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 Etre Juif aujourd'hui:Le livre polémique

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mihou
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mihou


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06052006
MessageEtre Juif aujourd'hui:Le livre polémique

Etre Juif aujourd'hui
Le livre polémique

Être juif en 2001, est-ce vivre dans le souvenir indépassable de la Shoah? Trembler en permanence pour Israël ? Non, affirment Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias dans un livre polémique. Le Point en publie des extraits ainsi que les réponses de Bernard-Henri Lévy, Serge Klarsfeld, Pierre-André Taguieff et Rony Brauman.

François Dufay

Un jour, Esther Benbassa en a eu assez. Assez que ses étudiants de l'Ecole pratique des hautes études, au moment de choisir un sujet de mémoire, lui disent tous comme un seul homme, qu'ils soient juifs ou non juifs : « Madame, je veux travailler sur la Shoah. » Comme si cette catastrophe épouvantable était l'horizon indépassable du judaïsme. Comme si l'histoire plurimillénaire du peuple juif, son héritage culturel, son message unique s'étaient abolis, une fois pour toutes, dans cet abîme d'horreur sans nom.

Née à Istanbul, cette historienne franco-israélienne au tempérament passionné a une tout autre idée de l'identité juive. Une idée exigeante, solaire, tournée vers l'avenir et affranchie de toute « bien-pensance ». C'est cette conception qu'elle développe aujourd'hui dans un livre écrit sous la forme d'un dialogue avec son mari, Jean-Christophe Attias, lui aussi historien du judaïsme, intitulé « Les juifs ont-ils un avenir ? » (Lattès). Un livre iconoclaste, voire provocateur, qui dénonce à la fois la « religion de la Shoah » et le lien mystique avec Israël. Et, déjà, enfle la polémique.

Qu'est-ce, au fond, qu'être juif en 2001 ? Est-ce vivre dans le souvenir de la Shoah, la crainte du fascisme à venir ? Est-ce porter chapeau et papillotes, soutenir Sharon, ou bien encore se contenter de lire avec ferveur Albert Cohen ? Est-ce un communautarisme, un universalisme ? Pour répondre à cette interrogation, Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias ont entrepris de revisiter les figures obligées que sont la diaspora, l'émanci- pation, le sionisme, l'antisémitisme - mais aussi la « mère juive », la rivalité ashkénazes-séfarades, et même Maimonide et Woody Allen : autant de pieuses icônes déconstruites tout en finesse.

A commencer par celle de la « vallée de larmes » qu'aurait été l'histoire des juifs ! « Toutes les époques n'ont pas été hostiles : si cela avait été le cas, il n'y aurait eu ni culture juive ni survie juive », argumentent Benbassa et Attias. Un seul exemple : le brillant « franco-judaïsme » du XIXe siècle, celui de Sarah Bernhardt ou de Proust, trop souvent réduit par la vulgate contemporaine à la seule affaire Dreyfus.

Loin d'être immuable, intemporelle, l'identité juive s'est nourrie ainsi des cultures qu'elle a traversées. On est toujours « juif de quelque part », soulignent Benbassa et Attias. Même la religion a varié, selon les lieux et les époques ! Réhabilitant le chatoiement de la diaspora par rapport au puritanisme sioniste, et une certaine joie de vivre méditerranéenne face au tragique ashkénaze, le couple d'historiens refuse absolument d'enfermer l'identité juive dans une équation simpliste : identification à Israël (pays qui, affirment-ils, n'a que peu à voir avec les images pieuses qu'en ont les juifs français) plus religion de la Shoah.

C'est évidemment ce point qui risque de faire couler le plus d'encre. Dans l'explosion d'intérêt pour la Shoah qui a marqué ces dernières années - livres et colloques, films, musées et commémorations, procès et repentances, dénonciation tous azimuts de l'antisémitisme -, Benbassa et Attias voient à tort ou à raison l'édification d'une véritable religion séculière, tendant à remplacer la religion traditionnelle. Un culte dont, paradoxalement, les desservants les plus zélés sont souvent des séfarades, qui n'ont pas traversé l'épreuve du génocide mais ont acquis ainsi leurs lettres de noblesse en judaïsme, ou bien des non-juifs, dévorés par la culpabilité.

