NE ME RÉVEILLEZ PAS, JE M'ENTRAÎNE
Girard, Marie-Claude
Pendant la douzaine d'années qu'il a passées avec l'équipe nationale, le skieur de bosses Jean-Luc Brassard a vu les méthodes d'entraînement se raffiner considérablement. "Surtout vers la fin de ma carrière, on a appris que le repos était une forme d'entraînement et que c'était essentiel à la performance raconte-t-il. On savait que notre type d'entraînement affectait notre système nerveux. On était prévenus que si on faisait trop d'activités sociales, on pouvait devenir irritables et irrités très rapidement." Au plus fort de l'entraînement, il savait aussi qu'il ne servait à rien de rester plus d'une heure et quart au gym. Au-delà, le gain physique ne justifiait pas le temps passé au centre sportif.
Depuis 10 ou 15 ans, une des grandes modifications dans l'entraînement des athlètes de haut niveau a été de faire une juste place au repos. "On a découvert que si on diminue le volume d'exercices de 80% pendant une ou deux semaines, tout en maintenant l'intensité, on obtient des gains de performances", souligne le professeur Laurent Bosquet, chercheur en kinésiologie à l'Université de Montréal.
De plus, de nombreux outils pour mesurer l'état physique et physiologique des athlètes ont été mis au point au fil des ans. Les athlètes sont-ils maintenant moins exposés au risque de surentraînement ? Laurent Bosquet ne le croit pas.
Dans le sport professionnel, la logique commerciale pousse les joueurs à retourner rapidement au travail après une blessure, dit-il. S'ils ne se surpassent pas, ils courent le risque d'être échangés. Le nombre de matches de hockey ou de rugby par saison a augmenté. Les joueurs s'usent prématurément. On les expose à davantage de blessures.
Malgré tout, il ne croit pas que le surentraînement soit inévitable chez les athlètes de haut niveau : "Quand l'entraînement est bien programmé, il n'y a aucune raison valable pour que les athlètes se blessent ou soient surentraînés." De plus, on sait maintenant que des exercices bien ciblés aident à prévenir les blessures.
Des athlètes à risque
Le préparateur physique Raymond Veillette est du même avis : "De par sa formation, l'entraîneur sait manipuler les variables de volume, d'intensité et de charge d'entraînement. Donc, il va prévoir régulièrement des semaines faciles dans son dosage d'entraînement pour que l'athlète récupère."
L'élite sportive dispose habituellement d'une équipe de spécialistes. Mais qu'en est-il de ceux qui sont à un niveau moins avancé ? L'ex-patineuse de courte piste Isabelle Charest, triple médaillée à autant de Jeux olympiques, croit que ces athlètes sont plus à risque parce que moins bien encadrés. "C'est difficile. Tant qu'on ne le sait pas, on se dit : C'est parce que je ne m'entraîne pas assez que je suis fatiguée à l'entraînement et que je ne toffe pas toutes les séries d'exercices. Alors que souvent, c'est peut-être qu'on en fait trop. Le repos est aussi important que l'entraînement et c'est souvent ça qu'on néglige", explique-t-elle.
En patinage courte piste, elle estime que le surentraînement est un phénomène assez fréquent. Elle a dû elle-même "ralentir à quelques occasions" malgré les contrôles et précautions. "C'est souvent une combinaison de manque de sommeil, de mauvaise alimentation, de ne pas prendre soin de soi, avec une charge d'entraînement trop grande. On ne peut pas vraiment dire que c'est juste à cause du surentraînement, mais il y a de grands risques qu'on devienne plus fragile aux blessures."
Pour sa part, l'ancien skieur de bosses Jean-Luc Brassard ne se souvient pas de s'être surentraîné. Il lui est malgré tout arrivé d'oublier la douleur, le temps d'une descente. "Mais après ça, je me devais d'arrêter, une semaine, un mois, peu importe, pour régler le bobo", explique-t-il. "Souvent, c'est l'erreur que les athlètes d'élite font : quand ils ressentent une petite douleur, ils refusent d'arrêter et essaient de combattre la douleur."
