La mort de Geremek: l'Europe perd un grand homme Par Pierre Haski | Rue89 | 13/07/2008 | 18H16
C'est
un des hommes qui ont marqué l'histoire du dernier quart de siècle, et
qui ont façonné l'Europe de l'après-guerre froide. C'était aussi un
grand intellectuel et penseur engagé, dont on pourrait regretter qu'il
n'ait pas eu le temps, ni l'opportunité de plus influencer la politique
de son pays -la Pologne- et celle de l'Europe. Bronislaw Geremek s'est
tué dimanche, à l'age de 76 ans, dans un accident de voiture dans
l'ouest de la Pologne.
Cet historien réputé, spécialiste du Moyen-Age en France, proche de
Fernand Braudel, parlant impeccablement le français (voir la vidéo
ci-dessous) depuis un passage à l'Ecole pratique des hautes études dans
les années 50, a fait partie de ce petit groupe d'intellectuels qui ont
rejoint les rangs du syndicat Solidarnosc, fondé par l'électricien de
Gdansk, Lech Walesa, dont il devient le conseiller personnel.
On était alors au début des années 80, la Pologne était dirigée par
l'homme aux lunettes noires, le général Jaruzelski, et le mur de Berlin
semblait installé pour l'éternité. Geremek sera emprisonné comme les
autres dirigeants du syndicat indépendant en 1981 et 1982.
L'ancien compagnon de Lech Walesa rejoint le Parlement européen en 2004 Etonnant destin que celui de ce fils d'une famille juive polonaise,
ayant vécu dans le ghetto de Varsovie pendant la guerre avant de s'en
échapper (son frère aîné aura moins de chance et mourra à Auschwitz),
membre actif du parti communiste polonais (le POUP) et même du PCF lors
de ses dix ans passés en France, et qui sera un des hommes qui feront
s'écrouler de l'intérieur le bloc soviétique.
Après 1989, les relations entre Bronislaw Geremek et Lech Walesa se
détérioreront, et ils s'opposeront dans la vie politique agitée et
complexe de la Pologne post-communiste. Geremek sera ministre des
Affaires étrangères de son pays de 1996 à 2000, avant de rejoindre le
Parlement européen à Strasbourg, dans le groupe libéral. Il sera
candidat malheureux à la présidence de l'europarlement.
Malgré son parcours, il sera victime, en 2007, d'un de ces coups
tordus de la droite polonaise, et perdra provisoirement son siège de
député européen pour avoir refusé de se soumettre à la loi de
"décommunisation" qu'il jugeait dangereuse. L'affaire fera scandale, et provoquera une sortie épique de l'eurodéputé vert Daniel Cohn-Bendit:
"Nous avons combattu le stalinisme avec Geremek. Si un
gouvernement emploie des méthodes staliniennes et fascistes, nous
devons protéger notre collègue contre ces fous".
Un farouche partisan de l'intégration européenne L'affaire fera long feu. Bronislaw Geremek restera jusqu'au bout un
partisan farouche de l'intégration européenne, à tel point que son
parcours exemplaire en faisait un candidat possible à la présidence de l'Union européenne envisagée dans le traité de Lisbonne.
C'est le testament qu'il laisse à l'Europe. Ecoutez son plaidoyer,
en marge des rencontres européennes de Lille en mai dernier (pour
écouter cliquez sur la vidéo):
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