Du 16 novembre 1805 sont datées les dernières notes de voyage de Mungo Park.
Cet Écossais tôt disparu a été le premier Européen à pénétrer en Afrique. De lui nous tenons l'essentiel de nos connaissances sur les sociétés noires d'avant la colonisation.
Avant Mungo Park, les Européens, à commencer par les Portugais au XVe siècle, s'en étaient tenus à des établissements côtiers où ils troquaient marchandises contre ivoire et... esclaves avec les chefs de l'intérieur. La difficulté d'accostage des navires, l'insalubrité des côtes infestées de moustiques et la pauvreté d'ensemble du continent les avaient dissuadés de s'aventurer plus avant.
André Larané
Le découvreur de l'Afrique
Mungo Park, explorateur de l'Afrique (Ecosse, 1771 - Niger, 1805) Mungo Park naît à Foulshiels (Selkirkshire, Écosse) le 20 septembre 1771.
Jeune chirurgien, il est engagé sur le Worcester pour un premier voyage qui le mène à Sumatra. Il tire de ce voyage une description qui lui vaut d'être engagé par l'African Association pour reconnaître la région du Niger, en Afrique occidentale. C'est ainsi qu'à 24 ans, en 1795, il part en mission en Afrique.
Il remonte le fleuve Gambie, au milieu du Sénégal actuel, jusqu'à l'ultime poste britannique, à 200 miles en amont. De là, il s'engage vers l'intérieur seulement accompagné de deux serviteurs noirs. Les péripéties foisonnent. Ainsi est-il capturé par un chef maure et réussit-il à s'enfuir au bout de quatre mois.
Le 21 juillet 1796, il atteint le fleuve Niger à Segou. Pour le retour, il suit une route plus au sud. Malade, il doit à la bienveillance d'un chef noir de pouvoir se rétablir pendant sept longs mois. Enfin, le 22 décembre 1797, le voilà de retour en Grande-Bretagne après un crochet par... l'Amérique (dans le commerce triangulaire, aucun navire ne revenait directement d'Afrique en Europe).
Mungo Park écrit le récit de son expédition : Voyage à l'intérieur de l'Afrique. Il lui vaut une immense popularité. L'explorateur peut alors songer à se marier et s'établit dans son village natal. Mais le démon de l'aventure le reprend quand, à l'automne 1803, le gouvernement l'invite à repartir pour le Niger, cette fois à la tête d'une imposante expédition. Il a soin d'apprendre auparavant l'arabe.
L'expédition quitte le port de Portsmouth pour la Gambie le 31 janvier 1805. Mais, trop lourde, elle n'atteint le Niger qu'en août de la même année, plusieurs Européens ayant déjà succombé aux fièvres ou à la dysenterie.
Mungo Park décide de descendre le cours du fleuve en bateau. Celui-ci, construit avec les moyens disponibles, est baptisé «Joliba», nom indigène du Niger. Avant de larguer les amarres, il confie à Isaac, un guide mandingue (tribu locale), des lettres pour l'Angleterre et au Colonial Office où il précise ses intentions : «J'irai vers l'Est avec la ferme résolution de découvrir l'embouchure du Niger ou de périr... Bien que tous les Européens qui m'accompagnent soient déjà morts ou sur le point de mourir et que je sois moi-même à moitié mort, je persévèrerai et si je ne réussis pas, au moins mourrai-je dans le Niger»...
L'explorateur écossais disparaît peu après avec les derniers survivants de son équipe dans un naufrage sur le Niger. Ainsi s'achève l'épopée du premier Européen qui ait réussi à pénétrer dans l'intérieur du continent noir.
Impressions d'Afrique
De son premier voyage, Mungo Park a rapporté de précieuses indications sur les sociétés d'Afrique occidentale. Ainsi souligne-t-il dans son récit la diffusion rapide d'un islam abâtardi dans toute la région du Sahel (le Mali actuel). Il note aussi la haine des Noirs pour les Maures (lui-même ne porte pas ces derniers dans son coeur et leur reproche leur cruauté et leurs menteries).
Il souligne la fréquence des guerres. Celles-ci sont de deux types. D'une part des guerres formelles à l'européenne, d'autre part des rezzou ou coups de main ayant pour objectif principal la vengeance et la quête d'esclaves.
Résultat des guerres, les famines et les disettes sont fréquentes et parfois si dramatiques que des hommes libres n'hésitent pas à se vendre eux-mêmes comme esclaves ou à vendre leurs propres enfants. Il arrive, raconte Mungo Park, que des négriers européens intallés sur la côte reçoivent de telles propositions !
L'explorateur souligne l'importance de l' esclavage, profondément enraciné dans les structures sociales africaines. Parmi les esclaves, il y a ceux qui le sont par naissance. Ceux-là, plus dociles, sont plus volontiers revendus aux Européens. Il y a aussi ceux qui le sont devenus par le fait d'une guerre ou de leur insolvabilité.
Mungo Park décrit des savanes arborées et des paysages aux collines verdoyantes. Partout, la menace des bêtes fauves et des lions, dont les villageois se protègent par des clôtures.
Une seule contrée, à l'ouest de la Gambie, pratique la fumure et utilise le fumier des bêtes pour fertiliser les sols. Elle dispose aussi d'une petite sidérurgie.
Mungo Park déplore les cases enfumées, les Africains ignorant les cheminées qui permettent d'économiser du combustible et d'évacuer la fumée.
Il regrette que les Européens de la côte ne se soucient pas de répondre à la curiosité des Africains ni de leur enseigner leur langue et leur foi.
En-dehors des esclaves, l'Afrique occidentale exporte pour l'essentiel de la poudre d'or et de l'ivoire. Les Noirs achètent aux Européens de leur côté du rhum, des fusils, de la poudre,... Ils achètent par ailleurs aux Maures du sel gemme.
Notons que sur les rives de Gambie, il s'écoule plusieurs mois sans que passe un seul navire négrier. Quand Mungo Park en trouve enfin un, celui-ci l'amène aux Antilles en 25 jours... Sur le navire sont embarqués aussi 130 esclaves, dont 25 qui furent naguère libres, les autres étant des esclaves de naissance. Le voyage, périlleux, se solde par 20 à 30 décès...
Toutes ces indications figurent dans les traductions du Voyage à l'intérieur de l'Afrique (nombreuses éditions de poche).
http://www.herodote.net/evenements/evenement.php?jour=18051116