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 Villes africaines et préjugés anti-urbains

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Tite Prout
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Tite Prout


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09072006
MessageVilles africaines et préjugés anti-urbains

Villes africaines et préjugés anti-urbains
Dr François Paul Yatta rétablit quelques vérités indispensables

dimanche 21 mai 2006, par David Cadasse

Bidonvilles, pollution, congestions, dépenses publiques budgétivores, exode rural, la ville africaine est accusée de tous les maux sur le continent. Complètement ignorée des politiques de développement, elle pâtit d’un certain nombre de préjugés idéologiques que François Paul Yatta bat en brèche à la lumière de la réalité des chiffres. Auteur du livre Villes et développement économique en Afrique, il déconstruit un discours convenu pour replacer le milieu urbain dans sa vraie dynamique.


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Entre préjugés et fausses croyances, la ville africaine n’a pas la cote dans les stratégies politiques africaines de développement. François Paul Yatta, docteur en économie urbaine et conseiller régional « économies et finances locales » au Partenariat pour le développement municipal (PDM) (Cotonou, Bénin), est l’auteur du livre Villes et développement économique en Afrique. Il revient pour Afrik sur la nécessité de mieux appréhender la ville dans sa vraie dimension et son véritable impact sur l’économie d’un pays. Sans militer pour le tout urbain, il explique, chiffres à l’appui, toute l’importance d’un milieu qui représente d’ores et déjà 50% de la population en Afrique. L’Afrique n’est donc pas rural, et c’est sans doute là la base d’un nouveau discours et de nouvelles analyses à développer.

Afrik.com : On dit souvent de l’Afrique qu’elle est rurale, or il semblerait que cette vision soit largement erronée...
François Paul Yatta : C’est une espèce d’amnésie collective qui touche tout le monde. On entend souvent, dans de grands forums, que l’Afrique est à 80% rurale... Mais il existe une réalité structurelle. Les chiffres sont là et sont très têtus. Au début du siècle, le taux d’urbanisation était de 4%. Dans les années 60, il tournait aux alentours de 14%. En 2002, on estime que le taux d’urbanisation est déjà à 50%. Dans 20 ans, il culminera à 70%. Un pays comme le Sénégal est déjà à 60% urbain. Les villes sont totalement ignorées par les politiques de développement dans la plupart des pays. Seule la Côte d’Ivoire a eu une véritable stratégie urbaine. Mais avec les événements qu’elle a traversés...

Afrik.com : Une des critiques souvent adressées à la ville est qu’elle est un poids pour les économies nationales.
François Paul Yatta : On dit souvent que les villes africaines sont improductives et pire qu’elles sont même de véritables boulets pour l’économie nationale. Tout ça à cause de certaines manifestations de l’urbanisation, comme la pollution, les embouteillages... Mais quand on regarde de plus près les comptabilités nationales des pays et qu’on introduit la dimension spatiale, à savoir quel territoire contribue à quelle hauteur à l’économie nationale, on se rend alors compte que sur la zone de l’UEMOA [*] le milieu urbain contribue, en moyenne, à 60% de la production de ces pays. Alors qu’il ne représente pas 40% de la population. Il y a donc là une surproductivité. Au Niger, le milieu urbain, qui représente moins de 20% de la population, assure, par exemple, 50% des richesses nationales.

Afrik.com : La ville est également accusée de vider les campagnes à cause de l’exode rural
François Paul Yatta : On nous dit que les villes détruisent le développement agricole, qu’elles absorbent les bras valides ou encore qu’elles exploitent les campagnes. Mais quand vous vous penchez véritablement sur la question, vous vous rendez compte que c’est la ville qui fait vivre économiquement la campagne. L’économie nationale est la somme des économies locales. Quand il y a une ville à côté des zones rurales, les agriculteurs ont tendance à produire au-delà de l’auto consommation. On n’a jamais vu des agriculteurs du même coin se vendre leur production, cela n’a pas de sens. Le marché est en ville. Une ville de 150 000 habitants représente, chaque année, l’équivalent de 20 milliards de FCFA de demande alimentaire (30,5 millions d’euros, ndlr), les produits d’importation ne représentant que 15% de cette demande. Produire pour le marché urbain est, en outre, ce qui permet à l’agriculteur d’avoir des revenus afin qu’il puisse accéder aux services de base, comme l’éducation et la santé.

