"Le contenu des APE reste préoccupant"
Caroline D. Mège, responsable de plaidoyer à Oxfam France, publié le 20/08/2008
Le
31 décembre 2007 a sonné la fin officielle des négociations des accords
de partenariat économique (APE) entre 76 pays ACP (Afrique, Caraïbes,
Pacifique) et l’Union européenne (UE).
Au cours des semaines qui ont précédé cette date, les
négociations se sont accélérées, en dépit des tensions majeures
existant encore entre les deux parties (notamment soulignées lors du
sommet UE – Afrique de Lisbonne les 8 et 9 décembre derniers).
Où en est le processus ? Quel bilan peut-on tirer des
accords intérimaires signés à la fin de l’année ? Quels sont les enjeux
de la poursuite des négociations ?
A l’automne, la Commission européenne a reconnu que la
signature d’accords complets au 31 décembre s’avérait impossible et a
proposé de signer des accords intérimaires portant uniquement sur le
commerce des biens, lui permettant ainsi de se mettre en conformité
avec l’Organisation mondiale du commerce, celle-ci ne requérant pas de
négociation sur d’autres secteurs.
Les pays ACP ont ainsi été pressés par la crainte de
perdre leur accès préférentiel au marché européen en cas de non
signature, la Commission ayant indiqué que tout pays ACP non-PMA (Pays
les moins avancés) n’ayant pas signé d’accord au 31 décembre se verrait
appliquer le Système de préférences généralisées, valable pour
l’ensemble des pays en développement, et nettement moins favorable aux
pays ACP que les préférences accordées par le régime de Lomé et les
suivants.
A ce jour, 35 pays ont ainsi signé des accords
intérimaires avec l’UE portant sur le commerce des biens, et se sont
engagés à négocier sur les services et les questions de Singapour (en
particulier l’investissement et la passation de marchés publics) en
2008.
Le contenu de ces accords est préoccupant : ils
prévoient notamment une libéralisation des échanges avec l’Europe de 80
à 97% en moins de 15 ans. Certaines régions, comme la Communauté
Est-africaine (EAC, qui regroupe le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le
Burundi et le Rwanda) se sont engagées à libéraliser 82% des
importations de l’UE dont 62% dans les deux ans à venir.
De la même manière, une clause exige le gel de tous les
droits de douane sur les produits soumis à la libéralisation, que
celle-ci soit immédiate ou dans plusieurs années. Toute flexibilité en
matière d’utilisation des droits de douane est ainsi supprimée.
Par ailleurs, si des régions ont signé, un changement
majeur de direction a été opéré lorsque la Commission européenne a
accepté que des pays signent à leur tour de manière individuelle
(Papouasie Nouvelle Guinée, Côte d’Ivoire, Namibie, Ghana…) faisant
ainsi voler en éclat le renforcement de l’intégration régionale,
pourtant présenté comme un principe fondateur des APE.
Les mesures problématiques de ces accords intérimaires
doivent être revues dès la reprise des négociations et la dimension
régionale doit être impérativement réaffirmée.
Quelle sera maintenant l’attitude de la Commission
européenne ? Comment les Etats membres de l’UE vont-ils montrer leur
attachement au développement des pays ACP ? Et comment les pays et les
régions ACP vont-ils montrer leur détermination à conclure des accords
commerciaux qui profitent vraiment à leurs populations ?
Les prochains mois verront la reprise du dialogue : à
chaque partie maintenant de montrer son engagement à promouvoir des
accords équilibrés et favorables au développement.
http://www.linternationalmagazine.com/article4939.html