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 Aminata Traoré

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mihou
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MessageSujet: Aminata Traoré   Aminata Traoré EmptyVen 16 Juin - 0:45

«C'est dans l'humain qu'il faut investir»

Il faut d'abord écouter les pays du Sud. Non pas leurs dirigeants, mais les citoyens des pays pauvres, qui peuvent rendre

compte mieux que quiconque des ravages du système tel qu'il existe, des dégâts de la mondialisation, ou de ceux de la

«Françafrique». Pour l'instant, il n'y a pas de véritable débat contradictoire en Afrique sur les relations Nord-Sud. Seuls

les dirigeants africains acquis au dogme néolibéral sont invités au sommet du G 8. Ils érigent le discours tenu par leurs

«partenaires» en solutions de sortie de crise avec l'aide d'une pléthore d'experts et de diplomates qui, persuadés d'œuvrer

pour le bien de l'Afrique, nous expliquent, en gros, que les économies du Sud doivent être gérées selon la logique marchande

prévalant au Nord. Chacun sait bien, pourtant, qu'on ne joue pas à armes égales avec les pays riches et industrialisés.

La coopération est pervertie - et l'est de plus en plus - par la logique du profit. Voilà le problème de fond. Quand Jacques

Chirac voyage en Afrique, c'est avec une délégation du patronat français. Par le passé, la coopération faisait davantage pour

l'éducation. Aujourd'hui, les pays riches qui aident les pays pauvres misent sur des retours sur investissement rapides et

juteux pour les multinationales. Actuellement, l'idée dominante est que l'investisseur étranger fait mieux que l'Etat. Nos

destins nous échappent. Nos enfants, privés d'éducation et de perspectives d'avenir dans leur pays, émigrent. C'est dans

l'humain qu'il faut investir, en particulier dans l'éducation, pour renverser cette tendance.

Il est grand temps qu'un organisme indépendant fasse une évaluation rigoureuse, afin que l'on sache qui gagne et qui perd. Il

faut mesurer les conséquences des privatisations des services publics et des entreprises stratégiques, qui sont souvent

bradées. Au Mali, le FMI et la Banque mondiale poussent à la privatisation du secteur cotonnier. Une société qui vaut 100

millions d'euros peut être cédée 10 fois moins cher et les coûts sociaux et politiques sont ignorés. Il aurait mieux valu

prendre le temps de réhabiliter la plupart de ces entreprises.

En ce qui concerne les matières premières - pétrole, cacao, coton... - on ne dira jamais assez l'importance de la création de la

valeur ajoutée au niveau local. A condition, bien sûr, que nous consommions une partie de ce que nous produisons et que les

marchés du Nord soient moins protectionnistes. Enfin, la priorité des priorités est l'annulation de la dette qui hypothèque

l'avenir des pays du Sud. George Bush le sait, puisqu'il plaide en ce sens pour l'Irak. Ce raisonnement vaut aussi pour les

autres pays du monde...

Comment aider les pays les plus pauvres?
Aminata Traoré, ex-ministre de la Culture et du Tourisme du Mali

______________________

PORTO ALEGRE Aminata Traoré : " Nous ne savons plus penser par nous-mêmes ni même rêver "



Ancienne ministre de la Culture du Mali, Aminata Traoré est une figure de la résistance africaine aux orientations

néolibérales qui minent le continent et ne sont que des réponses dévastatrices aux problèmes de super pauvreté.
Aminata Traoré vient d’organiser à Bamako, du 5 au 9 janvier, le Forum social africain, pour préparer les revendications du

continent à Porto Alegre. Elle publie, chez Fayard, le Viol de l’imaginaire, un livre dans lequel elle dénonce les mécanismes

qui privent l’Afrique de ses ressources humaines, naturelles et financières. Après l’Étau, ou l’Afrique dans un monde sans

frontières, publié en 1999, ce livre veut prouver qu’" une autre Afrique " est possible. Elle répond aux questions de

l’Humanité hebdo.

Pourquoi témoigner si précisément de votre expérience de femme et de Malienne en lutte contre la mondialisation telle qu’elle

se met en place aujourd’hui ?

