L'affaire Jésus
Polémique
Le film de Mel Gibson, une série d'Arte sur les origines du christianisme et la sortie de plusieurs livres... Vingt siècles après sa mort, Jésus continue d'agiter l'actualité.
Jérôme Cordelier
L'avez-vous vu ? C'est le petit jeu du moment. L'avez-vous vu ? Qui ça ? Mais le film de Mel Gibson, voyons ! A coups d'effets spéciaux et de marketing, Mad Max a installé Jésus-Christ au coeur de Hollywood. Et du village global. Cette « Passion of Christ » - sortie en France le 31 mars - a déjà récolté 295,2 millions de dollars aux Etats-Unis. Elle pourrait rapporter à Gibson, producteur et réalisateur, au moins 350 millions de dollars, selon The Wall Street Journal. Produits dérivés à la clé - Tee-shirts avec le mot « Passion » en araméen et bijoux fantaisie en forme de clous ( !).
L'affaire chauffe sur l'Internet, les télés distillent quelques images rouge sang, Mel Gibson serait un catholique intégriste, « sa » Passion, un brûlot antisémite... L'Europe piaffe. En France, des projections sont organisées pour quelques privilégiés discrets. Parmi ceux sollicités par Le Point, un seul a accepté de donner son point de vue : Patrick Le Lay, PDG de TF1, qui n'a trouvé « aucune trace » d'antisémitisme et vu « un film magnifique, un hymne à la souffrance », malgré la violence - « J'ai bien failli quitter mon siège »... Voilà Jésus-Christ en couverture de Paris Match, chez Fogiel et Ardisson. La machine est lancée. Le fils de Dieu est « people ». Chacun en pense ce qu'il veut. Mais vingt siècles ont passé, et Jésus continue d'agiter l'actualité. Ainsi que les polémiques. Celles-ci se nourriront sans doute de la série que diffuse Arte sur « L'origine du christianisme » - dix épisodes programmés du 3 au 17 avril, repris en coffret DVD (Arte Vidéo) et en livre, « Jésus après Jésus » (Seuil). Trois ans de travail, 25 chercheurs d'horizons divers, austérité de mise - succession d'entretiens filmés en studio -, l'anti-Gibson, en somme... Une enquête passionnante des auteurs de « Corpus Christi », Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, qui bouscule quelques idées reçues (entretien page 64).
Le débat a commencé il y a fort longtemps, comme le rappelle, en historien, Laurent Theis (page 67). Il continue. Jésus, encore et toujours ! Les Ecritures restent des sources intarissables de discussions. A preuve ces propositions récentes de l'Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF) pour corriger le mot « juif » dans l'Evangile de Jean, le dernier - 71 citations, contre 4 ou 5 chez les autres évangélistes... Il y aura toujours une « affaire Jésus ». C'est une preuve de vitalité
© le point 25/03/04 - N°1645 - Page 63 - 432 mots