Après le renouvellement du contrat de la CIE, La Côte d’Ivoire est-elle sur la voie de la paix Par Augustin Kouyo
Notre Voie - 10/18/2005 8:01:21 PM
Longtemps présenté comme l'un des soutiens de la rébellion ivoirienne, Martin Bouygues a récemment avoué à Abidjan que le renouvellement du contrat de la CIE était un message d'apaisement. D'aucuns pensent déjà que c'est
le début de la fin de la rébellion.
Fin de polémiques et de procès d'intention. L'Etat de Côte d'Ivoire a renouvelé pour quinze autres années le contrat qui le liait depuis 1990 à la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE), filiale du groupe français Bouygues. C'est vrai que, contrairement au passé, l'Etat de Côte d'Ivoire est désormais présent dans le capital de la compagnie et que celle-ci doit financer le programme d'électrification, mais toutes les parties sont satisfaites du nouveau contrat.
Avec cette signature, on peut le dire, les grandes entreprises françaises gardent presque intactes leurs positions en Côte d'Ivoire. Le groupe Bolloré reste maître du transport ferroviaire avec la SITARAIL et du secteur maritime avec l'acquisition l'année dernière du Terminal à conteneurs de Vridi.
France-Télécom est toujours solidement implantée dans le secteur de la télécommunication et des nouvelles technologies avec Côte d'Ivoire Télécom, Orange et Aviso, même si elle doit maintenant faire face à la concurrence de nouveaux opérateurs. Son statut d'aînée dans le milieu et l'expérience qu'elle a acquise lui donnent une avance certaine sur ses concurrents.
Bouygues tient toujours l'eau et l'électricité,deux secteurs vitaux pour l'économie ivoirienne.
Le groupe Vinci a été sélectionné pour la construction du palais présidentiel de Yamoussoukro.
La France n'a donc rien perdu sous le régime de Laurent Gbagbo. Au contraire, il est bien prouvé que dans deux cas au moins (Terminal à conteneurs et CIE), c'est bien Laurent Gbagbo qui a donné des instructions à ses collaborateurs pour qu'ils signent avec les entreprises françaises.
Pourtant, que n'a-t-on pas dit sur le compte de son régime ? Qu'il était venu pour mettre toutes les entreprises françaises dehors, qu'il ne voulait plus d'investissement français en Côte d'Ivoire, etc. Les procès d'intention ont pris une telle ampleur que nombre de dirigeants d'entreprises françaises, selon des sources concordantes, n'ont pas hésité à se jeter dans les bras de ceux qui leur promettaient de maintenir leur empire menacé par Laurent Gbagbo. D'où leur implication dans un projet de coup d'Etat qui, ayant échoué, s'est mué en rébellion. Les équipements militaires des putschistes, leurs moyens de communication ultra-modernes, la liquidité financière dont ils disposaient dans les premiers jours...ont montré que ces gens ont bénéficié du soutien d'une coalition d'intérêts dont le but était de balayer un régime qu'on soupçonnait de vouloir remettre en cause les positions acquises. “Mais pourquoi ce régime serait-il contre la France ?”, s'est interrogé le président Laurent Gbagbo à l'occasion de la signature des documents qui consacrent l'entrée de l'Etat de Côte d'Ivoire dans le capital de la CIE. Evidemment, le régime ivoirien n'a jamais fait mystère de sa volonté de diversifier ses partenaires économiques. Le voyage en Chine du président Gbagbo a pu être l'un des éléments déclencheurs de la déstabilisation de son régime. Et ce n'est certainement pas un hasard si l'agression a été perpétrée alors qu'il était en visite en Italie. Dans un ouvrage publié au début des années 90, des auteurs français reconnaissaient qu'en Afrique, les entreprises françaises ne peuvent prospérer qu'en situation de monopole. Est-ce la peur de la concurrence qui a conduit certains à soutenir la déstabilisation ?
En tout cas, l'autre jour, le président Gbagbo a fait passer un message clair à l'endroit des grandes entreprises françaises, par l'intermédiaire de Martin Bouygues disant que le régime ivoirien actuel n'est nullement contre la France et ses entreprises pourvu que les intérêts de la Côte d'Ivoire soient sauvegardés. Si donc ces gens qui ne manquent aucune occasion pour déclarer qu'ils sont des amis de la Côte d'Ivoire sont sincères, ils devraient arrêter de soutenir la déstabilisation. “Nous souhaitons que nos amis soient nos amis de façon claire et nette et qu'ils tournent le dos à tous ceux qui veulent s'emparer du pouvoir par des voies autres que les voies démocratiques. Nous n'accepterons pas cela”, a martelé le président Gbagbo.
