Un ouvrage important :
Frédéric REGENT : "Esclavage, Metissage, Liberté" aux éditions Grasset ;
La Révolution française en Guadeloupe (1789-1802)
Angélique : " j’ai fait un malheur ! "
" Quel malheur ? " répond Marc,
Angélique : " j’ai fait un nègre et j’en ai honte. Le monde dira que j’ai affaire avec un Blanc et j’ai fait un nègre "
Angélique engage Marc à aller enterrer le nouveau-né.
Marc lui dit : " cet enfant n’est pas mort ! "
Nous sommes en 1797, à Marie-Galante, peu de temps après la proclamation de la première abolition de l’esclavage (4 février
1794). La citoyenne noire Angélique est la concubine du citoyen blanc Garnier, mais elle a eu une aventure avec un Noir. Elle
accouche d’un enfant noir et non mulâtre comme on l’attend d’une femme qui vit avec un Blanc. Craignant, les reproches de
Garnier, Angélique a demandé à Marc d’assassiner son enfant. Marc exécute le crime dans des conditions atroces en
l’enterrant vivant. Angélique ne veut pas que le citoyen blanc qui l’entretient découvre ses turpitudes avec un Noir. Le fait
d’être concubine d’un Blanc lui assure une promotion sociale et un meilleur confort matériel. En effet, malgré l’abolition de
l’esclavage le métissage reste un atout, comme avant la Révolution, quand il permettait à beaucoup d’enfants d’esclaves
d’accéder à la liberté.
Cette affaire illustre la complexité des rapports entre Noirs et Blancs dans la Guadeloupe de la fin du XVIIIe siècle. Ce
livre, fondé sur des sources inexploitées, ouvre une perspective inédite sur le mécanisme de l’esclavage et le fonctionnement
de la société coloniale. Il met en lumière, pour la première fois, la catégorie des libres de couleur, ces descendants
d’esclaves, eux-mêmes propriétaires d’esclaves qui jouent un rôle clé dans la société esclavagiste comme pendant la
Révolution. C’est donc une société complexe qui est touchée par la vague révolutionnaire venue de France. L’esclavage,
d’abord aboli en 1794, est rétabli en 1802. Fait unique dans l’histoire, cet ouvrage raconte cet incroyable aller-retour. Il
bouleverse la problématique de la Révolution et des révoltes dans les colonies françaises des Amériques.
Frédéric Régent enseigne l’histoire à l’université des Antilles et de la Guyane. Il est l’auteur d’une thèse intitulée " Entre
esclavage et liberté : esclaves, libres et citoyens de couleur en Guadeloupe, une population en Révolution (1789-1802) ",
soutenue à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, dont est tiré cet ouvrage.
http://www.collectifdom.com/article.php3?id_article=361