Aminata Traoré. Je parle de moi et d’où je suis pour rendre compte de mon vécu et du sens de mon engagement. Il est

primordial de spécifier d’où l’on parle et pourquoi. Je ne me lance pas dans la dénonciation de la mondialisation parce que

c’est dans l’air du temps, mais parce que je vis dans ma chair des réalités qui ont bouleversé la vie des miens. Je m’en suis

sortie en allant à l’école, mais je paie, comme la grande majorité des hommes et des femmes de mon continent, pour des

décisions macroéconomiques qui nous sont imposées. Nos décideurs et leurs partenaires nous cachent la véritable finalité de

ces décisions : la transformation de nos sociétés, de nos économies et de nos cultures selon le dogme néo-libéral. Ce livre

aurait pu s’appeler " halte au mensonge ", qui devient insupportable.

Qu’entendez-vous par mensonge ?

Aminata Traoré. C’est l’art de promettre monts et merveilles à des populations désespérées pour mieux les dominer et les

déposséder. Ne constatez-vous pas que les stratégies de lutte contre la pauvreté engendrent davantage de pauvreté ? Il en

est ainsi parce que les solutions préconisées n’ont strictement rien à voir avec les maux de ceux et celles qui sont dans cette

situation. Les peuples d’Afrique sont abreuvés de mots que les " Maîtres du monde " veulent les entendre répéter pour "

mériter " les financements dont le continent a besoin. Les États comme les associations sont obligés de s’inscrire dans la

logique dominante s’ils veulent continuer à exister. Les formations, soutenues et financées par les institutions internationales

comme par la coopération bilatérale, sont des occasions de lavage de cerveau. Nous en sommes arrivés à un point tel que nous

ne savons plus penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes, ni même rêver. C’est ce que j’appelle " le viol de l’imaginaire ".

Aminata Traoré. Vous citez des auteurs qui ont lutté pour l’indépendance des peuples africains, comme les Antillais Frantz

Fanon et Aimé Césaire. Quel message peuvent-ils nous transmettre aujourd’hui ?

Aminata Traoré. Vous avez vu ce que Césaire a dit de l’Amérique : " L’américaine, la seule domination dont on ne réchappe

pas. Je veux dire dont on ne réchappe par tout à fait indemne... " Il nous appelait déjà il y a quarante ans à nous méfier de ce

géant que les événements du 11 septembre ont profondément blessé. Nous avons trop vite baissé les bras dans les années

soixante. Nous avons cru aux indépendances, nous n’avons pas su les sauvegarder ni les consolider. Entre les intellectuels qui

ont milité pour les indépendances et ceux d’aujourd’hui, il y a un gouffre. Précisément parce que nous ne savons plus rêver.

Nos élites sont sous influence. Elles doivent se ressaisir et assumer leur rôle dans la reconstruction économique, sociale et

politique de l’Afrique.

Vous écrivez qu’après le 11 septembre, les masques sont tombés...

Aminata Traoré. Le 11 septembre a éclairé d’un jour nouveau le système dans son cynisme. Cet événement, d’une extrême

gravité, aurait pu et dû être l’occasion pour les puissants de ce monde de réfléchir davantage sur les véritables causes de la

haine et de la peur de l’autre, et de s’assagir.
Ils en ont au contraire profité pour revendiquer avec force le rôle bienfaiteur du système néo-libéral, notamment le

commerce mondial qui, selon eux, en se déployant, est censé atténuer la pauvreté et la souffrance humaine. Or l’expérience

et les faits démentent cette théorie qui, finalement, n’est qu’une vue de l’esprit. Nous sommes perdants dans un commerce qui

sous-évalue nos produits et fixe les prix selon des mécanismes qui n’ont rien à voir avec les réalités de la production.
La douleur des familles des victimes, que le monde entier partage, a été malheureusement utilisée pour conforter des thèses

qui ne sont que mensonges. La logique de domination qui est sous-jacente à la lutte contre le terrorisme exacerbe le sentiment

d’injustice des " damnés de la terre ", dont un bon nombre s’identifie à Ben Laden transformé en héros. Des tee-shirts à son

effigie, des photos circulent dans des milieux où les gens ne savaient rien de son existence, ni du sens de son combat, du

reste. Tout à coup, cet inconnu défie la plus grande puissance du monde et l’empêche de dormir. Cette réalité, qui n’est pas

spécifique à l’Afrique, nous édifie quant à l’impérieuse nécessité de promouvoir un ordre mondial plus juste.

