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Mettez du sang dans votre moteur ! La tragédie des nécro-carburants, par Dominique Guillet.
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17 mai 2007 Liberterre, 24 mars 2007.
Campagnes d’intoxication Au Salon de
l’Agriculture 2007, une partie du hall 2 s’était transformée en salon
de l’automobile ! Ils étaient tous là, Peugeot, Ford, Renault, etc.
Avec des grosses planètes qui pendaient du plafond et des petites
fleurs peintes sur les portières des voitures. Emouvant : ils clament
haut et fort qu’ils vont sauver la planète avec l’éthanol et les huiles
de colza !
Les grands slogans
sont lancés : biodiesels, biocarburants, or vert, carburants verts, "le
carburant qui voit la vie en vert"... L’édition spéciale Ford des
Cahiers de l’Automobile titre "Bio-Carburants", Bio faisant 7 cm de
hauteur et carburants faisant 1,5 cm de hauteur : les grands pièges de
la sémantique pour endormir le peuple. Le même magazine en page 7 titre
"le bio en 40 questions". Quel "bio" ? Est ce une nouvelle abréviation
pour "biocarburant" ? Plus l’intoxication est grosse, mieux elle
passe ! Pourquoi se gêner ? (...)
L’attribution du terme "bio"pour les nécro-carburants gagne en tout cas du terrain rapidement. Cela
nous rappelle le syndrome des yoghourts de chez Danone. On trouve sur
internet des publicités pour Volvo "Volvo fera du sport bio" ou pour
Ford "Ford et Europcar roulent pour le bio !" ou pour Saab "300 chevaux
écologiques". Certaines voitures roulant au carburant végétal ont même
la mention "bio" peinte sur la carrosserie.
C’est le coup de
grâce pour l’agriculture bio, d’autant plus que la pression des lobbies
à Bruxelles cherche à imposer une agriculture bio de "seconde
génération" avec une pincée de pesticides par-ci et une demi-pincée de
chimères génétiques par-là ! Les cahiers de charge de l’agro-bio sont
en passe de devenir des cahiers de décharge ! Pinçons-nous le nez.
(...)
Les carburants végétaux ne sont pas bios :ils sont issus de plantes cultivées avec toute l’artillerie lourde des
intrants de l’agro-chimie et des pesticides. Les termes "biodiesel" ,
"bioéthanol" et "biocarburants" sont passés en un temps record dans le
langage commun, suite à un énorme matraquage publicitaire et
médiatique. Ces carburants végétaux sont obtenus grâce à des processus
d’extraction industrielle très complexes. Le terme "bio" signifie
"vie". On voit difficilement ce qui permettrait à ces carburants
végétaux de mériter le préfixe bio. Parle-t-on de bioblé, ou de
biotomate ou de biomaïs ?
Nous sommes là au
coeur d’une gigantesque arnaque sémantique. C’est bien plutôt de
"nécrocarburants" , de "nécroéthanol" et de "nécrodiesel" qu’il
faudrait parler. Nécro signifie mort et ce préfixe seul peut qualifier
les aspects techniques, écologiques et humains de cette sinistre farce.
Les carburants végétaux ne sont pas verts, ils seraient même plutôt rouges,
de la couleur du sang.
Ils vont accroître l’immense tragédie de la sous-nutrition, de la mort
de faim, de la misère sociale, du déplacement des populations, de la
déforestation, de l’érosion des sols, de la désertification, de la
pénurie en eau, etc.
Les grands groupes
pétroliers qui se sont alliés aux grands groupes de l’agro-alimentaire
et aux grand groupes de l’agro-chimie et aux grands groupes semenciers
pour lancer cette farce grotesque tentent de tranquilliser le citoyen
en prétendant que les carburants végétaux ne représentent aucune
"concurrence pour les filières alimentaires". (...)
