La remise en question
J’ai donc entrepris, de continuer à m’armer de savoir et, finalement, de remettre en question mon initiale remise en question, sur mon initiale condition d’Africain. Ayant de plus, toujours pensé que le doute avait plus de valeur que les certitudes, pensant que « les convictions étaient des ennemies de la vérité », ne voulant que très rarement suivre le troupeau, même parmi le troupeau des non aliénés, ma propension à m’interroger sur moi même, avait donc repris le dessus sur tous les beaux et nouveaux concepts afrocentristes que je venais d’appréhender.
Quelle fût l’implication réelle des rois nègres pendant la traite ? Pourquoi Nzinga Mbemba s'était converti au christianisme ? Pourquoi, Cheikh Anta Diop, celui qu’on peut qualifier de plus grand afrocentriste de tous les temps, avait-il une compagne Blanche ? Pourquoi donc, si nous prospérions pendant près de 15 siècles, des royaumes roulant sur l’or, avons-nous réussi une descente aux abysses aussi vertigineuse ? Aucun ouvrage ne m’apportait réellement réponse satisfaisante. Volonté personnelle et psycho masochiste de contradictions, me dira-t-on? Peut-être, mais pas uniquement.
Même si le dernier questionnement suscité, sur la régression de l’Afrique, a souvent été un argument révisionniste pour dédouaner l’Egypte ancienne de sa coloration négroïde, et que Cheikh Anta Diop y a consacré, en guise de réponse, tout le chapitre V de son « audacieux » Nations, Nègres et Culture, je dois avouer que paradoxalement, après sa démonstration, mon incompréhension se faisait plus forte encore.
En voyant qu’il était tellement clair et évident que l’Afrique eût dans son coeur, la civilisation la plus puissante de l’histoire de l’humanité, sur à peu près tous les plans, des mathématiques à la philosophie, des techniques architecturales à la médecine, je ne pouvais que m’insurger contre nous-mêmes, et me demander, à dépit, si nous n’étions pas devenus aujourd’hui, ce que nous étions hier sans le savoir et que nous serons peut-être encore demain, en le sachant : un peuple exploité, avili, et inapte à pérenniser ses acquis. Et, y avait-t-il réellement un combat ?
Notre présent n’était-il pas et notre futur ne serait-il pas, le simple fruit d’une destinée déjà écrite quelque part, d’un peuple oppressé ?
Finalement, de me demander, « sous-jacemment », si, l’afrocentricité, n’était pas simplement une nouvelle forme de paranoïa racialiste, un énième système d’autodéfense d’une communauté humiliée et meurtrie, une sorte de « black attitude » consistant à nous enfermer dans un repli identitaire prétendument inutile à l'aune de la mondialisation ? Etait-ce réellement la solution ? Etait-ce cette résurrection ? Etait-ce vraiment ce processus d’éveil du Négro Africain dans toute sa splendeur et dans toute sa grandiloquence ?
Etait-ce ce réveil définitif qui changerait cet état victimaire auquel on semble être prédestiné depuis cinq siècles ? L'application qu'on en faisait, n'en atténuait-elle pas l'efficacité ? Ne fallait-il pas, peut-être, la réinventer ? Pouvait-on réellement prétendre être totalement afrocentriste, dans le monde d’aujourd’hui ?
L’espérance
Même si je pense sincèrement, qu'actuellement, je ne suis pas afrocentriste, qu'il est très difficile de l'être réellement au sens de Molefi Kete Asante, je suis quand même arrivé à me convaincre que, l’histoire de l’Humanité n’était qu’un passage alterné du relais de la puissance civilisationnelle : l'Afrique a été le précurseur avec la civilisation Egypto-nubienne, elle a passé le relais, et elle ne saurait tarder à le récupérer, après le passage des civilisations Chinoise et Hindouïste, qui, à n'en pas douter, constituent la relève imminente, sur le plan international.
Et quelque soient les réponses à mes questions suscitées, je continuerai de penser que, l’afrocentricité, est cette voie que nous cherchons tous. Je continuerai d'y aspirer. Je continuerai d'y croire et de m'en convaincre. Car, si nous, afro descendants, ne vivons pas chaque jour dans la perspective de voir émerger demain, une Afrique debout, forte et combative, personne ne le fera jamais pour nous.
On se doit de se frayer notre propre chemin, on se doit d'écrire notre propre destin. Pour nous, et pour la mémoire de nos anciens. La fatalité Noire, n'est qu'une vue de l'esprit.
Note de l'auteur aux puristes : Pour des besoins propres de commodité linguistique, j'ai délibérément utilisé le mot « afrocentriste », en lieu et place d' « afrocentrique », qui lui, exprime réellement le fait de suivre les précèptes de l'afrocentricité, à ne pas confondre avec l'afrocentrisme.