Décès de Walter Sisulu, figure historique de la lutte anti-apartheid
06/05/2003
Walter Sisulu, un vétéran du Congrés National Africain (ANC) et l'une des figures historiques de la lutte de libération noire en Afrique du Sud, est mort lundi soir à 90 ans, une disparition qui a suscité une avalanche d'hommages, dont celui ému de son plus proche ami, Nelson Mandela.
Par Serge Ngapo
Walter Sisulu célébrant ses 90 ans
© AFP
Son fils, Max Sisulu, ex-député de l'ANC aujourd'hui directeur général du manufacturier d'armement Denel, a indiqué à l'agence sud-africaine de presse Sapa que Walter Sisulu était décédé à son domicile de Johannesburg dans les bras de son épouse, Albertina "Ma" Sisulu, elle-même une militante célèbre, vers 21H00 locales (19H00 GMT).
"Il venait d'aller à l'hôpital pour un examen de contrôle, et était revenu chez lui lorsqu'il s'est effondré dans les bras de son épouse", a déclaré à l'AFP le secrétaire général de l'ANC, Kgalema Mothlante, sans préciser la cause exacte du décés de Sisulu, à la santé déclinante depuis trois-quatre ans.
Sisulu, secrétaire général de l'ANC de 1949 à 1954 avant l'interdiction du parti, fut pendant près de 25 ans (de 1964 à sa libération en 1989) un compagnon de détention de Nelson Mandela, élu premier président noir d'Afrique du Sud, lors du premier scrutin démocratique de 1994.
Mandela, âgé aujourd'hui de 84 ans, depuis plus d'un demi-siècle un intime de Sisulu avec lequel il déjeûnait encore régulièrement jusqu'à ces derniers mois, a exprimé son immense tristesse dans un communiqué lundi soir: "une partie de moi s'en est allée".
Ensemble nous avons partagé des idées, scellé des engagements communs. Nous avons marché côte à côte dans la vallée de la mort, soignant les blessures de l'autre, nous soutenant l'un l'autre quand nos jambes flanchaient. Ensemble nous avons savouré le goût de la liberté
Nelson Mandela
"Dans un sens, je me sens floué par Walter", a déclaré Mandela. "S'il y a une autre vie aprés ce monde physique, j'aurai aimé être là le premier, afin de pouvoir l'accueillir. La vie en a décidé autrement". "Nos chemins se sont croisés pour la première fois en 1941. Pendant les dernières 62 années, nos vies ont été enchevêtrées", a poursuivi l'ancien chef de l'Etat et Prix Nobel de la Paix (1993). "Nous avons partagé la joie de vivre, et la souffrance".
"Ensemble nous avons partagé des idées, scellé des engagements communs. Nous avons marché côte à côte dans la vallée de la mort, soignant les blessures de l'autre, nous soutenant l'un l'autre quand nos jambes flanchaient. Ensemble nous avons savouré le goût de la liberté", a encore indiqué Nelson Mandela, qui décrivit un jour Sisulu comme l'homme "qui le connait le mieux".
Walter Sisulu et Nelson Mandela
© AFP
"Son amitié et ses avis me manqueront. Jusqu'à notre prochaine rencontre, Hamba kahle, Xhamela. Qhawe la ma Qhawe" (en xhosa: Bon voyage, Xhamela --nom de clan de Sisulu-- Héro parmi les héros). "Je sais que quand mon heure viendra, Walter sera la pour m'accueillir, et je suis presque sûr qu'il me tendra une feuille d'inscription à l'ANC dans ce monde-là", a-t-il plaisanté.
Sisulu était l'un des leaders de la Ligue des Jeunes de l'ANC dans les années 40-50, qui devaient former la future direction du parti, puis prendre les leviers de la lutte de libération avec les Mandela, Oliver Tambo, futur président de l'ANC en exil, et le théoricien Govan Mbeki, père de l'actuel président.
Aprés le décés de Tambo en 1993 à l'âge de 75 ans, de Govan Mbeki, un autre ancien détenu de Robben Island, en 2001 à 91 ans, la mort de Sisulu marque la disparition progressive --laissant Mandela "orphelin"-- d'une génération qui guida les Noirs sud-africains pendant 40 ans à travers les pires heures de l'apartheid jusqu'à la libération.
L'ANC a exprimé "son coeur lourd et son sentiment profond de perte à l'annonce de la mort de Walter Max Ulyate Sisulu, un géant de la lutte de libération et l'un des pères-fondateurs de la démocratie d'Afrique du Sud".
Le Nouveau Parti National (NNP) l'ancien Parti National afrikaner au pouvoir sous l'apartheid qui s'est aujourd'hui rapproché de l'ANC au point de former des pactes locaux de gouvernement, a salué un "formidable leader" qui a lutté toute sa vie pour un ordre politique démocratique et juste.
"On se souviendra toujours de lui comme un des grands fils de ce pays. Il était parvenu a combiner l'intellect avec une touche populaire", a déclaré Marthinus van Schalkwyk, leader du NNP à la tête duquel il succéda à Frederik de Klerk, le dernier président de l'apartheid, qui libéra Sisulu en 1989.