PROCHE ORIENT
Oui, nous avons perdu l'estime du monde !
Oui, nous avons perdu l'estime du monde !
mardi 19 juin 2007
Oui, le Hamas a commis un coup d'état en renversant une autorité
fantomatique, mais l'aile américaine du Fatah ne s'apprêtait-elle pas à
organiser le renversement du gouvernement légitime du Hamas ? Les
américains n'étaient-ils pas entrain de mettre en place et d'entraîner
dans les pays avoisinants, une force armée palestinienne de 10 000
hommes chargée de prendre le pouvoir à Gaza et d'en finir avec le Hamas
?
Oui, nous avons perdu l'estime du monde* !
Les derniers évènements qui viennent de se dérouler à Gaza ont montré
que les Palestiniens ont perdu la sympathie que les nations étrangères
manifestaient à leurs égards. Aux yeux du monde, les palestiniens
apparaissent désormais comme des barbares, manquant de toute culture de
dialogue ou de débat politique.
Comment après toute la sauvagerie des
crimes commis à Gaza, pourrions nous défendre notre cause auprès des
médias arabes ou occidentaux et dénoncer les crimes israéliens ?
Qui parmi nous, pouvait imaginer un
instant qu'on verrait des Palestiniens jeter d'autres Palestiniens
vivants du haut d'un vingtième étage ? Qui pouvait imaginer que des
Palestiniens se feront poignarder dans la rue par d'autres palestiniens
qui traîneront, ensuite, leurs cadavres dans les rues ?
Les valeurs et les enseignements de
notre religion n'ont jamais autorisé que les maisons des autres soient
dévastées, pillées et brûlées, que les photos de Yasser Arafat, notre
Président défunt soient piétinées, que les radios soient fermées, que
les locaux du syndicat de journalistes soit envahis, que les
adversaires soient liquidés, ou dénudés comme l'ont fait les israéliens
avec les gardiens de la prison de Jéricho après qu'ils l'aient envahie.
Oui, il est vrai qu'une clique de
Palestiniens, corrompue et liée aux israéliens et aux américains, avait
pris possession de certains services de sécurité à Gaza, qu'elle a
commis des assassinats et qu'elle a pratiqué la corruption matérielle
et morale de la pire des façons ; mais tout cela n'excuse en rien
toutes les exactions commises par le Hamas.
Même quand ces despotes corrompus
étaient au pouvoir à Gaza, les radios des différentes factions de la
résistance continuaient à émettre sans problème, les manifestations
étaient autorisées et même protégées, parfois, par le police.
Aujourd'hui, la première décision de ceux qui se sont proclamés élus
légitimes du peuple, après qu'ils aient pris le pouvoir à Gaza, était
de fermer toutes les stations de radio et de télévision et de
pourchasser les journalistes.
La seule chose autorisée, aujourd'hui
à Gaza, est de féliciter la nouvelle junte pour ces réalisations et
pour avoir débarrassé Gaza de ces chefs corrompus.
C'est de notre droit, nous qui avons
toujours été à coté de la résistance palestinienne, nous qui avions
dénoncé la corruption, la politique israélienne et américaine à l'égard
du peuple Palestinien, ainsi que toute atteinte aux droits historiques
de notre peuple ; de dire notre opinion devant ce triste spectacle que
nous regardons sur les écrans de télévision du monde entier. Les images
ne mentent pas.
Nous aurions espéré que les militants
du Hamas se comportent comme les hommes du Hezbollah et son leader
Nasrallah. Ce parti et ses hommes n'ont jamais, même aux pires moments
de la confrontation avec l'ennemi israélien, tué un opposant, ni pillé
sa demeure, ni envahi des bâtiments officiels, ni arraché le drapeau
national. Sans doute cela est du à une discipline et une éducation
religieuse très noble qui nous manque cruellement à Gaza.
Il est sûr aussi que des exactions ont
été commises, par l'autre partie, en Cisjordanie. Des locaux et des
bâtiments du Hamas ont été brûlés, des militants malmenés. Mais nous
avons vu aussi le vice-président du parlement législatif, un membre du
Hamas, lire devant les caméras de la presse, un communiqué dénonçant le
nouveau gouvernement, qu'il juge illégitime. Rien de tel,
malheureusement, ne s'est produit à Gaza.
