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 Voyage au pays des fous d'Allah

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mihou
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mihou


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08052006
MessageVoyage au pays des fous d'Allah

Voyage au pays des fous d'Allah

Pakistan, Afghanistan, Irak : notre envoyée spéciale s'est immergée dans l'univers de l'intégrisme. Reportages.

De notre envoyée spéciale Anne Nivat

En fin d'après-midi, l'appel du muezzin réveille le quartier de Lal Majed (la mosquée rouge) à Islamabad. D'un pas décidé, des hommes se pressent vers les murs d'enceinte rose et blanc. Quelques femmes leur emboîtent le pas. Pour se protéger de la pluie qui menace, un vendeur de chaussures en vrac tire sa marchandise sous un arbre. Curieuse, une femme dont n'apparaissent que les yeux tend son pied pour essayer une sandale. En remontant un peu son pantalon, elle laisse apparaître une peau laiteuse. Six minutes plus tard, la foule ressort en traînant les savates.

Conscience de ce complexe religieux, Abdoul Rashid Ghazi, vice-directeur des madrasas Jamia Faridia (2 500 garçons) et Jamia Hafssa (3 000 filles), est un islamiste intransigeant, quasiment assigné à résidence depuis qu'en août 2004 il a été accusé par le gouvernement d'avoir fomenté des attaques-suicides contre la résidence officielle du président Moucharraf, le parlement, l'ambassade américaine et le quartier général militaire.

Agé de 44 ans, l'homme à la barbe fournie et aux fines lunettes est assis en tailleur dans une pièce où le seul meuble est un ordinateur à écran plat branché sur Internet. « Il n'y a pas de dialogue avec l'Occident, déclare-t-il immédiatement. Nous ne nous comprenons pas. Les Occidentaux devraient cesser de spéculer comme après les attentats de Londres. Si, après l'explosion d'une bombe à Islamabad, on découvrait qu'un des terroristes a passé du temps dans un hôtel à Oxford, accuserait-on immédiatement la Grande-Bretagne ? » questionne le religieux, le coude enfoncé dans un coussin doré, ses deux téléphones portables toujours à portée de main.

« Pour le moment, la haine de l'Occident n'est pas telle que les Occidentaux ne puissent plus se déplacer librement dans nos rues, mais cela pourrait arriver, prévient-il, car, malgré ce que nous répétons dans nos sermons, notre population pense qu'un citoyen britannique ou américain soutient forcément son gouvernement. Souvent, après la prière, les jeunes me demandent pourquoi les Américains ont réélu Bush. Je ne sais que leur répondre. » Il jette un regard furtif à son écran et reprend : « la guerre contre la terreur inventée par les Etats-Unis produit en fait une terreur accrue. La plupart de mes étudiants maîtrisant l'arabe sont partis en Irak pour le djihad. Comment les retenir ? On ne peut pas laver les taches de sang avec du sang, or c'est ce que font les Etats-Unis. »

Professeur dans une université privée, Anis Ahmad, 50 ans, est encore plus catégorique : « si j'enferme un chat dans une pièce sans lui donner à manger pendant des semaines, lorsque j'ouvrirai la porte, il se jettera sur moi. Nos sociétés musulmanes sont oppressées et ne se reconnaissent pas dans les deux piliers de l'idéologie occidentale : individualisme et positivisme. » Dans son vaste bureau bien rangé, l'homme détaille pourquoi sa société et les musulmans de sa région peuvent éprouver de la haine vis-à-vis de l'Occident : « nous nous sentons victimes de nombreuses injustices : au niveau politique, d'abord, on nous impose des systèmes dans lesquels nous ne nous reconnaissons pas ; au niveau économique, on nous impose les vues de l'Union européenne, de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international, ainsi que cette fameuse "globalisation" qui s'apparente en fait à une nouvelle colonisation. Tout est décidé en Occident, jusqu'à la taille des pommes que nous mangeons ; enfin, au niveau social et culturel, on nous impose des comportements vestimentaires, musicaux et culinaires. Si je ne les connais pas, je n'existe pas. Tout cela conduit à la revanche et à l'irrationnel. »

Ce sentiment de vivre sous la domination américaine mondiale contre laquelle il faut se dresser est partagé par Imran Khan, ancien capitaine de l'équipe de cricket pakistanaise, véritable héros national, membre du parlement et leader d'un parti d'opposition. « Même si, après le 11 septembre, on sentait une certaine sympathie pour les Etats-Unis, le sentiment d'injustice est immense. Tout a disparu dès le bombardement de l'Afghanistan, raconte celui qui, après avoir passé plus de dix ans en Occident marié à Jemima Goldsmith, une richissime héritière britannique, a divorcé et s'est réinstallé au pays. Les talibans faisaient certes honte à l'islam, mais ils avaient instauré ordre et sécurité. Aujourd'hui, ces fondamentalistes craignent que l'Occident ne les détruise, donc ils agissent. Si, parce que je trouve ma vie tellement humiliante, je projette de me tuer, je deviens un véritable danger », vitupère l'homme drapé dans un cachemire blanc depuis la terrasse de sa maison sur les hauteurs d'Islamabad.

