Esclavage: entente Europe-Afrique ?
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Esclavage: entente Europe-Afrique ? ( 06/03/2004 )
Les Africains ont vendu parce que les Européens se sont d’abord présentés comme acheteurs
Par DH
La rencontre des intérêts européens et africains fut facilitée par le fait que la pratique de la traite et de l’esclavage en Afrique remontait à des époques reculées. Mais, si la réalité de cette entente est parfaitement admise par les historiens, il n’en demeure pas moins vrai que les Africains sont devenus vendeurs parce que les Européens se sont d’abord présentés comme acheteurs, sur leurs rivages.
C’est au VIIe siècle que la traite se développa franchement en liaison avec la fulgurance de l’expansion musulmane. La conquête arabe s’étendit rapidement vers le continent africain et les populations soumises se virent contraintes de fournir aux vainqueurs une main-d’œuvre servile majoritairement féminine car à vocation domestique et sexuelle. A la suite de quoi, deux réseaux d’approvisionnement se mirent en place : une traite transsaharienne à destination du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient - du Maroc à l’Arabie du Sud ; une traite orientale vers la péninsule arabique. Les chercheurs ont du mal à s’accorder sur la comptabilité de cette traite qui s’est poursuivie jusqu’au XXe siècle (en mer Rouge) : entre huit et douze millions d’individus ?
A ce marché esclavagiste sous influence musulmane s’en ajoutait un autre de taille au sud du Sahara : le marché intérieur africain lui-même. Il était alimenté par les razzias ou les guerres entre les États voisins et répondait aux besoins locaux en domestiques, porteurs, et travailleurs agricoles. L’absence de sources écrites empêche de quantifier cette traite mais elle dut être considérable.
On voit donc que des circuits de traite parfaitement rodés préexistaient à l’arrivée des Européens qui vont en bénéficier pour ouvrir en Amérique le troisième grand marché esclavagiste. Après de premiers échanges limités avec les Portugais au XVe siècle, les Etats côtiers de l’Afrique occidentale s’organisent pour répondre à une demande qui croît au rythme de la colonisation outre-atlantique.
Les opérations guerrières ou toutes autres méthodes destinées à créer des captifs dans les régions de l’intérieur se multiplient : elles sont effectuées par les Africains et rarement par les Européens qui ne s’enfonçaient jamais très loin à l’intérieur des terres. Les négriers noirs avaient tout à gagner d’une collaboration réussie avec les négriers blancs : l’augmentation de la demande des captifs avait fait grimper les prix et la monnaie d’échange était d’une nature à inspirer toutes les convoitises parce qu’on ne pouvait la fabriquer ni la produire sur place - ainsi les armes à feu, les textiles, les alcools et toutes sortes d’objets manufacturés en métal, en verre ou en osier. Cela offrait un intérêt dont la rationalité ne peut être comprise que par les Noirs qui étaient dépourvus de ces articles - banals et donc peu considérés en Europe.
Des régions se spécialisèrent et devinrent des réservoirs d’esclaves, dans le golfe du Bénin, à Loango ou en Angola. La traite atlantique amplifia les rapports de force entre les Etats africains dont les sociétés furent irrémédiablement bouleversées, et contre les Africains qui vendaient leurs frères, nombreux furent les Africains qui, par tous les moyens, protestèrent et résistèrent.