Le colonel Kadhafi voulait la bombe atomique Par David Servenay (Rue89) 00H31 15/08/2007
L'ancien n° 2 de Framatome (aujourd'hui Areva) révèle à Rue89 comment le "Guide" a manoeuvré dès les années 70.C'est une certitude pour les nucléocrates: Kadhafi a toujours voulu
la bombe atomique. Yves Girard s'en souvient très bien. Vice-président
de Framatome (l'ancêtre d'Areva) entre 1974 et 1981, puis de
Technicatome jusqu'en 1991, il a accompagné plusieurs minitres des
gouvernements Barre à la fin des années 70 à Tripoli. Juste après
l'Iran, la Libye du colonel Kadhafi cherchait alors à développer un
véritable arsenal, en lorgnant sur un réacteur du même type que celui
fourni à Israël. Par la France. La centrale nucléaire de Dimona (photo) fut opérationnelle dès 1963.
Or, les quelques éléments rendus publics par l'Elysée depuis la
signature d'un "mémorandum d'entente", le 25 juillet dernier, sur la
construction d'un réacteur laissent penser que le "Guide" n'a pas
changé d'avis sur cette question stratégique. D'après Yves Girard, un
réacteur de "dessalement d'eau de mer" permet d'obtenir assez
facilement une matière fissile de qualité militaire. Surtout lorsque ce
même pays a utilisé les filières "clandestines" du réseau du docteur Abdul Qadeer Khan, le physicien pakistanais.
Dernier conseil de ce nucléocrate au président Sarkozy: faire durer les discussions et ne jamais aboutir...
Dans les années 70, comment êtes-vous arrivé à la conclusion que le colonel Kadhafi cherchait à acquérir la bombe atomique?Il s'en cachait à peine. Il ne s'en cachait même pas du tout. Quand
je dis que Kadhafi ne se cachait pas, je veux parler de ses sbires et
de son état-major. Quand on a commencé à discuter, il voulait faire du
nucléaire. Ce n'était pas très difficile de faire avouer aux
responsables libyens que ce qu'ils cherchaient, c'était une copie de
Dimona. Et s'ils cherchaient une copie de Dimona, c'est qu'ils
supposaient que Dimona avait donné la bombe à Israël. Il n'y a pas eu
un compte rendu où est mentionné ce désir, c'était le fruit de
conversations. Mais, effectivement, cela correspond au réacteur de
Dimona: on pourrait faire de l'eau dessalée avec le réacteur de Dimona.
Quels risques présente une telle livraison?Si vous faites un réacteur genre Dimona, un réacteur à basse
température, pour faire du dessalement d'eau de mer, c'est un réacteur
qui pourra être alimenté en uranium naturel, facile à trouver. Et de
cet uranium naturel, on tirera du plutonium de qualité explosive, il
n'y a aucun problème.
D'après le journal Le Parisien du lundi 13 août, Tripoli chercherait à s'équiper de l'EPR?C'est complètement délirant. Cela ne correspond pas du tout à la
production de la Libye. Complètement délirant. Mais vous savez, c'est
comme cela que ça se passe: on ne veut pas vexer les gens en leur
disant "non", alors on leur dit "oui", mais en fait rien ne se passe.
Lorsque la France a refusé la livraison d'un réacteur du type Dimona à la Libye, comment Kadhafi a-t-il réagi?Les Libyens ont suggéré, aussi bien aux Egyptiens qu'aux Tunisiens,
de commander la même chose que le réacteur de Dimona, pensant que cela
aurait plus de chance d'être accepté. Comme Kadhafi savait qu'il
n'était pas en odeur de sainteté, il pensait qu'on ferait plus
confiance aux Tunisiens. En fait, cela n'a pas été le cas, parce que la
Tunisie n'a absolument pas besoin de ça.
Si on vous demandait aujourd'hui de conseiller le président Sarkozy, que lui diriez-vous?Cause toujours... On peut très bien faire traîner, l'art de faire
traîner un accord pendant plusieurs années... Je lui conseillerais de
ne pas aboutir. Cela me paraît aberrant, aujourd'hui, de livrer de
l'équipement nucléaire, même modeste, à un pays comme la Libye. Une
fois que vous êtes embrayés là-dedans, vous ne savez jamais comment
cela se termine. Je ne sais pas sous quelle forme il l'a promis, mais
j'espère que c'est une promesse qui ne sera jamais tenue.http://www.rue89.com/2007/08/15/le-colonel-kadhafi-voulait-la-bombe-atomique