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 France-Afrique : l'impasse conceptuelle

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mihou
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mihou


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Localisation : Washington D.C.
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04112005
MessageFrance-Afrique : l'impasse conceptuelle

INTERNATIONAL En dépit des déclarations du chef de l'Etat français en ouverture du 22e sommet franco-africain
France-Afrique : l'impasse conceptuelle

Jean-François BAYART

La politique africaine de la France est piégée et en panne. Piégée par la crise ivoirienne que Paris a refusé de voir venir en dépit de multiples signes annonciateurs sur le terrain et de nombreux avertissements au sein même de l'administration. En panne d'idées et de concepts comme le démontre le contresens auquel est contraint le gouvernement, dans son obligation morale d'agir pour tenter d'empêcher la descente aux enfers du pays phare de l'Afrique de l'Ouest : la reconstitution d'un protectorat éclairé, que recommande l'accord de Marcoussis, contredit l'aspiration à la seconde indépendance qu'incarnent les « jeunes patriotes » de Laurent Gbagbo ou aussi bien les rebelles du MPCI, même si ceux-ci se tiennent provisoirement cois pour ne pas gâcher l'aubaine qui leur est offerte.

Mais le Parti socialiste n'est pas fondé à se gausser des difficultés africaines de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin. Car ce vide conceptuel est aussi le sien. Et il n'est pas sûr que Lionel Jospin, s'il avait été élu président de la République, aurait pu se contenter de la politique de non-intervention et de désengagement à laquelle il s'était tenu, à juste titre, lors de la guerre civile congolaise, en 1997, ou du coup d'Etat contre Henri Konan Bédié, en décembre 1999. La gravité, les enjeux de la crise ivoirienne sont aujourd'hui trop importants à l'aune de l'Afrique, mais aussi de l'Europe, pour que la France se satisfasse de l'indifférence et de l'inaction. Reste qu'elle ne sait plus quoi faire.

Elle n'est d'ailleurs pas la seule à se retrouver dans cette position inconfortable. Il serait sain de sortir de la critique morose et un tantinet masochiste de la « Françafrique ». Le Royaume-Uni, qui a consenti un investissement politique, militaire et financier conséquent sous la houlette de Tony Blair, est lui-même plongé dans l'embarras. Il a joué un rôle décisif dans l'élaboration du Nouveau Partenariat pour le développement (Nepad) en aidant la République sud-africaine et le Nigeria à le formuler et à le présenter comme la solution de tous les maux du continent à un G 8 qui ne demandait qu'à être convaincu. Une première difficulté provient de la réticence de l'Afrique elle-même à l'encontre d'un plan de redressement qui, à tort ou à raison, lui paraît véhiculer l'hégémonie des deux géants de la région. Une seconde difficulté a immédiatement été créée par le cynisme conjoint des présidents Thabo Mbeki et Olusegun Obasanjo. En 2002, ceux-ci n'ont accepté qu'après moult objections, et du bout des lèvres, la suspension de la participation du Zimbabwe au Commonwealth que réclamait Tony Blair pour cause d'élections truquées. Ils exigent aujourd'hui que cette sanction soit levée alors que le procès du leader de l'opposition bat son plein à Harare. Et ils n'ont pas répugné à soutenir la candidature de la Libye à la présidence de la commission des droits de l'homme aux Nations unies. La crédibilité d'un processus censé apporter à l'Afrique la « bonne gouvernance » et la démocratie s'en voit d'emblée compromise.

Reste que les déboires de ses partenaires européens ne suffisent pas à rendre plus légitime ou acceptable la panne de la politique africaine de la France. Toute Schadenfreude serait mauvaise conseillère. Or, la volonté de Paris de renouer avec l'aide publique au développement et de s'impliquer à nouveau dans le règlement politique des conflits subsahariens, pour sympathique qu'elle soit, demeure impuissante faute de dessein précis. Certes, l'Agence française de développement, sous la houlette de Jean-Michel Severino et de son équipe, met la coopération française en phase avec les nouvelles problématiques des bailleurs de fonds, comme celle des « biens publics mondiaux ». Mais la pertinence de ces approches sur le terrain n'est pas encore démontrée. Surtout on saisit mal la viabilité d'une aide publique au développement qui ne répondrait pas aux deux phénomènes politiques majeurs dans laquelle l'Afrique s'est installée depuis dix ans : d'une part, le regain des stratégies identitaires de l'autochtonie et du nationalisme, que l'on persiste à méconnaître en les réduisant au « tribalisme » et à la « tradition » ; de l'autre, la banalisation de la guerre comme mode de régulation du pouvoir et d'accumulation (ou de survie) économique.

L'embourbement de la France dans la crise ivoirienne sanctionne précisément son incapacité, depuis 1990, à relever ces deux défis. Paris a cautionné jusqu'en 2000 la montée en puissance de la revendication délétère de l'« ivoirité », prêtant même la main à l'exclusion du jeu électoral d'Alassane Ouattara en 1994-1995. Et le déclenchement de la guerre civile est un cruel révélateur de la faillite de la coopération militaire définie au moment des indépendances et rechapée dans les années 90. L'inanité des accords de défense et la dangerosité de certaines de leurs clauses secrètes apparaissent clairement : ni l'application ni la non-application de ces textes ne permettent à bon compte d'empêcher les ingérences du Burkina Faso et du Liberia dans les affaires ivoiriennes et de garantir la stabilité intérieure du pays dans le respect de la démocratie et des droits de l'homme. L'armée qui s'est mutinée, délitée et rebellée depuis 1999 est la fille dévoyée non seulement de la coopération militaire bilatérale, mais aussi du dispositif de « renforcement des capacités africaines de maintien de la paix » (Recamp) qui était supposé prendre le relais des interventions extra-africaines dans le cadre multilatéral des organisations d'intégration régionale ou des Nations unies.

La gendarmerie, qui s'est rendue coupable des pires atrocités contre les opposants ou les immigrés, a été la bénéficiaire d'un effort de coopération et de formation particulièrement soutenu au nom de la promotion de l'« Etat de droit ». Enfin, l'engagement des forces françaises pour pallier la carence de la Cedeao n'a empêché ni le déchaînement des escadrons de la mort en Abidjan ni le recours aux mercenaires européens ou aux combattants libériens et burkinabés.

Ne tirons pas de ce triste constat un sujet de polémique facile. Aucun des gouvernements français qui se sont succédé depuis les grands bouleversements de l'ajustement structurel, dans les années 80, et de la revendication démocratique, dans les années 90, n'a brillé par l'audace de son imagination. Aucun des pays occidentaux (pour ne pas parler des autres) ou des institutions multilatérales (Banque mondiale, FMI et Commission confondus) n'a de leçon particulièrement convaincante à prodiguer à la France sur ce plan. Mais, dès lors que l'Europe ne peut impunément se désintéresser du naufrage d'un continent voisin, on admettra que la conférence franco-africaine devrait être l'occasion de « secouer le cocotier » des paresses confortables et des démissions honteuses. Il y faudra plus que la fougue d'un ministre et la détermination d'un président. Un zeste de réflexion et d'analyse ne serait pas du luxe.

* Ancien directeur du Centre d'études et de recherches internationales, directeur de la revue Critique internationale.
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