Quelques heures plus tard, devant le personnel de la CIE, Martin Bouygues indiquait lui aussi clairement que le renouvellement du contrat intervenait dans un contexte de relance de l'économie ivoirienne et interprétait l'acte de signature comme un “message d'apaisement”, Apaisement entre son groupe longtemps soupçonné de soutenir la rébellion et une Côte d'Ivoire qui veut se donner les moyens de sortir de l'état de guerre. “Nous voulons vivre notre vie d'avant. Qu’on n'y ait plus de rebelles en Côte d'Ivoire”, a plaidé Laurent Gbagbo dans un langage direct. Martin Bouygues semble avoir reçu le message cinq sur cinq.
Cela présage-t-il de lendemains meilleurs pour la Côte d'Ivoire ? En tout cas, l'espoir est grand que cette signature convainc définitivement les autorités françaises que la Côte d'Ivoire n'a pas initié une politique anti-française. Si chaque partie y met de la bonne foi, la rébellion devrait mourir de sa plus belle mort dans un délai raisonnable.
Augustin Kouyo
Un week-end de silenceSilence radio, télé, et autres médias en France quant à un des événements les plus importants concernant la Côte d’Ivoire depuis le coup d’État raté de septembre 2002. Mbeki et Gbagbo justifiés par l’Onu. Le voyant venir, Libération s’est contenté d’une annonce amère à la veille de la déclaration onusienne (http://www.liberation.fr/page.php?Article=331002), sentie comme désormais inéluctable malgré les effets d’annonce multipliés ces dernières semaines : Le Monde avait annoncé le dessaisissement de Mbeki* ; Alliot-Marie, s’autoproclamant porte-parole de la rébellion pour interpréter la constitution ivoirienne, annonçait, elle, le «vide constitutionnel» pour l’après 30 octobre (non sans en rajouter une couche sur la «guerre ethnique», lui valant désormais en Côte d’Ivoire d’être ironiquement surnommée «l’ethnologue») — et voilà tout ce beau monde démenti par l’Onu. Alors on fait silence sur le constat.
Ci-dessous la dépêche de Reuters (extraits) et en illustration la Une de Fraternité Matin.
«L’Onu approuve le plan de l’Union africaine sur la Côte d’Ivoire»
Reuters - samedi 15 octobre 2005 - http://news.abidjan.net/article/?n=153859 :
«Le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé la proposition de l'Union africaine de prolonger d'un an les efforts de paix en Côte d'Ivoire, afin d'organiser l'élection présidentielle d'ici au 30 octobre 2006. {…}
"Le Conseil de sécurité fait sienne la décision du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine sur la situation en Côte d'Ivoire adoptée (...) le 6 octobre 2005 à Addis-Abeba", dit le communiqué du Conseil. {…}»
Et apparemment, alors que la réconciliation se profile, c’est le moment d’envoyer des blindés, selon ce qu’annonce Libération. Jean-Dominique Merchet écrit (Libération 17 octobre 2005 - http://www.liberation.fr/page.php?Article=331559) : «Selon nos informations, l'état-major vient ainsi d'envoyer des blindés en Côte-d'Ivoire. Il s'agit de neuf AMX10P, un véhicule sur chenilles de 15 tonnes. Appartenant au 16e bataillon de chasseurs, ces blindés, armés d'un canon de 20 mm, seront stationnés à Abidjan. C'est la première fois que des engins de ce type sont engagés en Afrique où, jusqu'ici, les véhicules à roues suffisaient», cela malgré le fait que «le général Henri Bentégeat, chef d'état-major, peut constater que "la situation s'est paradoxalement détendue depuis que l'Union africaine {et désormais l’Onu} a décidé que le président Gbagbo resterait en fonctions"» (ibid.)… Comprenne qui pourra…
* Le Monde obtient le pompon de ce qui ressemble fort à de la mauvaise foi. Pressentant aussi la décision de l’Onu, il annonçait ce 14.10 (http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3212,36-699555@51-627396,0.html) que la décision par laquelle l’Onu désavoue la France, est prise à l’instar de la France ! Cela pour finir l’article en donnant la parole - ô ironie - la parole à celui qui était il y a quelques années l' «inventeur de l’ivoirité», Bédié, réclamant que l’on démette Gbagbo !