Qu’attendez-vous de Porto Alegre ?

Aminata Traoré. En réalité, le mouvement social mondial, qui demeure incompris par certains, ne fait que plaider pour un

monde plus juste, seul véritable remède aux frustrations, à la haine et au terrorisme. Il est impensable que, dans un contexte

où les progrès technologiques nous permettent de nous rapprocher, de mieux nous connaître les uns les autres, la peur de

l’étranger ait ressurgi à un tel point. Nous sommes installés dans une situation surréaliste où les ressources qui auraient pu

être distribuées en vue d’atténuer la misère morale et matérielle de par le monde sont consacrées à la protection et à la

sécurité. Cet investissement et la plupart des mesures resteront dérisoires tant que l’essentiel des richesses de la planète

seront concentrées entre les mains d’une minorité de gagnants. Porto Alegre véhicule cette vision d’un monde où l’homme ne

sera plus un loup pour l’homme mais un frère et un allié, comme je l’indique dans mon livre.

Et le Forum social africain de Bamako ?

Aminata Traoré. Les organisations de la société civile africaine se veulent partie prenante de ce processus de reconstruction

d’un monde meilleur parce que fraternel. Aussi le premier Forum social africain de Bamako, qui a regroupé quelque 250

participants, était-il une étape vers Porto Alegre, ainsi qu’un processus de prise de conscience et de responsabilité. Le

processus engagé à Bamako nous permettra après Porto Alegre de poursuivre la consolidation du mouvement social africain.

C’est une nouvelle étape de la lutte de libération de l’Afrique. Nous serons plus nombreux à Porto Alegre pour témoigner de

l’état lamentable de nos pays, que l’on ne peut dissocier de la nature du système qui met la planète toute entière en péril.

Le fait que le Mali ait abrité le Forum présentait-il un avantage ?

Aminata Traoré. Chaque pays qui abrite ce type de réunion en profite d’une manière assez particulière, dans la mesure où la

presse locale en parle. Cela permet à la population de mieux s’imprégner de nos revendications et de devenir plus audacieuse

dans sa critique des politiques néo-libérales.
Le peuple malien comme d’autres peuples africains n’ont en fait jamais baissé les bras. Mais ils ne voient souvent que la partie

visible de l’iceberg. En plus, du fait que toute l’Afrique était représentée, le forum a mobilisé différentes générations de

militants. Les plus jeunes, dont les étudiants, côtoyaient des personnalités comme Ahmed Ben Bella, le premier président de

l’Algérie indépendante et l’historien burkinabé, le professeur Joseph Ki-Zerbo.

Quand sont nés les mouvements alter-mondialistes en Afrique ?

Aminata Traoré. La lutte contre les programmes d’ajustement structurels, imposés par la Banque mondiale et le FMI, a

commencé dès que les premiers effets se sont fait sentir. Dès que les travailleurs ont perdu leur emploi, les étudiants leur

bourse, la grogne sociale s’est installée. Les premières explosions politiques dans nos pays, pour la démocratie, avaient déjà

un lien direct avec la paupérisation de nos sociétés. Mais à l’époque, nous ne l’avions pas clairement formulé. Les critiques

étaient adressées à la manière de gérer le bien public, de confisquer les libertés.
La désinformation aidant, les manifestants ne parvenaient pas jusqu’ici à appréhender correctement la logique et le dessein

du système. Ce sont les syndicats qui ont donné le ton en montrant les premiers du doigt le FMI et la Banque mondiale dans

les années quatre-vingt.
La chute du mur de Berlin a ensuite endormi les consciences. Les gagnants de la guerre froide se sont posés en maîtres du

monde en brandissant le marché comme le seul et unique référent. Même les travailleurs se sont laissé enfermés dans l’illusion

d’une économie de marché qui pourvoira à tous les besoins : emploi, revenus, consommation, éducation, santé, etc.
De déception en déception, l’éveil des consciences s’est amorcé et se poursuit. D’où l’importance cruciale de Porto Alegre

pour l’Afrique.

