ÉDITORIAL
Punition collective
Officiellement, l'opération " Pluie d'été " de l'armée israélienne a deux
objectifs : la libération du caporal Gilad Shalit, capturé lors de l'attaque
d'un poste de contrôle devant la bande de Gaza et devenu otage de groupes armés
palestiniens ; la fin des tirs de mortier depuis Gaza contre des villes
israéliennes limitrophes.
Pour y parvenir, l'armée a mis en oeuvre des moyens inégalés depuis les
attaques aériennes sur Gaza en 2003-2004 : bombardement de centrales
électriques, de réseaux d'adduction d'eau, de bâtiments publics, de routes, de
champs et de vergers, tentatives d'assassinat de dirigeants du Mouvement
islamique Hamas, capture d'une soixantaine de ministres et d'élus de ce parti,
qui dirige l'Autorité palestinienne depuis janvier.
Sur les quarante morts palestiniens des derniers jours, selon l'ONG
israélienne Betselem, les deux tiers étaient des civils, dont plusieurs enfants.
Les observateurs relèvent que l'armée pratique aussi, notamment, le passage
nocturne à très basse altitude de chasseurs-bombardiers au-dessus des
agglomérations. Le bruit du franchissement du mur du son détruit les vitres des
maisons et terrorise les habitants. Diverses associations israéliennes de
défense des droits de l'homme ont demandé à la Cour suprême d'agir pour que
l'armée mette fin à des actes qui apparaissent, selon leurs termes, comme une "
punition collective " d'un million et demi d'êtres humains, et pas seulement
comme une " opération antiterroriste ".
Les ordres de l'état-major, avalisés par le gouvernement, posent deux
types de problème. Le premier est moral et juridique. Israël enfreint le droit
international sur l'occupation de territoires et le droit de la guerre, qui
proscrivent les punitions collectives de populations. Le bombardement soutenu de
bâtiments civils ne peut pas être une réponse à des tirs de mortiers artisanaux.
L'indignation d'Israël devant la prise en otage d'un soldat est très légitime,
mais elle le serait encore plus si l'Etat juif ne détenait pas un millier de
Palestiniens capturés chez eux et emprisonnés, certains depuis des années, sans
acte d'accusation ni jugement.
L'action en cours est-elle " efficace " ? C'est la seconde question. Un
dicton israélien dit : " Ce qui ne marche pas par la force marchera avec plus de
force encore. " Le quotidien de référence Haaretz rétorquait, jeudi 6 juillet :
" La puissance d'Israël tout comme sa capacité de dissuasion n'ont jamais été
endommagés par la sous-utilisation de la force, mais par son suremploi. La
détermination et la résistance palestinienne croissent toujours lorsque leur
situation empire. "
Croire, comme cela semble être le cas des dirigeants israéliens, qu'une
fois brisée, la population palestinienne se détournera du Hamas, et que ce
dernier pourra dès lors être lui-même éradiqué, est un leurre politique
dévastateur, en premier lieu pour Israël.