Marchant sur les traces d'Alain Finkielkraut (auteur du « Juif imaginaire ») autant que de Norman G. Finkelstein (« L'industrie de l'Holocauste »), Benbassa et Attias soupçonnent cette « mémoire » omniprésente de combler, chez leurs coreligionnaires, un vide identitaire. Elle marque, selon eux, une complaisance dans la victimisation. Elle favoriserait enfin des instrumentalisations à des fins politiques ou privées (même si, sur ce point, Esther Benbassa se montre moins véhémente que dans une tribune qu'elle a publiée l'an dernier dans Libération). Or le judaïsme vaut infiniment mieux que ce « ressassement » quelque peu mortifère : il doit (re)devenir ce qu'il est, fécondité de l'exil, conscience de l'autre, sens aigu de l'universel, célébration de la vie. « On peut être juif sans les antisémites ! » résume Esther Benbassa, prenant Sartre à contre-pied. « Surtout que les antisémites nous obligent à être juifs d'une manière peu intéressante ! » renchérit Jean-Christophe Attias.

En demandant ainsi qu'on tourne la page douloureuse de la Shoah, Benbassa et Attias - qui ne font qu'importer en France certaines thèses des historiens israéliens post-sionistes - savaient qu'ils s'exposaient à de rudes critiques. Plusieurs intellectuels de renom se scandalisent de cette mise en cause, provocatrice et propice à toutes les récupérations, du « devoir de mémoire » (voir pages suivantes). Peut-on soutenir sérieusement que le prétendu « Shoah-centrisme » emprisonne le judaïsme dans un cercle vicieux ? On voit mal, du reste, comment un traumatisme tel que celui du génocide ne résonnerait pas avec une intensité maximale dans les familles, et au-delà, même au bout de deux ou trois générations...

Comme on aimerait croire, aussi, notre couple d'intellectuels quand, minorant l'antisémitisme, ils affirment que les juifs sont aujourd'hui plus en sécurité qu'ils le furent jamais ! C'est sans doute faire montre d'un optimisme imprudent au moment où, en Orient et même en Occident, l'antisionisme se distingue de plus en plus mal de la judéophobie pure et simple.

Autant de faiblesses de leur propos. Il serait, en revanche, absurde que soient réitérées à l'égard d'Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias les accusations, déjà lancées contre eux, d'être de « mauvais juifs », voire des antisémites ! Une chose est sûre : leur façon de voir, discutable sans doute, courageuse certainement, ne s'enracine nullement dans la haine de soi, mais au contraire dans un amour fou du judaïsme.

« Les juifs ont-ils un avenir ? » (extraits)J.-C. Attias : [...] Malgré l'incrédulité, le rejet, les conflits, le rêve de Hertzl est devenu réalité. Mais est-ce bien son rêve qui est devenu réalité ? [...] S'il revenait faire un petit tour dans le pays qui se réclame de lui, reconnaîtrait-il là son oeuvre ? [...] Il lui faudrait constater que le sionisme n'eut pas le temps, pas les moyens d'éviter au judaïsme européen la persécution la plus effroyable de son histoire. Or n'était-ce pas le premier objectif du sionisme, offrir un abri sûr aux juifs persécutés ? [...] Il observerait, non sans stupéfaction, que, dans l'esprit de beaucoup des hommes du XXIe siècle, la création même de l'Etat d'Israël pourrait passer pour une conséquence de la Shoah et prendre l'étrange valeur d'un « dédommagement ».

