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 EXODE DES COMPÉTENCES SANS CONTREPARTIE

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mihou
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mihou


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02062005
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EXODE DES COMPÉTENCES SANS CONTREPARTIE

Quand le Nord débauche les médecins du Sud



DANS tous les pays du monde, le recrutement et la formation des personnels médicaux se font par vagues, pas toujours bien synchronisées. Plus ou moins durables, ces déséquilibres engendrent un chômage important dans certains pays, tandis qu’ailleurs les autorités sanitaires ont recours à des médecins étrangers, qu’elles vont chercher de plus en plus loin. Or cette mondialisation des professions de santé se traduit par un transfert net, vers le Nord, de praticiens du Sud - pour un coût annuel évalué à 500 millions de dollars - et renforce encore l’apartheid sanitaire.



Par DOMINIQUE FROMMEL
Médecin, ancien enseignant aux universités du Minnesota, de Paris-V, d’Addis Abeba et de Calcutta.




Réalisant que le bon fonctionnement du système de soins nécessitera de 8 000 à 10 000 praticiens supplémentaires d’ici à 2004, le gouvernement britannique lançait en décembre 2001 une campagne de recrutement de médecins étrangers. Quelques mois auparavant, l’Afrique du Sud, qui avait elle-même engagé 350 médecins cubains (1) pour compenser l’exode de diplômés nationaux, demandait au Canada de ne plus puiser dans le vivier sud-africain pour pallier la carence de généralistes en zone rurale. En octobre 2000, l’Irlande embauchait 55 médecins anesthésistes en Inde et au Pakistan. Même la Suède, nation-phare des prestations sociales, s’est récemment mise à chasser sur des terres étrangères, en recrutant, par exemple, 30 médecins polonais. Aux Etats-Unis, 23 % de la population médicale a obtenu son diplôme à l’étranger ; au Royaume-Uni, près de 20 % des praticiens sont asiatiques.

En France, environ 8 000 médecins sont titulaires d’un diplôme étranger, 4 400 l’ayant obtenu hors d’Europe. Ils assurent une grande part des gardes en pédiatrie, obstétrique et radiologie dans les hôpitaux publics, mais leurs statuts et leurs rémunérations diffèrent de ceux de leurs confrères français.

Les pays arabes du Golfe, quant à eux, comptent un peu plus de 20 000 médecins venus en majorité du sous-continent indien. Cependant, les migrations Sud-Sud sont en général temporaires (2).

Les conséquences de ces saignées sont considérables. Ainsi, seuls 360 des 1 200 médecins formés au Zimbabwe au cours de la décennie 1990 pratiquent dans leur pays en l’an 2000 ; la moitié des médecins formés en Ethiopie, au Ghana et en Zambie ont émigré. Néanmoins, nombreux sont ceux qui n’exercent plus leur profession dans le pays d’accueil. Les statistiques disponibles, qui regroupent les immigrants volontaires et les réfugiés, parfois les nationaux nés à l’étranger, ne permettent toutefois pas de brosser un tableau fidèle de ces mouvements (3).
Pour un nouveau pacte de santé

La pénurie de personnel infirmier est plus grande encore. En 2000, plus de 8 000 infirmières et sages-femmes non originaires de l’Union européenne ont été engagées par le ministère de la santé du Royaume-Uni et ont rejoint leurs 30 000 collègues étrangères déjà employées par les hôpitaux publics et privés. A l’horizon 2010, les projections faites aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne laissent entrevoir un déficit de plusieurs dizaines de milliers de diplômés.

De tout temps, la science s’est développée grâce à la circulation des êtres humains et des idées ; la médecine ne fait pas exception. Jadis, les médecins venaient étudier dans les prestigieuses écoles d’Alexandrie, de Cordoue, de Bologne ou de Montpellier. Plus tard, ils ont voyagé sur les bateaux emmenant les explorateurs. A partir de la révolution pasteurienne, ils ont parcouru le globe du nord au sud et ont fondé la médecine tropicale.

Actuellement, les soignants travaillant dans les missions d’obédience chrétienne se font rares et les experts occidentaux, venus pour d’autres tâches, ne les ont pas remplacés, pas plus que les missions humanitaires. Depuis les indépendances, le flux migratoire des professionnels de santé s’est inversé, en raison, d’une part, de la demande des pays industrialisés et, d’autre part, du laminage des budgets de la santé imposé, au tournant des années 1980, par les bailleurs de fonds internationaux au travers des plans d’ajustement structurel.

L’émigration n’est pas simplement due à la pauvreté, à des impératifs de survie ou même à l’évolution des comportements. Elle résulte avant tout du sentiment que les pays du Nord offrent aux professionnels qualifiés un mode de vie et un déroulement de carrière à la hauteur de leur savoir. L’instabilité du paysage politique, les préventions ethniques, les insatisfactions professionnelles (pesanteur de la bureaucratie, rémunérations ajournées, mandarinat, isolement), le décalage entre ce que l’on a appris et ce que l’on peut accomplir, la vie familiale représentent souvent des facteurs plus décisifs que l’attrait d’avantages matériels (4).

