Le prix du plat de lentilles augmente
L’Inde n’en finit pas de perturber les marchés agricoles en essayant de juguler l’inflation des produits de base. Outre le
sucre qui a vu son cours londonien bondir suite à la suspension des exportations décidée par New Delhi pour protéger son
marché domestique, la lentille a également pâti des coups de barre de l’éléphant de l’Asie. L’Inde est le premier producteur
mondial de ce légume sec très répandu dans l'alimentation des Orientaux. La suspension de ses exportations jusqu’au
printemps prochain ne pouvait pas passer inaperçue sur un marché déjà tendu. Le Bangladesh a été le premier pays touché par
cette politique anti-inflationniste puisque cela a provoqué la hausse des lentilles sur son marché intérieur. Une réaction
prévisible: 75% des 200 000 tonnes importées chaque année par Dacca proviennent du voisin indien.
Toujours à proximité du sous-continent indien, un autre acteur non négligeable du commerce des protéagineux, le Pakistan, a
également contribué au climat haussier en imposant une taxe sur ses exportations. Mais les fondamentaux déterminants pour
ce marché sont ailleurs : en Chine et au Canada, les deux grands pays exportateurs. En ce qui concerne la Chine, qui cultive
des lentilles surtout pour l’exportation, la sécheresse de l’année dernière a lourdement grevé la production 2005. La semaine
dernière la lentille chinoise destinée à l’Italie partait à 400 dollars la tonne, coût et fret inclus, témoigne John Tourtellotte,
un négociant (société Peters Commodities) basé à Genève. Pour la première fois, fait-il remarquer, le légume en provenance
de Chine est plus cher qu’en provenance du Canada. Pour 2006, tout le monde attend maintenant la récolte prévue au mois
d’août au Canada pour se faire idée plus précise de la direction que prendra le marché. De grosses incertitudes pèsent sur la
lentille verte car les agriculteurs canadiens en ont planté deux fois moins qu’en 2005, pour le moment impossible d’avoir une
offre du Canada sur cette variété, le risque de prix étant beaucoup trop élevé. Sur ce marché très réactif, où la moindre
variation de prix modifie les intentions de semis, les cours sont restés bas pendant des années et aujourd’hui John
Tourtellotte se réjouit de voir que même la lentille profite de l’euphorie des marchés de matières premières. Il estime que
cette dynamique est certes liée aux aléas climatiques mais aussi à la concurrence des cultures d’exportation qui dessert le
protéagineux dans les pays émergents.
En délaissant la lentille pour d’autres cultures plus rentables, les agriculteurs du Sud ont de fait contribué à faire grimper
les cours en réduisant l’offre disponible. Si l’offre, canadienne et chinoise, n'est pas à la hauteur de la demande, l’automne
sera très chaud car, comme le ramadan commence plus tôt cette année, les pays consommateurs vont passer aux achats dès
septembre.
par Dominique Baillard
[17/07/2006]
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_45093.asp