En cette veille du ramadan, sur les bas-côtés de la route qui mène à Rawalpindi, ville jumelle de la capitale, de jeunes garçons danseurs et musiciens en turban orange vif et tunique assortie attendent d'être recrutés pour des fêtes de mariage. Atiq-Ur-Rehman, 35 ans, directeur de madrasa et membre d'un parti d'opposition islamique, reste encore perplexe après l'arrestation par les autorités américaines de son neveu, Hamid Hayart, 24 ans, né aux Etats-Unis, accompagné de son père Umar, 47 ans, naturalisé américain. « Ils sont accusés de liens avec Al-Qaeda parce qu'ils se rendaient fréquemment dans leur village natal, à une trentaine de kilomètres d'ici ! On reproche à mon neveu une conversation téléphonique avec un ami au cours de laquelle ils ont violemment critiqué les Etats-Unis », explique l'homme qui, visiblement, ne comprend pas le fonctionnement des autorités américaines. Sa voix s'efforce de rester posée : « avant le 11 septembre, attirés par les possibilités de travail, les valeurs démocratiques, les droits de l'homme, l'indépendance des tribunaux ou encore le système de sécurité sociale, de nombreux musulmans avaient encore envie de se rendre en Occident. Mais, depuis que certains gouvernements occidentaux ont pris envers nous des mesures injustifiées, cela a créé un fossé que certains appellent le "choc des civilisations" (1). Et si, il y a vingt ans, les Etats-Unis prônaient le djihad contre l'URSS, aujourd'hui ils font mine de ne plus comprendre ce concept ! »

Entre Islamabad et Peshawar, mon chauffeur, Afghan pachtoune, écoute sans discontinuer des cassettes de chanteurs talibans interdites au Pakistan et en Afghanistan. A Quetta, haut lieu de la résistance talibane, 50 000 de ces cassettes se sont vendues en moins d'une semaine. Un homme à la voix grave y défie a cappella le gouvernement d'Hamid Karzaï, le président afghan pro-occidental : « Ils veulent détruire l'esprit du djihad et nous abrutir avec leurs nouvelles valeurs/Ils veulent voler notre dignité et notre honneur, s'emparer de notre culture et imposer la leur/tuer nos velléités d'indépendance. » « C'est génial », commente le jeune homme qui se met à chantonner avec jubilation. Sans partager l'idéologie talibane, comme beaucoup, il a succombé au charme de ces mélopées considérées avant tout comme patriotiques.

Nous arrivons à Peshawar, dont la population a décuplé dans les quinze dernières années à cause d'un afflux de réfugiés. Le camp Azakhil a triste mine : les familles abritent souvent une dizaine de membres, et les maisons sont exiguës ; des ombres en burqa déambulent furtivement. Ahmed, 21 ans, m'invite à partager un humble dîner. Vêtu de blanc jusqu'à la calotte sur son crâne, qui prouve sa qualité d'étudiant en religion ou taleb, il porte une barbe longue et fournie. Le jeune homme est fier d'avoir mémorisé le Coran après deux ans d'efforts, et récuse toutes les accusations occidentales diabolisant les talibans.

Il se rend périodiquement à Kaboul pour décider si sa famille (sept frères et deux soeurs) peut y retourner. « Pour le moment, c'est impossible à cause, justement, du régime d'occupation qui nous empêcherait de vivre dans le respect de nos coutumes. Nous sommes des produits d'Allah, qui nous a offert le Coran, le livre sacré dans lequel nous trouvons la démocratie réelle. Voilà pourquoi le Coran est notre Constitution, et c'est justement ce qui ne plaît pas à l'Occident ! Ce sont les systèmes de santé et d'éducation américains qui auraient dû être exportés, et non la musique et la façon de s'habiller », insiste l'étudiant, faisant écho à des récriminations entendues à Islamabad.

