Côte d’Ivoire : pourquoi la guerre perdure. Explications d’un économisteUne analyse de Mamadou Koulibaly
(Article CENSURÉ SUR blogs.nouvelobs.com)Fraternité Matin , «Mali, Burkina, Niger - comment la guerre a boosté leur croissance» - 20/7/2006 8:58:49 PM — http://news.abidjan.net/h/202781.html :
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La solution chiraquienne est notre perteCe sont ces structures qui définissent le nouveau leadership dans l’UEMOA. L’économie de pillage, l’économie de prébende, l’économie de contrebande sont devenues les axes majeurs de comportement des individus et des Etats. Le marché ouvert, le libre contrat, le libre commerce sont traqués et liquidés au nom d’une certaine philosophie de la coopération et du bon voisinage dans l’Union. Les grandes lignes de cette philosophie ont été présentées par J. Chirac, le lider maximo installé au Palais de l’Elysée, lors du sommet France-Afrique de Bamako en fin d’année 2005. A ce propos écoutons Hervé Duray ( en décembre 2005) commentant les trois idées fortes du sommet telles qu’imposées par Chirac. Néo- colonialisme dit il.
“ Premièrement un brain-drain : pour remplacer les cerveaux français qui partent à l’étranger, on importera ceux d’Afrique. La France facilitera la délivrance de visas de longue durée à entrées multiples pour les entrepreneurs, cadres, chercheurs, professeurs et artistes africains, a annoncé samedi à Bamako le Président Français.
Deuxièmement le commerce libre ? Non, pas de ça chez nous ! On sait très bien qu’échanger c’est s’appauvrir !
“ Nous avons tous mis en garde contre certaines évolutions trop libérales qui risquent de nous conduire à une satisfaction donnée aux pays riches et aux pays émergents, en matière commerciale et notamment agricole, au détriment des pays les plus pauvres ” a expliqué Monsieur Chirac.
Troisièmement si le commerce libre est un fiasco garanti, l’aide au développement a prouvé son efficacité, il faut donc encore l’accroître :
“ Il faut en gros doubler et passer à 150 milliards (de dollars) par an l’aide publique au développement ” a-t-il estimé. “ Nous ne le ferons pas à partir des budgets des Etats seulement et par conséquence nous avons beaucoup insisté sur l’importance capitale à mettre en place des financements innovants qui permettent de rassembler cette somme, grâce à une taxation, sous une forme ou sous une autre, internationale. C’est vital ” a expliqué Monsieur Chirac
Chirac voudrait tuer toute tentative de développement en Afrique, il ne s’y prendrait pas autrement : contrôle bureaucratique sur les aides (mais “ innovant ” avec des partenariats privés publics flous pour détourner l’argent plus facilement peut-être !), contrôle des exportations, quotas, prix réservés (pour être certain que les producteurs n’aient aucune envie de s’améliorer) et pompe aspirant pour les plus doués. Voilà 40 ans qu’ils goûtent cette recette. Si ça a si bien marché ces 40 dernières années c’est sûr que le succès sera au rendez-vous en en remettant une couche ! ”
Nous ne voulons plus de cette forme de coopération, de commerce et d’intégration. Nous voulons vivre libre pour construire nous-mêmes notre prospérité. Cette perspective qui n’est pas chiraquienne nous impose de sortir le plus rapidement de cette guerre et de toute la logique jacobine à la française. La démocratie libérale nous attend pour nous conduire à la prospérité seule capable d’effacer la pauvreté et ses avatars. Qu’attendons nous pour nous y engager ? Certes les rebelles sont de véritables entraves dans cette perspective. C’est aussi pour cela qu’il nous faut en finir vite et radicalement avec la rébellion et toute la rébellion.
Il faut en finir avec le pacte colonialIl apparaît de façon cristalline que, pour la France et ses complices dans la sous région les retombées obtenues à travers le pillage systématique des ressources de la Côte d’Ivoire depuis le début de la crise sont substantielles. Il est vraisemblable que le scénario de départ n’allait pas aussi loin que nous le voyons aujourd’hui. Chirac qui pensait certainement pouvoir réussir à écarter et à remplacer Gbagbo en moins d’une semaine, comme au bon vieux temps des Giscard d’Estaing ou Mitterrand, a heureusement mésestimé ses propres capacités et celles des ivoiriens et des autres africains qui, aujourd’hui, ont fait du cas ivoiriens un cas d’école dans un élan de patriotisme transfrontalier.
Si nous poursuivons un tel raisonnement, s’impose en filigrane, la conclusion que les financements mis en place pour détourner les richesses ivoiriennes (construction d’usines au Burkina etc. ) ne peuvent pas avoir fait l’objet d’un retour sur investissement après un si court laps de temps. Ce n’est pas demain que l’hexagone consentira à nous accorder tranquillement notre liberté, à moins que Chirac, s’inspirant de Charles X ( nom de règne du comte d’Artois, un bon viveur, fastueux et impopulaire devenu roi de France (1824-1830), exige de nous comme cela avait été le cas de Haïti en 1825, le versement d’une indemnité conséquente en contrepartie de sa reconnaissance de notre droit à la souveraineté, pour compenser le non amortissement de ses investissements en recherche de rentes et la soif de situations de rentes coloniales de la classe politique française et de ses obligés africains. Il ne s’agira alors que d’un simple renouvellement du pacte colonial.
Il existe encore pas mal de gens qui contestent la thèse selon laquelle la France aurait un intérêt quelconque à faire perdurer la crise en Côte d’Ivoire. L’analyse présenté ici réussira peut-être, pourquoi pas, à susciter des interrogations révélatrices chez certains de ces agnostiques: Comment la France, pourtant si allergique au libre échange, arrive-t-elle à se hisser à la cinquième place mondiale? Ou bien sa réticence s’applique-t-elle seulement aux pays contraints à être et à demeurer membres de sa zone d’influence?
“ Il n’est pas excessif d’écrire que les pauvres financent les riches, puisque, tous comptes faits, on a constaté l’an dernier que les transferts financiers du Sud au Nord ont dépassé de 30 milliards de dollars les transferts financiers inverses. Cruelle vérité. Ce sont les pauvres qui nous aident ”. L’auteur de ces propos : François Mitterrand, candidat à sa propre succession, lors de sa profession de foi électorale en avril 1988. Leçon : En dehors des règles de l’économie de marché ce constat de Mitterrand est nécessairement vrai. Telles sont les dures règles du commerce international pour les petites économies faiblement ouvertes sur le monde. Le pacte colonial ne peut être modernisé? Il doit être dénoncé complètement, abandonné entièrement et rejeté définitivement. Il le faut. Nous le pouvons et nous le devons.»
Par le Pr Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale ivoirienne
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