Le Devoir
CULTURE, samedi 1 février 2003, p. C9

Mois de l'histoire des Noirs: exercice de souvenir

Montpetit, Caroline

C'est devenu une tradition. À tous les mois de février, la ville de Montréal célèbre le Mois de l'histoire des Noirs, et cette année représente de plus le 170e anniversaire de l'abolition de l'esclavage au Québec.

La pratique de la célébration du Mois de l'histoire des Noirs s'est instaurée il y a douze ans ici. Et elle permet, année après année, de lever le voile sur l'histoire des Noirs au Québec. Cette dernière date d'ailleurs des débuts de la colonie, puisqu'un Noir doué pour les langues, Mathieu Da Costa, accompagnait Champlain lors de son troisième voyage d'exploration. Aujourd'hui, soit quelque quatre siècles plus tard, les Noirs représentent 30 % de l'ensemble des minorités visibles de Montréal, soit quelque 140 000 personnes. C'est ce que mettaient notamment en avant le maire Gérald Tremblay et le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration, André Boulerice, qui lançaient l'événement hier, à l'hôtel de ville de Montréal.

Au-delà de la naissance d'un musicien de renom, comme Oscar Peterson, à Saint-Henri, ou encore de la présence, contemporaine, d'écrivains tels Dany Laferrière, Émile Ollivier ou Joël Desrosiers, l'histoire des Noirs de Montréal est aussi jalonnée d'oppressions et de victoires, de luttes pour l'émancipation.

Déjà, l'historien Marcel Trudel a largement documenté l'esclavage des Noirs au Canada français, et en 1989, l'historienne Dorothy W. Williams publiait Les Noirs à Montréal, un essai de démographie urbaine faisant la lumière sur la place des Noirs dans l'univers québécois de 1628 à 1986.

De l'esclavage en Nouvelle-France, Mme Williams rappelle certains passages douloureux.

«Si le Noir s'évade, on lui coupe les oreilles et on le marque au fer rouge d'une fleur de lys à l'épaule; s'il récidive, on lui coupe les jarrets. S'il ose recommencer une troisième fois, c'est la mort», cite-t-elle, faisait référence au Code noir auquel se référaient certains propriétaires, même si ce code n'était pas en vigueur dans toute la colonie. L'historienne fait par ailleurs largement état de la discrimination dans le logement subie par les Noirs dans le Montréal des temps modernes.

Sait-on par ailleurs que c'est à Montréal, en 1911, que fut publié Nos hommes et notre histoire, de Rodolphe Lucien Desdunes, une histoire des Cenelles, ces Créoles francophones fortunés dont la communauté était d'une grande vitalité artistique et littéraire. Aux États-Unis, un recueil intitulé Les Cenelles - Choix de poésies indigènes, publié en 1845, est considéré comme la première anthologie de poésie afro-américaine publiée aux États-Unis.

Durant tout le mois de février se regrouperont donc une foule d'activités à Montréal sous le thème «Un océan d'Histoire et... d'histoires». Au fil du mois, l'accent sera mis sur la traversée effectuée historiquement par les Africains vers l'Amérique. En première ligne, l'histoire du peuple haïtien sera au centre des célébrations du mois. À titre d'exemple, mentionnons une exposition intitulée Peinture haïtienne... souvenirs et nostalgie, où on trouvera notamment les oeuvres de Saincilus Ismaël, d'Hélène Rigaug et de Phelix Brochette, à la succursale principale de la Banque de Montréal, rue Saint-Jacques, ou encore un documentaire sur l'esclave Marie-Joseph Angélique, qui, en tentant de s'évader en 1734, incendia la moitié de la ville de Montréal. Pour plus d'information, composer le 282-3443.