Illustration(s) :
Jean-Luc Brassard
S'entraîner sans le faire
Weil, Elizabeth
New York Times
Quatre jours par semaine, vêtu d'un jeans et d'une chemise ordinaire- ses vêtements de travail comme il les surnomme-, Bernd Heinrich, un éminent professeur de biologie à l'Université du Vermont, effectue une course du stationnement au Pavillon des Sciences. Environ un quart de mille dans chaque sens.
" Je calcule que je cours ainsi plus de 100 milles par année ", dit celui qui est maintenant âgé de 66 ans et qui a déjà détenu le record mondial pour l'ultra marathon de 100 milles. Afin de se garder en forme, il coupe également du bois et construit des murs de pierre. Il insère ses exercices dans sa routine quotidienne plutôt que de se diriger vers un gymnase et changer de vêtements.
" C'est juste une question de rappeler à son corps qu'il peut être constamment sollicité et qu'il y a toujours quelque chose à faire ", dit-il.
Les professionnels du conditionnement physique surnomment ça " l'exercice intégré ". Depuis plus d'une décennie, ils tentent de convaincre les Américains de s'engager dans ce type d'exercice, le plus facile qui soit puisqu'il est intégré dans la vie quotidienne. Plusieurs ont suivi cette recommandation et prennent les escaliers plutôt qu'utiliser l'ascenseur ou se déplacent avec un podomètre pour calculer la distance sur laquelle ils se déplacent ce qui les encourage à marcher encore plus.
D'autres ont joint l'utile à l'agréable et prennent leur pouls tout en exécutant les tâches ménagères. Huit minutes par-ci, 15 minutes par-là, etc.
" Trop longtemps, beaucoup ont cru que faire de l'exercice consistait à se rendre à un gymnase ou à un studio, souligne Linda Petlichkoff, professeur en kinésithérapie à l'Université Boise State et ex-présidente de l'Association pour l'avancement de la psychologie appliquée au sport. Je pense que le plus bouleversement le plus important qui est survenu est la redéfinition de ce qu'est être actif. "
Plusieurs recherches suggèrent que le meilleur moyen d'être actif n'est pas de se rendre à un gymnase. Selon Klaas Westerterp, un biologiste de l'Université Maastrich aux Pays-Bas, des études démontrent que des personnes en santé et non obèses brûlent plus de calories avec un exercice quotidien modéré que ceux qui en font sur de courtes et intenses périodes.
" Après un exercice intense, plusieurs limitent leurs activités pendant la journée ", dit-il.
Dans une petite ville universitaire de la Côte Est américaine, une femme d'une trentaine d'années- on comprendra qu'elle requière l'anonymat afin de ne pas devenir le sujet de potins et de rumeurs parmi ses voisins et ses collègues- a eu une relation amoureuse sulfureuse d'une année. Durant cette période elle a eu des relations intimes quotidiennes durant de de deux à quatre heures. Elle a aussi continué de suivre quelques sessions de yoga par semaine.
" Je n'ai plus besoin de surveiller mon alimentation, j'ai perdu beaucoup de poids et, tout à coup j'étais en pleine forme. "
L'exercice intégré dans son quotidienne ne peut évidemment pas convenir à tous, mais l'important est de ne pas demeurer sédentaire.
" Vous devez faire ce qui est sain pour vous et vous ficher des réactions des autres. Quand je marche maintenant vers la librairie plutôt que de courir, les gens me regardent avec un sourire amusé et se demandent si je suis malade ", affirme le professeur Heinrich.
Illustration(s) :
Côté, Pierre
Plutôt que de s'entraîner dans un club, il est possible de joindre joint l'utile à l'agréable en prenant son pouls tout en exécutant les tâches ménagères. Huit minutes par ci, 15 minutes par là, etc.