En Israël, de vives critiques se font jour contre le cabinet d'Ehoud Olmert (Le Monde 15-8-06)
En Israël, de vives critiques se font jour contre le cabinet d'Ehoud
Olmert
L'heure des comptes a sonné en Israël. Après un mois d'une guerre qui,
sans s'être soldée par une défaite, peut difficilement être tenue pour une
victoire, la pression monte pour établir les responsabilités d'une médiocre
performance de Tsahal face au Hezbollah.
" La proclamation du cessez-le-feu, écrit Nahum Barnea dans le quotidien
Yedioth Aharonoth daté dimanche 13 août, va permettre à la guerre entre juifs de
commencer officiellement (...) : le gouvernement contre l'état-major, Ehoud
Olmert premier ministre contre Amir Péretz ministre de la défense et vice-versa,
Olmert contre Tzipi Livni ministre des affaires étrangères et vice-versa,
général contre général, député contre ministre, l'actuel gouvernement contre son
prédécesseur. Tout le monde est convaincu d'avoir été trahi. "
Dans la tourmente qui s'annonce, le premier ministre Ehoud Olmert,
dépourvu de passé militaire contrairement à ses prédécesseurs Ariel Sharon,
Ehoud Barak et Itzhak Rabin, sera le plus exposé. Son intervention devant la
Knesset (Parlement), lundi, devrait donner un avant-goût de la controverse qui
mûrit.
Déjà, des voix s'élèvent pour exiger sa démission. " Vous ne pouvez pas
mener à la guerre une entière nation en lui promettant la victoire, subir une
humiliante défaite et rester au pouvoir ", écrivait vendredi Ariv Sharit, un des
éditorialistes de Haaretz.
Cette guerre avait débuté dans un climat d'union sacrée. De la droite à la
gauche de l'échiquier, toutes les formations politiques avaient soutenu la
décision de croiser le fer avec le Hezbollah, fût-ce au prix de bombardements
très en profondeur au Liban.
DÉSILLUSIONS
L'écrasante majorité de l'opinion israélienne tenait cette guerre pour "
une guerre juste ", Israël devant impérativement riposter à " une agression " du
Hezbollah, formation " terroriste armée par l'Iran ". Cette guerre était même
présentée comme " existentielle ", puisque tout aveu de faiblesse de la part
d'Israël ne pouvait qu'encourager ses ennemis qui, tel l'Iran, se promettent de
le " rayer de la carte ".
Mais, au vu de l'enlisement de Tsahal, de l'ampleur de ses pertes, des
tergiversations du cabinet et, au final, d'une résolution des Nations unies
laissant bien des interrogations sur la réalité du futur désarmement du
Hezbollah, le consensus national s'est érodé. Dans un sondage publié vendredi
par Haaretz, seulement 39 % des personnes interrogées soutenaient l'extension de
l'offensive terrestre jusqu'au fleuve Litani ; 28 % proposaient un cessez-le-feu
immédiat dans le cadre d'un compromis diplomatique. Tout se passe donc comme si
l'opinion israélienne allait à nouveau se polariser entre droite et gauche, avec
au milieu l'équipe d'Ehoud Olmert essuyant tous les coups.
Depuis une semaine se perçoit en Israël une amertume qui n'est pas sans
évoquer les désillusions ayant suivi la guerre du Kippour de 1973. Les appels à
constituer une commission d'enquête sur la conduite de la guerre ne sont pas un
bon signe pour les dirigeants en place - civils comme militaires -, les
précédents du genre s'étant toujours soldés par des sanctions exemplaires.
Le sacrifié sera-t-il Dan Haloutz, chef d'état-major de l'armée, très
critiqué pour avoir privilégié au début des hostilités des raids aériens qui se
sont révélés inefficaces ? Si Ehoud Olmert devait finalement sortir sans trop de
dommages du procès à venir, un nouveau défi l'attend : la question palestinienne
et, en particulier, la perspective d'un nouveau retrait unilatéral de la
Cisjordanie, après celui de Gaza. Un tel plan sera désormais plus difficile à
faire accepter à l'opinion.
Frédéric Bobin