E. Benbassa : Israël n'est évidemment pas le « produit » de l'extermination des juifs d'Europe. L'idée d'un Etat juif est largement antérieure, on l'a vu, à cette tragédie. Et cette tragédie, à elle seule, ne saurait expliquer la création de cet Etat en 1948. Comment pourrions-nous tenir pour si peu de chose plus d'un demi-siècle de recherche, de théorisation et de travail sionistes ? Aujourd'hui, ce n'est pas seulement Israël, mais le fait juif dans son ensemble qui se trouve saisi à travers le prisme de la Shoah [...] Est-il possible de prendre autrement l'idée de l'unicité du génocide des juifs ? Il faut peut-être, d'une façon ou d'une autre, accepter de tenir ensemble ce qui est unique et ce qui est universel dans cet événement. Chaque génocide est spécifique. Chacun se déroule dans un contexte donné. Que ces génocides aient eu des racines raciales, ethnico-religieuses, politiques, religieuses, à la fin, tout revient au même : le meurtre massif d'êtres humains. L'unicité, donc ? Oui, l'unicité de chacun de tous les génocides, et donc du génocide juif aussi. Mais il importe que le caractère spécifique de cette catastrophe prépare les juifs à se sensibiliser aux génocides des autres, à la souffrance des autres. [...] Oublier [la Shoah] serait se condamner à fermer les yeux sur ce qui arrive aux autres, à l'humanité. J'insiste fortement sur ce point. Il ne faut pas oublier la Shoah. Mais l'unicité mise en avant aujourd'hui, l'idée que le génocide juif serait, devrait être absolument unique, ne revêt aucun sens [...].

J.-C. A. : [...] L'extermination oblige à reformuler, d'une autre façon, la question de l'unicité du destin juif lui-même. La Shoah est-elle une persécution de plus dans une histoire juive qui serait intrinsèquement unique ? Ou est-ce la Shoah qui, en elle-même, événement intrinsèquement unique, singularise à jamais l'histoire juive ? Ce n'est pas la même chose. [...] L'utilisation ordinairement faite du terme Shoah tend à singulariser l'événement à l'extrême [...].

E. B. : Il est à ce propos fort curieux que ce soit précisément en France, dans un pays de l'universalisme, à la suite de la diffusion du film très fort de Claude Lanzmann, que le terme particularisant de Shoah l'ait si unanimement emporté. Je puis utiliser Shoah moi-même, puisque tel est l'usage. Holocauste me convient aussi. Ma préférence va pourtant à génocide, un terme qui a le mérite de ne pas couper l'histoire des juifs de celle d'autres peuples tragiquement décimés, et de l'histoire humaine en général. De quelque façon qu'on le nomme, cet événement pose d'abord pour moi la question de l'indifférence, une question qui permet ce passage du particulier à l'universel, et qui se formule ainsi : quelle est notre attitude, à nous juifs, face à la souffrance des autres ? [...] Il est de notre devoir de tirer de l'expérience juive de la catastrophe de quoi réagir, de quoi répondre aux terribles épreuves engendrées par le génocide arménien, à celles du Cambodge, du Rwanda, et à tout ce qui se passe, aussi, dans le voisinage immédiat d'Israël. Divers intellectuels israéliens se posent la question à peu près dans ces termes. Ce sont eux, les premiers, qui disent : notre propre expérience doit nous aider à réformer en profondeur notre comportement à l'égard des Palestiniens [...]. Il est primordial de rendre la population attentive à tous les génocides. Enfermer le génocide des juifs dans une absolue singularité risque de freiner l'émergence d'une réceptivité, d'une réelle mise en rapport avec la douleur de l'autre. Cette extrême particularisation du génocide juif porte préjudice, me semble-t-il, aux juifs eux-mêmes [...].

J.-C. A. : L'extrême sensibilisation à la Shoah qui s'est développée ces dernières années peut donc avoir des effets pervers.

E. B. : Chez les juifs, certainement, mais chez les non-juifs aussi. Focaliser ainsi l'attention des non-juifs sur l'unicité du génocide juif ne conduit-il pas à les rendre eux aussi moins perméables à d'autres génocides ? Cette cristallisation n'a certainement pas servi la cause humaine, en laissant entendre que la Shoah a été un événement unique, n'ayant frappé que les juifs, et finalement non susceptible de se reproduire ailleurs, sous une autre forme. [...]

J.-C. A. : Cette focalisation sur le génocide juif a un effet contraire, mais corrélatif, qui est la banalisation. Tout devient génocide, tout le monde devient nazi, dans la joute verbale, dans la polémique, au quotidien, les mots eux-mêmes ont fini par perdre leur sens.

