Par Laurie Duguay
i. Les théories de la firme multinationale partent du constat que les marchés sont
imparfaits. Expliquez et présentez la théorie de l’ internalisation dans le cas de
la FMN.
ii. En quoi l’approche théorique de Dunning permet-elle de cerner la multiplicité
des stratégies des firmes ?Aujourd’hui, plus que jamais, nous observons une multiplication des firmes multinationales (FMN) dans le monde. Leur développement a amené certaines personnes à s’intéresser au développement de ces FMN et à analyser leur essor ainsi que leurs activités, leur insertion ainsi que leurs impacts dans le mécanisme de globalisation économique et aussi dans leur formation de réseaux transnationaux. Les théories qui abordent seulement un aspect des FMN sont nombreuses. Par contre, très peu de théories ont été élaborées pour expliquer « la globalité du comportement des firmes ». Dunning tentera le défi. En premier lieu, les théories des FMN basent leur analyse sur l’hypothèse que les marchés sont imparfaits. Nous tenterons donc, dans un premier temps de présenter la théorie de l’internalisation dans le cadre des firmes multinationales. Et, dans un deuxième temps, nous aborderons l’approche théorique de Dunning tentant de cerner la multiplicité des stratégies des firmes.
À priori, définissons ce qu’est une firme multinationale ainsi que ses principaux attributs. Une firme multinationale est « une firme possédant ou contrôlant des entreprises implantées dans plusieurs pays et en mesure d'élaborer une stratégie qui s'appuie sur les différences socio-économiques de ces pays ». Les activités des FMN impliquent obligatoirement de l’investissement direct à l’étranger (IDE). Les IDE « sont le moyen de l’internationalisation des firmes. Ils consistent en des achats de titres d'entreprises par des agents non-résidents afin d'obtenir un intérêt durable et la capacité d'exercer une influence dans la gestion ».
Le postulat sur lequel se basent les théories des firmes multinationales est celui de l’imperfection des marchés. « It is partly to avoid or circumvent such market imperfections, and partly to recoup the gains of unified governance of interrelated activities, that single activity firms choose to internalize intermediate product markets and, in so doing, become diversified firms. » Kindleberger et Hymer ont utilisé cet argument pour expliquer le niveau d’investissement qui dépend des obstacles qu’ont les firmes à entrer sur le marché. Ils en viennent à développer des stratégies pour éviter ces imperfections. Dans les années 70 et 80, Coase et Williamson amènent leur contribution à cette même théorie. Ils abordent l’imperfection des marchés en analysant les coûts qu’occasionnent les marchés. Ainsi, les firmes créent « leur propre marché interne entre la maison mère, ses filiales et ses partenaires. »
Selon Dunning, il existe deux (2) types d’imperfections : les imperfections naturelles et structurelles. Les imperfections naturelles dépendent de la loi de l’offre et la demande sur un marché. Parmi ces imperfections naturelles, nous retrouvons les coûts de transaction qui forment tous les coûts des opérations faites sur le marché ainsi que la connaissance du marché qui engendre, lui aussi, des dépenses puisque l’agent (acheteur ou vendeur) doit acquérir des informations difficiles à obtenir. Ce trou noir crée une peur chez les différents acteurs du marché. L’augmentation de la compétition sur un marché engendre aussi un constant défi pour les FMN qui doivent toujours être bien informés pour profiter des meilleurs plans sur un marché. La protection du savoir est un autre obstacle que doit faire face la FMN. Le deuxième type d’imperfection sont les imperfections structurelles qui dépendent des actions des participants, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur des marché, qui influencent les conditions de l’offre et la demande. Parmi celles-ci, il y a la présence de monopoles et d’oligopoles que certaines entreprises occupent sur un marché. Elles détiennent un large pouvoir en pouvant jouer sur les prix, éliminent la concurrence et peuvent même aller jusqu’à influencer le comportement des États. Aussi, les règlementations des États, comme les tarifs, l’imposition de quotas, etc., constituent souvent des obstacles pour les entreprises.
Par son paradigme éclectique ou, plus communément appelé le paradigme OLI (O : « ownership », L : « Location », I : « Internalization advantage »), Dunning a tenté de cerner la multiplicité des stratégies des firmes. Trois (3) théories ressortent de son approche théorique et c’est par celles-ci que, selon Dunning, existent les firmes multinationales.
D’abord, les firmes vont aller s’installer à l’étranger parce qu’elles ont un avantage spécifique à le faire qui leur rapporteront des profits à long terme. Bien que l’installation à l’étranger engage souvent des coûts importants, les avantages sont souvent rentables à long terme. Ces avantages sont souvent liés, en premier lieu, « aux savoirs spécialisés, aux innovations et au niveau de développement technologique, deuxièmement, ils peuvent être reliés aux économies de taille, économie d’échelle ou de gamme, ou à la recherche de nouveau capital permettant d’abaisser le coût unitaire de la production. Troisièmement, les avantages peuvent être de type monopolistique. »
En deuxième lieu, les firmes analyseront le lieu le plus avantageux pour aller s’y installer. La firme ira s’installer « là où les avantages d’un pays maximisent les avantages spécifiques de la firme.» Dunning aborde les stades que les pays doivent franchir pour être attrayants et donc compétitifs et les catégorisent en le paradigme ESP (« Environment, Systems, Policies ») . L’environnement englobe la « qualité et la quantité des facteurs de production disponibles ». Le « systems » fait référence aux aspects culturels et sociaux et le « policies » représentent les politiques gouvernementales du pays.
Un deuxième cadre théorique développé par Dunning est les stades de développement des nations pour les investissements : c’est la théorie d’ « IDP » (Investment Developement Path). Les étapes débutent avec une période de pré-industrialisation. Ensuite, un changement dans le paradigme OLI s’effectue où le pays étant mieux adapté au terrain des firmes, celles-ci peuvent ainsi mieux se développées. Dans un troisième temps, le pays devient ensuite apte à générer ses propres avantages et, par conséquent, les avantages spécifiques de ses firmes nationales. Le stade suivant est atteint lorsque le pays devient un investisseur à l’étranger. Et, finalement, la dernière étape est lorsque l’ampleur des avantages comparatifs est moindre et c’est plutôt les stratégies de concurrence et les alliances possibles qui prennent en importance.
Finalement, les firmes voient des avantages à s’internaliser pour créer son marché avec mode d’organisation la plus efficace. Cette internalisation peut se faire de différentes façons.
Donc, Dunning, avec son paradigme OLI ou encore le paradigme éclectique, où il sépare la complexe évolution des firmes multinationales, tente de cerner la multiplicité des stratégies des firmes. Cette tâche en est une ardue puisque les stratégies des firmes multinationales sont transformations permanentes. Eric Jasmin termine son analyse en posant plusieurs faiblesses au paradigme OLI de Dunning : quelle est l’influence d’une firme-mère résidant dans un autre pays, quelle est l’importance des facteurs subjectifs quand aux décisions des dirigeants influents sur place, quelle place occupe l’État, etc. Toutes des questions auxquelles nous devrons répondre pour bien arriver à comprendre les firmes multinationales et leur environnement.
Par Laurie Duguay