Wood, Ellen (2003). « Surplus Imperialism, War withoud End », in Empire of Capital, London, Verso : 143-168.Résumé de Laurie Duguay
Le texte d’Ellen Wood nous amène à réfléchir sur les dépenses faramineuses des États-Unis dans le domaine militaire pendant que les besoins nationaux sont criants. Pourquoi le gouvernement américain accorde-t-il autant d’importance à leurs forces armées. Simple comparaison, l’auteur avance que les États-Unis dépensent autant, sinon plus, que les 8 plus grandes puissances militaires après eux. En chiffre, les dépenses de Washington dans ce domaine équivalent à 40% des dépenses militaires mondiales.
Tout au long du chapitre 7 de son livre « l’empire du capital », Ellen Wood examine le rôle des forces armées et du système multiétatique dans l’évolution de l’empire du capital. Elle affirme que les États-Unis empruntent une nouvelle doctrine militaire qui débouche sur une déclaration de guerre infinie, perpétuelle, car le néo-impérialisme, selon elle, nécessite des actions militaires sans fins, que ce soit au niveau des buts recherchés qu’au niveau temporel. Le nombre d’ennemis est illimité. L’on voit donc apparaître le concept qu’est le néo-impérialisme qui signe la fin de l’impérialisme d’autrefois.
Ce qui distingue le néo-impérialisme de l’impérialisme est son unique mode de domination économique dans un système multiétatique. La concentration des forces militaires ne peut pas être expliquée par les menaces non-étatiques. Par contre, on peut arriver à le justifier en prenant l’argument du « surplus impérialiste » de l’auteur, c’est-à-dire une accumulation militaire démesurée étroitement lié à un désir de domination économique global. Cette guerre répond aux besoins des capitalistes et amène un certain capitalisme universel où l’on veut anéantir les États voyous puisqu’ils deviennent une entrave à la fondation de ce capitalisme mondial. Pendant que les forces armées servaient, autrefois, lors des rivalités territoriales et militaires pour une expansion de l’empire, aujourd’hui, elles servent plutôt à maintenir une domination économique et est un excellent outil pour maintenir une balance critique. En fait, c’est ce qui expliquerait les dépenses faramineuses de Washington accordées à son armée, car pour assurer un unique mode de domination économique global, le rôle du militaire est primordial. Auparavant, les États-Unis assuraient une domination économique, aujourd’hui, c’est plutôt une ère de compétition économique mais de suprématie militaire qui assure la place de Washington dans le monde. L’empire capitaliste américain fait donc toujours planer au-dessus de la tête des autres États une menace de guerre.
Donc, l’impérialisme n’est plus basé sur une relation entre colonies et empire, mais plutôt où tous les États du système international subissent les conséquences de cette intrusion dans le concept de souveraineté étatique.
La guerre dans le contexte de l’impérialisme se devait de respecter certains attributs pour être une guerre « juste ». L’auteur en nomme 4 principaux. À priori, elle doit avoir une cause juste. En deuxième lieu, être déclarée par une autorité reconnue après que tous les autres moyens aient été épuisés. Troisièmement, les chances que les buts soient atteints doivent être élevées. Et, finalement, les moyens utilisés pendant la guerre doivent être proportionnels à l’atteinte du but.
La rupture entre l’impérialisme et le néo-impérialisme se situe dans les 2 derniers points, c’est-à-dire au niveau des possibilités d’atteindre les buts recherchés et l’utilisation de la force appropriée pour assurer la réussite.
La guerre au terrorisme est l’exemple amené par Ellen Wood. La lutte au terrorisme a rendu caduc un principe de la guerre. Dorénavant, une action militaire n’est plus obligée d’être justifiée par l’atteinte d’un but précis. En effet, quel indicateur pourrait nous prouver que le terrorisme est éradiqué? Ce fondement détruit le dernier principe de la guerre traditionnelle : l’emploi de la force justifiée. On ne peut plus calculer les moyens justifiables et proportionnels au but si ce dernier n’est plus.
C’est à partir de ce raisonnement que l’auteur arrive à sa conclusion d’une guerre sans fin puisqu’elle est sans but spécifique. N’ayant pas de but avéré, elle ne peut pas avoir de fin puisqu’aucun indicateur ne pourrait indiquer que la guerre est terminée, que la victoire est déclarée.
De plus, selon Ellen Wood, la lutte au terrorisme a l’effet contraire que celui escompté à voix haute par les États-Unis et ses alliés. Elle encourage les attaques plus qu’elle ne les préviennent.
Ellen Wood aborde un autre point du concept d’impérialisme. Dans le contexte contemporain, il est beaucoup plus difficile de maintenir une hégémonie. Les États-Unis ont 3 menaces principales à surveiller. D’abord, la stabilité est menacée par l’absence d’un État puissant efficace (voir ce point dans le texte). En deuxième lieu, les États « voyous », ainsi nommés par Washington constituent un danger en étant des marginaux et n’assurant pas la pérennité capitaliste. Finalement, et paradoxalement, les États qui fonctionnent trop bien dans ce système peuvent donc contester l’hégémonie américaine. L’auteur nomme la Chine, la Russie et l’Union européenne dans ce lot.
L’argumentaire d’Ellen Wood est basé sur une logique de système d’accumulation, de maximisation du profit et de compétition. La force militaire connaît une croissance démesurée et une fabrique sociale s’est mise en branle pour assurer le bien-fondé de cette force armée exagérée. On crée la menace terroriste pour s’assurer que « l’empire du capital » n’est pas menacé. La guerre en Afghanistan après les attentats du 11 septembre nous démontre bien à quel point la puissance économique est supportée par les forces militaires pour créer un environnement propice à « l’empire du capital. Encore aujourd’hui, la hiérarchie des Talibans n’est pas détruite. Ben Laden n’a pas été capturé et d’autres ennemis contre la liberté sont apparus.
L’on observe la même dynamique en Irak. Après 2 semaines, Saddam Hussein n’était plus au pouvoir, mais sa cohorte continue de lutter et les soldats américains en paient le prix chaque jour. Les armes de destruction massives sont encore introuvables. La guerre au terrorisme est encore plus d’actualité que jamais aujourd’hui. Les « États voyous » font encore partie de la rhétorique américaine. La question est maintenant de savoir « qui est le suivant »?