François-Xavier Verschave, Ecrivain, Militant, Pourfendeur de la Françafrique N’est Plus : Puisse la terre lui être légère
30/06/2005
source:afrikara.com
François-Xavier Verschave n’est plus, que la terre lui soit légère. Malgré les sourdines médiatiques qui vont ignorer poliment le décès d’un des plus brillants esprits de la France contemporaine dans le domaine de l’analyse, la compréhension et du militantisme contre les relations maffieuses entre la France et ses anciennes colonies, François-Xavier Verschave restera comme celui qui a le plus loin tiré les enseignements et conséquences de 50 ans de relations interlopes et criminelles entre la France et l’Afrique.
Pour se faire, l’économiste et historien qu’il était avait forgé un concept qui a fait florès, la françafrique, chargée d’un contenu incontournable dans l’appréhension contemporaine des questions politiques franco-africaines. La faible médiatisation de son œuvre n’a pas empêché son énorme succès et La Françafrique [Stock, 1998] ou Noir Silence [Les Arènes, 2001] sont devenus très rapidement des classiques indispensables à un regard nouveau quoique interdit sur les crimes absous d’une république aux devants respectables.
Suivant le communiqué de l’association Survie fondée par François-Xavier Verschave, le pourfendeur de la Françafrique est décédé le vendredi 29 juin 2005 « emporté par un cancer que la meilleure des médecines n'a pu enrayer ».
«La famille de François-Xavier vous fait savoir qu'une célébration aura lieu à l'église Sainte Thérèse de Villeurbanne, rue du 4 août à Villeurbanne, le samedi 2 juillet à 9 heures 30, avant l'inhumation de son corps au cimetière de Cusset à 11 heures. Une première veillée de partage et de mémoire aura lieu au Relais Jeunes Chapennes, 2 impasse Metral à Villeurbanne (métro République), le même jour à 18 heures. Un second temps de partage et de mémoire sera organisé à Paris à la rentrée.»
Nous espérons que cette figure infatigable de la lutte contre les génocides, la criminalisation des relations avec l’Afrique, pour les Biens publics internationaux, sera accompagnée dans sa dernière demeure avec dignité, honneur et respect.
Afrikara a à plusieurs reprises cité les travaux de Verschave, et notamment fait écho de la sortie toute récente de «Négrophobie», écrit en collaboration avec Odile Tobner et Boubacar Boris DIOP, [2005, Les Arènes]. Notre rédaction rend donc un hommage appuyé à celui qui est parti pour un autre voyage.
L’occasion de noter que les idées, thèses et initiatives de Verschave prenaient progressivement dans les mentalités, et trouvaient certes marginalement, mais quand même un début d’audience médiatique. Ce qui est justement surprenant c’est que le succès des livres de l’auteur, des campagnes du militant, et de ses amis n’aient à peu près rien changé dans le traitement politique et médiatique de l’Afrique. La Côte d’Ivoire ou le Togo en sont l’illustration scolaire.
Plus encore, il est fort probable que les missionnés de la françafrique aient accéléré leur agenda pour contrer frontalement les thèses de Survie, ce qui expliquerait que la médiocrité indicible d’un Stephen Smith soit en permanence surmédiatisée, cautionnée par des prix bibelots qui malheureusement en éconduisent tellement. Ceci démontre une fonction de réaction très explicite des défenseurs de la françafrique, leurs moyens et méthodes, jamais bien loin de l’action psychologique, du lavage de cerveau par l’effet du battage des médias officiels bien tenus.
Un Pétré-Grenouilleau récompensé par le Sénat qui n’est pas une institution sur la recherche historique, un Stephen Smith récompensé du prix du meilleur essai par France Télévision, en attendant le prix Nobel de l’intelligence délivré par l’émission La Ferme des célébrités… ? Les mêmes ressorts, les mêmes logiques, les mêmes interlopes, les mêmes régressions culturelles et intellectuelles que la promotion des plus médiocres esprits, suffisamment médiocres pour recourir au commerce d’une notoriété assise sur la dissimulation des viols, vols, crimes historiques et néo-coloniaux. Verschave par ses écrits, leur réception, leur traitement politique, médiatique, universitaire, ouvre les yeux, initie aux abâtardissements auxquels conduisent dans une république si respectable soit-elle, l’existence pérenne de réduits mafieux, criminels, prédateurs financés sur fonds publics, ayant de surcroît pignon sur rue.
