Immigration: trente ans de stigmatisation Par Zineb Dryef (Rue89) 00H10 18/09/2007
Le texte qui arrive à l'Assemblée n'est pas le premier à prétendre mettre fin au "laxisme". Retour en images.La session extraordinaire s'ouvre en fanfare avec le quatrième texte
de loi sur l’immigration depuis 2003. Le gouvernement assure qu’il sera
“ferme” mais “protecteur” et qu'il signe la fin du "laxisme". Une
rhétorique déjà utilisée sous les précédentes législatures. Seule
nouveauté en 2007: le projet de loi émane du jeune ministère de
l’Immigration et de l’Identité nationale. Rétrospective.
1973: "La France n’est pas raciste!” L'immigration de travail est "favorisée": la perte d'emploi
implique, pour les étrangers, la perte de la carte de séjour. Lors
d'une conférence de presse, le président George Pompidou clame haut et
fort que la “France n’est pas raciste!” avant de se reprendre et
d'expliquer que, sans une politique ferme, les Français risquent de le
devenir. Dans son viseur, "la concentration" des étrangers dans
quelques agglomérations et banlieues. La solution? Leur "répartition"
sur l'ensemble du territoire. Et George Pompidou d'établir une
comparaison pour le moins douteuse: "Il est déjà difficile de vivre
avec ses voisins..."
S'ensuivent les années VGE: c'est la fameuse "immigration zéro" à
laquelle veut tendre le jeune président de la République. 1981:
l'arrivée de François Mitterrand suspend toutes les expulsions. En
1984, la loi sur le titre unique de séjour et de travail est votée à
l’unanimité. Ce sera l'exception dans le débat le plus polémique en
France.
1986: "Le pays risque d'être embrasé par une flambée de xénophobie" Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1986, Loïc Lefèvre, un automobiliste
roulant à contresens, est tué par un policier. Séance très agitée à
l’Assemblée nationale. Charles Pasqua est ministre de l'Intérieur. Le
débat sur l'immigration qui a alors lieu est contaminé par l'affaire.
L'ambiance est houleuse. Charles Pasqua monte tout de même à la
tribune: la présence trop forte des immigrés ajoutée à la crise
économique est une réalité qui ne peut être "cachée" et qui risque
d'aboutir à une vague de...xénophobie. Les mesures de M.Pasqua? Les
préfets ont le droit de prononcer la reconduite à la frontière des
étrangers en situation irrégulière et la liste des étrangers qui
obtiennent de plein droit une carte de résident se fait peau de
chagrin.
1989: "Un clandestin? Il doit être renvoyé chez lui" Mitterrand réélu, la loi Pasqua est assouplie. Interrogé sur la
situation des clandestins, le président socialiste appelle à la
"fermeté" mais dans "les conditions du droit". En clair: les
clandestins doivent être renvoyés chez eux. Du côté des associations,
c'est l'exaspération face à une politique jugée peu claire: "Si les
entreprises n'ont pas besoin des clandestins, qu'elles le disent et
qu'on les renvoit chez eux."
1991: "J'avais le sentiment de ne pas entendre monsieur Chirac mais Jean-Marie Le Pen" Le torchon brûle entre Edith Cresson, Premier ministre, et Jacques
Chirac, président du RPR. L'un accuse le gouvernement de "laxisme",
l'autre répond: "On croit entendre Le Pen". Qui, lui, se frotte les
mains: "Les électeurs préfèreront l'original à la copie."
1991: "Il faut arrêter toute immigration nouvelle"Un mois plus tard, c'est le Parti communiste qui se distingue par la
distribution d'un tract fustigeant l'immigration ("Trop!"), les "abus"
relatifs au regroupement familial et à la distribution des ressources.
L'émotion est vive chez les militants.
1996: "Pourquoi l'immigration serait un sujet tabou?" C'est la foire d'empoigne au Palais Bourbon. Jean-Louis Debré,
ministre de l'Intérieur, se lance dans une politique sécuritaire. Le
Parti socialiste parle d'instrumentalisation de l'immigration par la
droite. Laurent Fabius, s'adressant au ministre de l'Intérieur, lui
reproche de se servir de l'immigration comme d'un "bouc émissaire."
1997: "Il faut donner la parole au peuple" Un an après, le PS est au pouvoir. C'est Elisabeth Guigou qui crée
l'émoi au Sénat avec son projet de loi sur la nationalité. Alors que
Lionel Jospin avait promis l'abrogation des lois Pasqua-Debré durant la
campagne de 1997, la loi Guigou va plus ou moins les "aménager".
Concernant la nationalité, un pas est accompli: un enfant né sur le sol
français peut devenir français.
A lire:
Huit maires résistent à Brice Hortefeux.
http://www.rue89.com/2007/09/18/immigration-trente-ans-de-stigmatisation