Oui nous le disons haut et fort, le
gouvernement d'urgence que le Président Abbas vient de mettre en place
est complètement illégitime, c'est une catastrophe pour le peuple
Palestinien. Il ne fera qu'aggraver le gouffre actuel en consacrant la
division du peuple entre deux gouvernements qui s'affrontent. Ce
gouvernement d'urgence ne fera que renforcer le projet américain dans
la région.
Certes les américains qui se sont
rangés derrière ce gouvernement illégitime et non démocratique ont déjà
annoncé qu'ils lèveraient les sanctions économiques qui frappent les
territoires palestiniens depuis vingt mois, mais ce qu'ils souhaitent
surtout, c'est d'y trouver, enfin un Karzaï ou un Maliki palestinien
qu'ils pourront fournir en dollars et en armes.
On aurait mieux compris les intentions
de l'administration américaine et des régimes arabes alliés, si le
modèle américain qu'ils expérimentent en Afghanistan, en Irak ou au
Liban, avait produit les effets escomptés. Or qu'est ce qu'on constate
: un chaos généralisé, des états absents ou affaiblis, des guerres
confessionnelles et un terrorisme triomphant qui attire tous les
groupes extrémistes de la terre.
Ce qui se passe actuellement en
Palestine est le résultat d'abord de la non reconnaissance américaine
des résultats des élections démocratiques, des veto pro-israéliens, des
sanctions humiliantes prises contre un peuple dont le seul tort est
d'avoir élu démocratiquement, des représentants dont ni les israéliens,
ni les américains ne veulent entendre parler.
Le Hamas a remporté sans aucune
discussion, des élections propres et libres. Il fallait les laisser
gouverner, les aider et les soutenir, mais c'est exactement le
contraire qui s'est passé. Même si nous continuons à penser qu'un
gouvernement sous occupation n'a aucune légitimité et que le Hamas a
commis une erreur historique en entrant dans le jeu politique, car il
n'y pas de démocratie sous l'occupation.
Nous pensions qu'une chance existait
pour que les deux parties reprennent le dialogue et essayent de limiter
les dégâts, hélas ceux du Fatah, qui ont déclaré qu'il n'est plus
possible de reprendre le contact avec le Hamas, se sont rendus
responsables d'une grave erreur qui démontre une étroitesse d'esprit,
l'absence de raison et le triomphe des haines.
Oui, le Hamas a commis un coup d'état
en renversant une autorité fantomatique, mais l'aile américaine du
Fatah ne s'apprêtait-elle pas à organiser le renversement du
gouvernement légitime du Hamas ? Les américains n'étaient-ils pas
entrain de mettre en place et d'entraîner dans les pays avoisinants,
une force armée palestinienne de 10 000 hommes chargée de prendre le
pouvoir à Gaza et d'en finir avec le Hamas ?
Ce qui vient de se passer à Gaza est
finalement une bonne chose pour le Fatah, car ces tristes évènements
ont dévoilé les plans de certains dirigeants qui promettaient aux
américains, contre des millions de dollars, que les heures du Hamas
étaient comptées. Finalement, leurs armées se sont effondrées en
quelques heures face aux attaques des militants du Hamas.
Refuser la victoire du Hamas à Gaza,
ne signifie pas, pour autant, qu'on accepte le dictat
américano-israélien, ni qu'on accepte une nouvelle invasion de Gaza, ni
qu'on se résigne devant le siège imposés aux Palestiniens de Gaza, qui
vise à les affamer en les privant de gaz, de nourritures et d'eau.
Répondre à cette débâcle veut dire
examiner et voir ce qui s'est réellement passé et ce qui l'a provoqué
afin d'en tirer les conclusions qui s'imposent : c'est-à-dire nettoyer
la résistance de tous les éléments responsables de cette catastrophe et
qui ont sali l'image de ce mouvement qui porte le poids de la cause
palestinienne depuis plus de quarante ans. Un mouvement qui a offert à
la Palestine la vie de milliers de ses militants.
Le mouvement du Fatah ne doit compter
que sur lui-même. Il doit engager un renouvellement de ces cadres et
faire émerger une nouvelle direction nationale qui considère que
l'ennemi du peuple Palestiniens n'est pas le Hamas, mais Israël qui
occupe les terres, commet les massacres et humilie notre peuple.
*[Cet article est la traduction an
arabe d'un éditorial de Abd-Al-Bari Atwane directeur de Al Quds Al
arabi, publié le 18 juin 2007.]
Article traduit de l'arabe par Sindibad
www.sindibad.fr
Mercredi 20 Juin 2007
syryne3@hotmail.com