« En tant que musulman, je ne souhaiterais pas que mes enfants grandissent en Occident. Ils oublieraient le respect envers les femmes et les anciens et gâteraient l'image du père. Dans une société musulmane, le sentiment d'appartenance à la communauté prévaut alors qu'en occident c'est le règne de l'individualisme. Les maisons y sont belles mais les gens y vivent mal. Même à Peshawar, dans un camp, on vit mieux, car on est en paix avec soi-même ! »

Afghanistan : ici les fondamentalistes évitent l'affrontement direct avec l'occupant. Arrivée à Kaboul, je pars immédiatement pour la province de Farah, frontalière de l'Iran, à l'extrême sud-ouest du pays. Dans la ville de Farah (250 000 habitants), talibans et autres fondamentalistes désireux de renverser le nouveau régime « démocratique » sont légion, mais ils restent discrets : depuis quelques mois, la lointaine province est devenue le lieu de passage le plus emprunté pour les combattants désireux de se rendre en Irak.
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Voyage au pays des fous d'Allah :: Commentaires

mihou
Re: Voyage au pays des fous d'Allah
Message Lun 8 Mai - 11:33 par mihou
Contrairement à leurs collègues des régions frontalières du Pakistan qui harcèlent les troupes alliées sur place, ici, les fondamentalistes s'astreignent à ne provoquer aucune attaque contre l'occupant, ne souhaitant pas que l'armée américaine se déploie dans leur province, qui n'abrite pour le moment pour toute présence militaire qu'une PRT, structure hybride entre une garnison et une organisation non gouvernementale (ONG). La filière de ceux qui veulent rejoindre l'Irak passe par les villes pakistanaises de Karachi et Quetta, puis Kandahar, en Afghanistan. Depuis Farah, les candidats au djihad pénètrent à pied en Iran oriental, le plus souvent avec des contrebandiers en guise de passeurs. Ils mettent parfois plusieurs mois à traverser l'Iran avant d'arriver en Irak.

De passage en ville avant de rentrer à Porchaman, son village en Oruzgan, Daoud, 32 ans, un combattant taliban, a accepté de me rencontrer, un intermédiaire de l'administration locale s'étant porté garant. Nous sommes assis face à face dans la traditionnelle pièce d'hôtes dont les murs sont couverts de tapis. On nous offre du melon ; un petit garçon apporte un ventilateur branché sur le générateur. « Je suis venu voter, contrairement à la décision de la plupart de mes frères d'armes, explique Daoud, dont le long turban est assorti à sa tunique bleu pâle. Nous manquons de représentants au parlement... et certains des candidats sont bien des talibans, tout le monde le sait ! » affirme-t-il en éclatant de rire. « Nous savons que l'Occident récuse la charia, mais vous ne comprenez pas qu'ici notre population accepte cette loi islamique, considérée comme la clé du bonheur. »

Comme bien d'autres islamistes, le rapport de Daoud à l'Occident est ambigu : s'il admet apprécier voitures et téléphones portables, il critique particulièrement les nombreuses organisations non gouvernementales étrangères qu'il soupçonne non seulement d'espionner, mais surtout de vouloir modifier les valeurs locales. Sa haine de l'occident est telle qu'il ose légitimer le pire : « j'approuve les assassinats de ressortissants étrangers qui travaillent pour ces organisations, car c'est la seule façon de les déloger de notre pays. » L'ancien mécanicien, qui prépare son départ en Irak pour apprendre les techniques les plus meurtrières, certifie qu'il reviendra les utiliser en Afghanistan.

Irak : «Les Occidentaux nous mentent.» Le fossé entre valeurs occidentales et convictions islamiques est-il aussi profond en Irak ? A Kirkouk, ville pétrolière multiethnique, je retrouve Nidret, 40 ans, turcomane professeur d'anglais au collège, extrêmement croyante et pratiquante. Elle me reçoit le visage enserré dans son foulard blanc épinglé sous le cou : « les coupures d'électricité importent peu par rapport à la peur d'être tué. Aujourd'hui, l'exaspération vis-à-vis des Etats-Unis est telle que mes élèves me demandent pourquoi ils devraient apprendre la langue de l'ennemi ! » Nidret a tellement de haine pour l'occupant que, même si elle admet la présence de terroristes, elle est convaincue que la plupart des bombes ciblant des civils sont posées par les Américains pour justifier leur présence. La jeune femme finit par concéder qu'« il faut différencier les terroristes qui s'en prennent à des innocents - et ils ont tort - des islamistes qui tuent des Américains - et ils ont raison ».

Nidret critique particulièrement la situation des femmes en Occident, trop libérées à son goût : « chez vous, affirme-t-elle, la femme n'a pas d'honneur. Dans le Coran, il est écrit que personne ne doit voir mon corps sauf mon mari, c'est ça le respect ! Comment accepter qu'en Occident un homme et une femme qui se plaisent mutuellement puissent passer une nuit ensemble ? C'est abominable ! Je ne parle pas de la prostitution, mais des feuilletons ou des émissions de divertissement que l'on voit à la télévision... A la maison, quand on regarde les chaînes occidentales, je demande à mes enfants de quitter le salon s'il y a des scènes frivoles. »

A une centaine de kilomètres au nord de Bagdad, le visage de mon accompagnateur irakien se tend. L'absence de poste de contrôle renforce l'impression d'insécurité. Cette section de la route est particulièrement dangereuse, comme en témoignent les carcasses de camions. Ils transportaient des dalles de béton destinées aux murs de protection pour les bâtiments abritant des Américains ou pour les administrations irakiennes. Leurs chauffeurs ont été abattus.