Afrik.com : Comment expliquer le fait que l’on voit, sur les marchés en ville, de nombreux produits importés alors qu’ils sont cultivés ou pourraient l’être dans le pays ?
François Paul Yatta : M Beavogui (Guinée, ndlr), directeur Afrique de l’Ouest et Afrique centrale du Fonds international pour le développement agricole (Fida), expliquait justement par rapport cela que le potentiel de la ville est insuffisamment exploité par les campagnes. Simplement parce que les coûts de transaction pour aller chercher les produits agricoles à 200 km dans l’interland sont tels qu’il est plus facile d’importer ces mêmes produits. Car souvent il n’y a pas de route. Et quand il y en a, vu leur état, vous êtes sûrs que vous aller casser vos camions, et tout ça sans compter toutes les tracasseries administratives que vous allez rencontrer en chemin. A la lumière de cela, on voit bien qu’il y a une complémentarité à renforcer entre les stratégies urbaines et les stratégies rurales. Notamment en améliorant l’accessibilité de l’interland par rapport au marché qu’est la ville. Il y a une carence d’infrastructures qui fait que le monde rural national n’est pas compétitif.

Afrik.com : L’informel est considéré par la majeure partie des Etats africains comme une maladie qui gangrène les économies nationales. Est-il aussi néfaste ?
François Paul Yatta : L’informel fait, en effet, l’object de toutes sortes de critiques. Mais heureusement que ce secteur existe, ne serait-ce que pour la paix sociale. Sans lui, ce serait la révolution partout. Il offre plus de 2/3 de l’emploi dans les villes et entre le 1/3 et la moitié de la valeur ajoutée dans les villes. Le secteur informel permet de mettre en relation les différents agents économiques. C’est un secteur très vivant et très imaginatif, beaucoup plus flexible que le secteur formel par rapport au marché. Il arrive mieux à s’adapter. Je pense même que c’est de là que sortiront les futurs chefs d’entreprise africains qui permettront de renforcer la compétitivité du continent. La politique actuelle, quant à l’informel, est plutôt l’éradication. Alors qu’il faudrait, au contraire, l’étudier pour mieux le comprendre, pour savoir quelle est sa contribution réelle à l’économie d’un pays. Mais cet effort de la connaissance du secteur informel n’est pas fait par les différentes autorités nationales. Ce qui se traduit par des politiques plus ou moins inadaptées.

Afrik.com : Grand classique des griefs adressés à la ville, on l’accuse d’être budgétivore. Qu’en est-il exactement ?
François Paul Yatta : On nous dit que le budget d’un Etat est dépensé dans les villes. Tout simplement en se basant sur le montant des dépenses par habitant, plus élevé en ville qu’en campagne. Mais si l’Etat dépense plus en ville, il y collecte encore beaucoup plus. Et c’est ce qui permet de faire plus de dépenses en zone rurale. Car le niveau de prélèvement fiscal par habitant en campagne est souvent trois fois inférieur à la dépense par habitant.

Afrik.com : Finalement l’image dont pâtit la ville ne serait-elle pas uniquement due à un simple problème de connaissance et d’information ?
François Paul Yatta : Il est clair qu’il faut réformer le système d’information pour y introduire la dimension spatiale, si l’on veut qu’il soit adapté à l’actuelle situation de l’Afrique. Si l’on prend l’exemple du Bénin, vous avez tout une batterie de données nationales. Mais ces données restent muettes. Elles ne vous disent pas si le Bénin est un pays côtier, enclavé, plat ou montagneux, un pays avec une seule ou de multiples villes. Or on ne traite pas de la même façon un pays désertique, un pays de forêt, un pays où il n’y a qu’une ou de multiples villes. Et puis quand on prend en compte toute l’importance des collectivités locales, on réalise qu’il existe une nouvelle échelle de gouvernance. Et si l’on veut travailler à la promotion des économies locales il faut arrêter d’être centré autour du territoire national et développer des bases de données et des systèmes d’évaluation plus fins de l’économie du pays.

http://www.afrik.com/article9863.html
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