Pas de "concurrence pour les filières alimentaires". Et pourtant, savez-vous : - que l’année 2006 fut déclarée par l’ONU "Année Internationale des Déserts et de la Désertification".
- que les activitésagricoles génèrent une érosion telle que, chaque seconde, ce sont 2420
tonnes de sol qui partent dans les océans ou dans les vents.
- que chaque heure de la journée, ce sont 1370 hectares de terres qui sont désertifiées à jamais.
- que 36 000 personnes meurent de faim tous les jours.
- que, selon la FAO,
la surface moyenne de terre arable par habitant était de 0,32 hectare
en 1961/1963 (pour une population mondiale de 3,2 milliards), de 0,21
hectare en 1997/1999 (pour une population mondiale de 6 milliards) et
sera de 0,16 hectare en 2030 (pour une population mondiale estimée à
8,3 milliards).
- que, selon certains experts indépendants,
les projections ci-dessus sont hautement optimistes car la surface
moyenne de terre arable par habitant dans les pays pauvres sera
seulement de 0,09 hectare en 2014.
- que ces mêmes experts n’ont pas pris en considération, pour leurs calculs, le boom des agro-carburants et les bouleversements climatiques.
- que, selon la FAO,
l’Inde perd chaque années 2,5 millions d’hectares de terres et qu’à ce
rythme là, il ne restera plus un gramme de terre arable dans ce pays en
2050.
- qu’au cours des 20 dernières années,
environ 300 millions d’hectares (six fois la surface de la France) de
forêt tropicales, ont été détruits pour implanter des domaines fermiers
et des pâturages ou des plantations à grande échelle d’huile de palme,
de caoutchouc, de soja, de canne à sucre et autres récoltes.
- que, dans l’Iowa,
le coeur de l’empire transgénique du maïs et du soja, les églises dans
les zones rurales surplombent les champs d’1m50 parce que l’Iowa a
perdu 1m50 de sol fertile en un peu plus d’un siècle. (...)
Le Professeur
Pimentel, de l’Université de Cornell (Ithaca, New-York) a prouvé déjà,
depuis de nombreuses années, que le bilan énergétique basique de la
production d’éthanol est complètement négatif car la production de maïs
a un coût réel (intrants, pesticides, travail) sans parler de
l’amortissement du matériel agricole qui n’est jamais pris en compte
car le bilan serait par trop indécent. Bref, selon le Professeur
Pimentel, le carburant végétal réchauffe davantage la planète que
l’essence !
- Les agro-carburantsvont accélérer la destruction des ecosystèmes en répandant encore plus
d’intrants et de pesticides dans les sols, dans l’atmosphère et dans
les eaux.
- Un litre d’éthanol entraîne l’érosion de 15 à 25 kg de sol : érosion, entendons-nous bien, signifiant disparition pure et simple, éradication.
- Qu’en est-il de l’eau ?C’est le bouquet final. Il faut, selon les régions, de 500 à 1500
litres d’eau pour produire un kilo de maïs. Cela signifie que la
production d’un litre d’éthanol à base de maïs requiert l’utilisation
de 1200 à 3600 litres d’eau ! (...)
Nous recevons
aujourd’hui-même un mail de nos amis au Guatemala. Le prix de la
tortilla (aliment traditionnel à base de maïs) a augmenté de 80 %. La
situation est identique au Mexique. L’augmentation de 40 à 100 % du
prix de la tortilla entraîne de sérieuses émeutes dans tout le pays.
Quelques années en arrière, les paysans ont cessé de produire leurs
maïs traditionnels au Guatemala et au Mexique car cela revenait moins
cher d’acheter la tortilla à la tortilleria industrielle que de
cultiver sa "milpa" en raison du "dumping" de maïs (ogm) en provenance
des USA.
Mais, aujourd’hui, la situation a changé :
les USA gardent leur maïs (20 % de la récolte de maïs US est transformé en éthanol) et les Mexicains crèvent de faim ! (...)
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