En effet, les raisons pour lesquelles un praticien perd le goût d’exercer une profession de santé dans son propre pays sont complexes. L’une d’elles, souvent occultée et qui affecte aussi bien le Nord que le Sud, réside dans la crise persistante de la pensée médicale. Consciemment ou non, le médecin se situe encore à l’époque de la « médecine triomphante », curative et forcément efficace. Cette vision, qui a fréquemment déterminé son choix professionnel, devient chimère, engendre frustration et colère, lorsque les moyens matériels font défaut. Ne pas pouvoir prononcer un diagnostic en s’aidant de quelques examens de laboratoire, ne pas pouvoir administrer le médicament approprié, ne pas pouvoir satisfaire aux règles indispensables d’hygiène sont le lot d’une majorité des professionnels de santé dans les pays en voie de développement (PVD). Ceux qui peuvent envisager l’émigration sont alors confrontés à un dilemme : rester fidèle à leur pays ou à leur fonction de soignant ?

Les objectifs assignés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) aux pays du Sud - disposer, en l’an 2000, d’un médecin pour 5 000 habitants et d’un(e) infirmier(ère) diplômé(e) pour 1 000 habitants, améliorer l’accès aux soins dispensés par un personnel qualifié, notamment en zone rurale - ont volé en éclats en raison des lois du marché, de l’irréalisme des bailleurs de fonds et de l’incurie des autorités des pays concernés. Sur l’ensemble du globe, il existe 1 médecin pour 4 000 habitants, 1 pour 500 dans les pays occidentaux, 1 pour 2 500 en Inde et 1 pour 25 000 dans les vingt-cinq pays les plus pauvres. La libre circulation des médecins, infirmier(ère)s et techniciens de la santé a conduit à un véritable apartheid sanitaire dans les pays du Sud.

Face à ces disparités, les organismes internationaux chargés de définir les grandes lignes des politiques de santé et de lutter contre les inégalités sociales font preuve d’un singulier mutisme. Depuis 1979, ni l’OMS ni le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) n’ont publié d’analyses portant sur les conséquences de ces transferts de compétence sur la santé des populations ainsi désavantagées (5). Curieusement, la Banque mondiale, pourtant prolifique en études célébrant les bienfaits de l’ouverture des marchés, n’a pas présenté d’évaluation des flux financiers générés par les échanges de capital humain. Elle scotomise sans doute la résolution 2417 des Nations unies sur « l’exode des cadres et du personnel technique qualifié des pays en voie de développement », qui proscrit le « braconnage » des professionnels spécialisés (6). Il est vrai que les services de santé ne contribuent pas directement au produit national brut...

Les directives « Construire une OMS pour le XXIe siècle », adoptées à partir de 1995, se focalisent sur les moyens nécessaires à une politique de santé globale, mais font l’impasse sur la régulation de la circulation des compétences sanitaires (7). En outre, l’exode des soignants n’est pas pris en compte par l’OMS dans le calcul des indices d’années de vie en bonne santé perdues - qui associe l’incidence sur la population des décès prématurés et des incapacités. Il ne l’est pas plus par le PNUD dans l’établissement de l’indice de développement humain de chaque pays. La souffrance des populations exclues des systèmes de soins, elle, ne peut être évaluée de manière comptable. La cause principale de l’arrêt de la décroissance des mortalités maternelle et infantile est pourtant bien lisible.

Dans un contexte critique de la mondialisation, le directeur général de l’OMS a mandaté une commission « Macroéconomie et santé » destinée à proposer un plan novateur d’investissement (Cool. Dans leur rapport, les commissaires récusent l’argument habituel selon lequel la santé s’améliore immanquablement avec la croissance économique. Ils soulignent, à l’inverse, qu’une meilleure santé est déterminante pour le démarrage économique et le progrès social dans les pays à faible revenu. Leurs propositions d’un nouveau « pacte de santé » redéfinissant les relations entre pays donateurs et pays bénéficiaires restent toutefois étrangement évasives sur les besoins en personnels de santé nécessaires à la mise en oeuvre de ces approches. Or, pour répondre aux objectifs fixés, le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose devra maintenir ou constituer des encadrements médico-sociaux capables de gérer avec efficacité les actions préconisées, notamment le suivi des sujets traités par les médicaments antirétroviraux.

L’estimation des coûts de formation des professionnels est malaisée et varie significativement d’une région du monde à une autre. En outre, l’évaluation des impacts sur les systèmes de santé et sur le développement se calcule difficilement. Cependant, si l’on estime la formation d’un médecin non spécialiste dans un pays du Sud à environ 60 000 dollars et celle du personnel paramédical à 12 000 dollars par candidat, on peut estimer que les PVD « subventionnent » l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Australasie pour un montant annuel de quelque 500 millions de dollars (9). Et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui défend avec pugnacité les prérogatives des multinationales pharmaceutiques, porte manifestement des oeillères qui l’empêchent de voir l’importance des professionnels de santé comme prescripteurs et dispensateurs de biens marchands. L’OMC ferait-elle confiance aux revendeurs présents sur les marchés pour accroître la vente des médicaments (10) ?
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