et Etat, au bénéfice de publications ouvertes, honnêtes et accessibles selon la liste de l’annexe 1.
Ceci:
augmentera les données disponibles pour les autorités, les chercheurs et les politiciens,
découragera la fuite des capitaux liées à la corruption,
mettra au grand jour les fortunes liées à la criminalité,
augmentera les recettes fiscales courantes sur le plan mondial.
9. Dans la décennie passée, les efforts de lutte contre les pratiques fiscales dommageables ont fréquemment consisté en attaques des pays industrialisés à l’égard de petits paradis fiscaux. De telles initiatives n'ont pas assez pris en compte le fait que la concurrence fiscale est directement liée à la structure financière des pays industrialisés. Cela nous oblige à aller au-delà des préoccupations des seuls pays industrialisés. Nous proposons la création immédiate d’un forum démocratique mondial composés de représentants des gouvernements et de groupes de citoyens du monde entier. Nous en appelons à une coopération fiscale internationale renforcée et nous demandons que de larges débats aient lieu sur ces questions, en particulier pour examiner la validité des politiques proposées dans l’annexe 2.
10. Nous nous proposons, en tant que citoyens et mouvements sociaux du monde entier, d’intervenir partout et chaque fois que nous le pourrons pour promouvoir une prise de conscience, nourrir un débat sur ces questions, développer des solutions concrètes.
Notre participation est essentielle à ce combat en vue de la justice fiscale.



En mai 2003


www.taxjustice.net
ANNEXE 1: Propositions de mesures immédiates

(I) Diffusion publique des informations suivantes dans tous les Etats et territoires:
Tous les textes de lois et traités portant sur la fiscalité,
les statistiques nationales détaillées sur l’activité des services financiers et données des comptes publics,
les comptes vérifiés de toutes les entités économiques significatives, y compris les trusts, indiquant notamment le chiffre d’affaires et les impôts payés avec une répartition pour chaque entité dans chaque territoire ou juridiction territoriale,
les bénéficiaires économiques de toute entité économique, trust, de tout compte bancaire ou d’investissement et de toute autre forme de biens.

(II) Développement d'échanges d'informations complets et automatiques entre toutes les autorités fiscales
pour faciliter l’évaluation et la collecte des impôts,
incluant l’obligation pour les Etats d’obtenir des informations des institutions financières, avocats, comptables, et autres intermédiaires concernés.

(III) L’attribution de fonds
pour entreprendre des recherches substantielles sur l’étendue, les effets et les solutions en matière de concurrence fiscale, de paradis fiscaux, de fraude et d’évasion fiscales,
pour que les représentants des groupes de citoyens et des pays en voie de développement s’engagent dans ces débats avec une connaissance suffisante des dossiers pour défendre leurs intérêts.

(IV) Création d’un forum démocratique mondial
pour réunir des représentants de gouvernements et de groupes de citoyens du monde entier,
pour améliorer la coopération, encourager le débat et accroître l’influence des citoyens et le contrôle démocratique sur les questions fiscales.


ANNEXE 2 : Propositions de mesures complémentaires pour améliorer la coopération fiscale internationale

(I) Imposition des sociétés transnationales sur une base unitaire, permettant aux autorités fiscales d’annuler les effets négatifs induits par les transferts de bénéfices vers des juridictions à faible niveau d’imposition.
(II) Application universelle du principe de résidence pour l’imposition des sociétés.
(III) Coopération étroite entre Etats au niveau de développement économique comparable et entre Etats géographiquement proches pour supprimer les effets destructeurs de la concurrence fiscale qu’ils se livrent.
(IV) Harmonisation des bases et taux d’imposition pour les capitaux à forte mobilité, soit les capitaux contrôlés par les grandes sociétés ou les personnes fortunées.
(V) Possibilités de créer des autorités fiscales régionales et mondiales aptes à représenter les intérêts des citoyens.

www.taxjustice.net
 

Les paradis fiscaux sous la loupe des fiscalistes

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