Dans les rues de Bagdad, la tension grimpe toujours à l'approche d'une patrouille américaine. Si, il y a un an, les Humvee se mêlaient adroitement à la circulation, aujourd'hui, le dernier blindé du convoi porte une pancarte où l'on lit : « reste à 100 mètres ou je tire. » Résultat : la circulation est encore plus chaotique, car la peur, donc la haine, est palpable des deux côtés. Ce matin-là, la route est coupée à cause d'un attentat. Il faut une fois de plus changer d'itinéraire pour se rendre au couvent dominicain où m'attend le frère Youssouf Mirkis. « Que connaît-on de l'Occident diabolisé par les médias arabes depuis que le ciel est ouvert aux satellites ? La violence et la pornographie ! L'amalgame entre l'islam, les musulmans et les islamistes est total, explique posément le religieux chrétien. Depuis 2001, un islamiste est forcément un terroriste. Notre société crie parce qu'elle a mal, mais l'Occident ne lui demande pas où elle a mal. Au lieu de se préoccuper de l'absence de dialogue, l'Occident, pressé, brûle les étapes alors que les mosquées restent le seul lieu où l'on parle de ces injustices ! La vérité, c'est qu'on vous aime et on vous déteste à la fois. "Vous êtes la cause de nos malheurs", voilà ce que nos islamistes vous crient ! »

Non loin de là, Qasim al-Sabti, artiste, se lamente pour les mêmes raisons. Assis au milieu du chantier de sa galerie fermée pour cause de travaux et d'insécurité, il paraît plus désespéré que jamais. Fervent opposant au régime de Saddam, aujourd'hui excédé par le « style américain », Qasim ose déclarer qu'« on aurait besoin d'une poigne équivalente pour venir à bout des bandits et des tueurs ».

Il est plus aisé de rencontrer des islamistes à Fallouja, le coeur de la résistance sunnite, qu'à Bagdad, où les « moudjahidine » se méfient. Dans la ville détruite par les Américains où pas un reporter étranger n'a pu pénétrer depuis novembre 2004 (cf. Le Point n° 1725), les insurgés ont largement eu le temps de se regrouper depuis l'assaut. L'un d'eux, Youssouf, 30 ans, soldat de l'« armée de Mohammed » et émir d'un groupe de 300 combattants, a accepté de se livrer : « nous savons que notre réputation à l'étranger est mauvaise à cause des images d'exécutions sommaires sur Internet, mais nous ne contrôlons pas ces images. Au début, nos groupes n'étaient constitués que de jeunes des villages comme moi. Puis des étrangers de Syrie, d'Arabie saoudite, de Jordanie et, plus récemment, d'Afghanistan, sont apparus, explique-t-il. Ce sont eux, les plus extrémistes ! »

Autour de nous, une dizaine de ses hommes finissent de manger. Deux d'entre eux s'échangent les derniers hits égyptiens ou libanais par fichier MP3 sur leurs téléphones portables dernier cri. Un autre me fait écouter les chants religieux qu'il utilise en guise de sonnerie. « Trancher la gorge d'un otage n'est pas notre style, mais, s'il s'agit d'un espion, il faut le faire. Sans filmer », insiste Youssouf, obsédé par la possibilité de l'infiltration. Il admet, d'ailleurs, que si j'avais été américaine, la rencontre n'aurait pas eu lieu. « Comment nous voyons l'Occident ? reprend-il après une pause, comme s'il ne s'était jamais posé la question. Mal. Nous le voyons mal, je veux dire, négativement. Nous occuper militairement, c'est comme nous empêcher de suivre notre chemin, nous empêcher d'accéder à la modernité. Les occidentaux nous mentent : ils ne jurent que par les droits de l'homme et les violent ici en permanence ! » S'ensuit une description des perquisitions américaines et de leurs abus.

« Oui, les Américains souhaitent que le monde entier adopte leur civilisation et Bush est un sioniste chrétien ! » s'enflamme-t-il. Après s'être changé (il a ôté sa dish-dasha traditionnelle et passé un jean et une chemise), le moudjahid tient à me raccompagner. Nous passons par la rue Ahmed-Mansour, nom du correspondant de la télévision Al-Jezira qui s'est comporté « en héros » pendant l'assaut des troupes américaines sur Fallouja en novembre 2004. « Lui, au moins, était resté aux côtés de la population », me dit Youssouf, résumant ainsi la déception des Irakiens et des musulmans. Sans doute aurait-il espéré de la part de cet Occident à la fois haï et envié un peu plus de compréhension
1. Allusion au fameux livre de Samuel Hutchinson publié en 1996.
© le point 20/10/05 - N°1727 - Page 46 - 2849 mots
 

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