Bicentenaire de l’Abolition de la traite négrière dans l’empire britannique : Repentances, sans excuses officielles ni réparations
29/03/2007
Le 25 mars 2007 la Grande-Bretagne se souvenait de l’Abolition de la traite négrière sur ses terres en 1807, suivie, sans trop d’empressement en 1833 seulement de l’abolition de l’esclavage. Les colonies britanniques avaient au minimum fait déporté 3 millions d’Africains soumis à un esclavage des plus rudes et déshumanisant que l’humanité ait connu. Première nation esclavagiste devant la France et les Pays-Bas, l’empire britannique fut le premier à faire muter sa structure d’asservissement racialo-capitaliste des Nègres en anticipant sur la nécessité de soumettre les Africains désormais sur leurs terres en les colonisant en Afrique, à mesure que le modèle prédateur de production et de consommation des richesses de l’économie-monde changeait. De fait les Britanniques furent les pionniers de l’aventure coloniale comme ils furent à l’avant-garde du développement industriel, ce qui n’est pas neutre. Un fort un courant abolitionniste permit donc, sur les bases constantes des résistances africaines sur le continent, dans les bateaux et en colonies -les marrons-, de venir à bout de cet odieux crime dont les structures mentales héritées et le capital infra économique subsistent encore bien plus qu’à l’état de séquelles en Afrique, dans les anciennes colonies, et dans les anciennes métropoles.
La période du 25 mars 2007 a été propice à des prises de paroles fortes sur la question négrière dans l’ancien empire britannique. En 2006, c’est l’église anglicane qui formulait ses excuses en tant qu’institution esclavagiste, ayant possédé et exploité des esclavisés africains. En février 2007 l’Etat de Virginie aux Etats-Unis faisait acte de repentance en adoptant par l’action de son Parlement une résolution non contraignante exprimant «les profonds regrets» pour l’esclavage comme mode de chosification de l’humain mais aussi comme matrice d’une société raciste où les Américains d’origine africaine n’ont cessé de subir ségrégation, viols de leurs droits civiques -droits de vote oblitérés, …-, discriminations et préjugés raciaux systématiques. Autant de crime et de dépravations des droits humains auxquels, à l’instar de n’importe quel négrier laïc, l’église anglicane participa de toute sa mesure.
Le premier ministre Tony Blair, très attendu sur cette question qui ne cessera d’empoisonner de façon croissante les relations entre l’Afrique, sa Diaspora et les Etats négriers tant qu’une reconnaissance officielle et des réparations ne seront établis, s’est contenté de se dire «désolé», «I have said we are sorry and I say it again». Rencontrant le président ghanéen au courant du mois de mars et répondant aux critiques estimant que ses précédents propos étaient insuffisants, le premier ministre travailliste qui s’était en effet auparavant dit peiné par la traite négrière qu’il qualifiait de crime contre l’humanité, n’a pas éteint les critiques. Le second de l’église anglicane, le prélat Sentamu d’origine ougandaise continue de penser que Tony Blair devrait aller plus loin. Ce n’est pas le cas, force est de le constater, car il n’y aura eu ni excuses et reconnaissance publiques du rôle de négrier de l’empire britannique dûment cité, ni encore moins excuses officielles, sans parler de réparations.
Pour autant le fait que la question soit de nouveau évoquée, que malgré une opposition sourde dans certains pays mais plus voyante, grossière en France contre l’émergence d’une conscience citoyenne voire politique sur l’histoire négrière et surtout sur ses continuations contemporaines, les tentatives d’endiguer, de ridiculiser cette cause ont lamentable échoué. Et c’est dans le pays qui compte le plus d’opposants médiatisés à toute expression d’une mémoire de l’esclavage négrier qu’une loi a été votée reconnaissance même de façon vicieuse, le crime contre l’humanité, ironie du sort.
Prise globalement la question négrière, après une lourde sourdine francophone dans les années 80, devant l’apathie des gouvernements et structures supra nationales africaines, et malgré la faiblesse des intellectuels africains, hormis des travaux et initiatives intéressantes aux Etats-Unis -qui ont réprimé sans merci le mouvements des Civils rights et les Afrocentriques-, avance tout de même. Il y a désormais plus de chances de faire connaître le crime négrier contre l’humanité à des Noirs, des Blancs, des êtres Humains de toute la planète qu’il y a deux décennies. Et la conscience des perpétuations coloniales au-delà des formalismes institutionnels revient dans les mentalités à la faveur d’une contestation globale de l’appareil historique systémique de soumission du monde pour lequel le moment négrier représente une phase critique. Les militants pour la cause réparationnsite ont donc obtenu une victoire temporaire puisque les héritiers ne sont pas à court d’idées et ne manquent pas de stratagèmes comme l’intronisation en France d’un Pétré-Grenouilleau, fabricant de la nouvelle doxa négrière, une falsification historique à vernis scientifique présentée au grand public avec une publicité de roman policier.
La mobilisation aura payé, et l’effort doit continuer dans le sens de la reconnaissance effective par les institutions qui ont détruit un continent, chosifié des habitants, au profit d’une humanité supérieure, sanctuarisée qui tire encore les bénéfices des tropismes de cette prédation fondatrice d’une parcelle de l’ordre actuel inique du monde.
Afrikara
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