E. B. : Cela est valable chez les juifs aussi. Qu'on se souvienne de quelques raccourcis célèbres : Arafat = Hitler [...] Peut-on vraiment continuer à voir des ennemis partout et à se dire que les Palestiniens ne sont à tout prendre que de nouveaux nazis, l'incarnation nouvelle d'un ennemi éternel ? Sans doute l'exacerbation du conflit israélo-palestinien depuis octobre 2000 n'est-elle pas de nature à arranger les choses.

J.-C. A. : Par ailleurs, ce discours est entièrement réversible. Il est utilisé par l'autre camp : les Israéliens deviennent des nazis, leur dirigeants deviennent des Hitler.

E. B. : Dans cet emballement, le monde occidental joue lui aussi son rôle. L'Occident chrétien veut manifestement payer une dette et se libérer ainsi du poids d'une écrasante culpabilité devant le génocide juif. On tombe là dans une sorte de perversion. Cet apitoiement généralisé, cette insistance éplorée et moralisatrice des intellectuels, non juifs - ce n'est heureusement pas le cas de tout le monde -, cette constante mise en avant du génocide ne conduisent pas seulement à la banalisation [...] La surcharge affective qui me semble actuellement caractériser certaines franges intellectuelles n'est manifestement pas toujours des plus nettes. Comme si en parlant du génocide juif, en le ressassant continuellement, et en traquant ceux qui osent faire entendre une note un peu différente, on allait arriver à extirper de soi tout le mal. Chercherait-on là à créer la fiction d'une société « pure », tout entière au service du « Bien » ? Mais de quel « Bien » s'agit-il donc ? Depuis quand cet idéal de pureté est-il accessible ? Quelles autres turpitudes cache-t-on derrière tous ces beaux sentiments ? S'imaginerait-on que le sujet est « porteur » ?

J.-C. A. : Cette contrition collective, cet aveu sans cesse réitéré de la faute doivent laver de la faute - de toute faute ? Voir dans les juifs les éternelles victimes d'un Mal total, ou voir dans les Israéliens de nouveaux nazis, tout cela relève paradoxalement de démarches comparables. Dans les deux cas, il s'agit de s'exonérer, d'absolutiser le mal et de le croire hors de soi. A la fois on banalise et on se purifie de la souillure.

E. B. : Nous sommes, hélas, tout le temps dans ce circuit. [...] On sait qu'en Israël il y a eu cette récupération idéologique du génocide juif. En diaspora aussi, l'appropriation s'est faite, puisque la Shoah, maintenant, fait intégralement partie de l'identité juive. Si l'on ne se réfugiait pas dans ce souvenir du génocide, existerait-on encore comme juif ?

J.-C. A. : Je me demande s'il n'est pas un autre aspect de cette question qui permettrait de l'éclairer : un effet de contraste sidérant entre l'énormité de la tragédie et de la persécution, pendant les années de guerre, et le quotidien des juifs aujourd'hui. Parce que nous vivons à une période, tout de même, où existe un Etat juif, où ne sévit plus le moindre antisémitisme destructeur, où les juifs sont globalement en sécurité - même s'ils le sont peut-être moins, ces jours-ci, en Israël. Les juifs ont rarement, dans leur histoire, joui d'une telle liberté de revendiquer leur identité et de l'affirmer - sans danger. Et c'est peut-être précisément ce qui, par contraste, devient difficile à vivre pour les juifs, ou ne saurait être vécu par eux que dans la culpabilité.

E. B. : Voilà pourquoi, sans doute, certains sont tentés de voir partout des antisémites, ou pourquoi la presse juive accorde tant de place aux moindres incidents, généralement bien peu préoccupants. L'antisémitisme n'est sans doute pas mort, mais je ne vois nulle raison aujourd'hui de s'ingénier à le détecter ainsi un peu partout. [...] Tout cela intervient, notons-le bien, à un moment où les juifs n'ont jamais été aussi loin de leur judéité, de la pratique religieuse, du savoir juif et de la transmission du judaïsme.

J.-C. A. : Ni aussi loin, je le répète, du danger de persécution.
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