Quelques éléments de biographie et de bibliographie permettront de dire au revoir au partant en saluant une œuvre colossale, sans tapage ni recherche apparente de profits personnels. Acheter un de ses livres serait aussi une façon utile de continuer à faire ses idées et les espoirs partagés de millions d’âmes.
François-Xavier Verschave, né à Lille le 28 octobre 1945 est décédé à Villeurbanne le 29 juin 2005.
Economiste de formation, il était depuis 1983 le responsable des questions d’économie, d’emploi et d’innovation sociale à la Mairie de Saint-Fons, une commune de la banlieue lyonnaise. Il était marié et père de trois enfants.
François-Xavier Verschave était membre fondateur de l’association Survie, qu’il présidait depuis 1995. Cette association de citoyens qui milite publiquement depuis 20 ans pour que :
- l'argent de l'aide publique au développement serve réellement à lutter contre la pauvreté,
- soit mis un terme aux dérives souterraines et déshonorantes de la politique franco-africaine,
- soient mis en place des mécanismes de prévention et de répression des crimes contre l’humanité et de génocide.
Elle compte 1700 adhérents et une vingtaine de groupes locaux en France.
Il était également directeur de publication de la lettre mensuelle de l’association : Billets d'Afrique et d'ailleurs…
Spécialiste des relations franco-africaines, François-Xavier Verschave a notamment forgé et décrit le concept de « Françafrique », ce volet occulte de la politique de la France en Afrique. Ses deux principaux ouvrages sur la question, La Françafrique (Stock, 1999) et Noir silence (Les Arènes, 2000), sont devenus des références. Ce dernier lui a valu un procès pour offense à chefs d’Etat étrangers qui a finalement légitimé son travail puisque François-Xavier Verschave a été déclaré non coupable, compte tenu du «sérieux des investigations effectuées».
Il a également fourni un important travail de recherche sur le concept de Biens Publics à l’Echelle Mondiale et les théories économiques de Fernand Braudel.
François-Xavier Verschave était l’auteur ou le co-auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont :
Nord-Sud : de l’aide au contrat. Pour un développement équitable, 1991, Syros, 1991.
L’aide publique au développement, avec Anne-Sophie Boisgallais, 1994, Syros.
Libres leçons de Braudel. Passerelles pour une société non excluante, 1994, Syros.
Complicité de génocide ? La politique de la France au Rwanda, 1994, La Découverte.
La Françafrique : Le plus long scandale de la République, 1999, Stock.
Noir silence, 2000, Les Arènes.
Noir procès : offense à chefs d'Etat, 2001, Les Arènes.
Noir Chirac, 2002, Les Arènes.
De la Françafrique à la Mafiafrique, 2004, Tribord.
Au mépris des peuples : Le néocolonialisme franco-africain, entretien avec Philippe Hauser, 2004, La Fabrique.
L’envers des la dette. Criminalité politique et économique au Congo-Brazza et en Angola, Dossier noir de la politique africaine de la France n° 16, 2001, Agone.
Les Pillards de la forêt. Exploitations criminelles en Afrique, Dossier noir de la politique africaine de la France n° 17, avec Arnaud Labrousse, 2002, Agone.
La santé mondiale entre racket et bien public, collectif, 2004, éditions Charles Léopold Meyer.
L'horreur qui nous prend au visage : L'Etat français et le génocide, Rapport de la Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, avec Laure Coret, 2005, Karthala.
Négrophobie, avec Odile BIYIDI et Boubacar Boris DIOP, 2005, Les Arènes.
Il coordonnait également la rédaction des Dossiers Noirs de la politique africaine de la France, publiés par Survie et Agir ici, aux éditions L’Harmattan puis Agone.