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MessageSujet: Re: Aminata Traoré   Aminata Traoré EmptyVen 16 Juin - 0:45

Réquisitoire de la Malienne Aminata Traoré contre le NEPAD

L'ancienne ministre de la Culture du Mali, Aminata Traoré, a dressé vendredi à Paris un violent réquisitoire contre le

Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), l'accusant de "dérives néolibérales".

"Le NEPAD est un projet qui a été monté à la hâte en deux années seulement de réflexions par un certain nombre de

dirigeants africains. Il s'inscrit dans une logique de marché qui n'a rien à voir avec les intérêts des populations africaines",

a-t-elle affirmé lors d'une conférence de presse.

Selon Mme Traoré, qui était de passage dans la capitale française après le forum social mondial de Bombay, en Inde, le

NEPAD n'a pas été suffisamment expliqué aux populations africaines dont il est pourtant censé prendre en compte les

intérêts.

"Mon premier contact avec les documents sur le NEPAD date d'il y a deux ans ici même à Paris, au siège de l'UNESCO. Il

n'est pas acceptable que des Africains quittent leur continent pour aller ailleurs afin de mieux connaître le NEPAD. Et au

moment où je vous parle, je ne suis pas sûr qu'au fin fond du Mali, du Sénégal, du Rwanda ou de la Côte d'Ivoire, les gens

savent ce qu'est le NEPAD", s'est indignée l'ancienne ministre malienne.

Pour elle, même le mécanisme de la "revue des pairs" inscrit dans le NEPAD, qui prévoit que les chefs d'Etat africains se

contrôlent mutuellement, n'est pas une "initiative crédible".

"Il ne sert à rien de se draper dans de beaux discours. Je ne suis pas convaincu que des chefs d'Etat qui ne rendent pas

compte aux peuples qui les ont élus pourront se surveiller mutuellement. Ce n'est pas de la revue par les pairs que viendra la

bonne gouvernance en Afrique, mais du contrôle citoyen. C'est tout simplement une offensive de charme vers les bailleurs de

fonds", a estimé Mme Traoré, regrettant la confiscation du débat sur le
NEPAD.

Des sommes colossales sont, a-t-elle ajouté, mobilisées pour acheter le silence des intellectuels et des associations de la

société civile africaine qui ne partagent pas les opinions des promoteurs du nouveau partenariat.

"Ce qui me dérange le plus, ce n'est pas l'existence des gens favorables au NEPAD. Mais le refus de laisser aux autres la

liberté d'être contre. Comme nous l'avons vu récemment pour la Constitution européenne, il faut qu'il y ait un vrai débat en

Afrique entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le NEPAD. Mais pour l'heure, on tente d'imposer une pensée unique

sur le sujet", a encore dit Aminata Traoré.

Ministre de la Culture de 1997 à 2000, Aminata Traoré est devenue depuis quelques années une des figures emblématiques

africaines de l'altermondialisation qu'elle décrit comme le seul "remède au rouleau compresseur de la mondialisation

néolibérale".
Paris - 23/01/2004
_____________________________

Une chance pour l’Afrique

La résistance à l’ordre et au consensus des riches s’est imposée à moi, femme noire et africaine, comme un engagement moral,

intellectuel et physique de tous les instants. La raison en est l’ancienneté de l’acte d’agression et de dépossession, l’ampleur

et la gravité des préjudices, qui sont matériels, mais surtout culturels et moraux.

Sous la colonisation, nous étions conscients de ce statut de « sous-hommes » assigné par nos anciens maîtres. De l’humiliation

et des injustices sont nées les luttes de libération nationale. Si nous avons reconquis nos territoires et la souveraineté

politique, nous avons omis de nous battre pour notre humanité, notre dignité. D’où ces blessures invisibles qui nous

vulnérabilisent tant. Le viol de l’imaginaire étant une constante de nos rapports à nos anciens maîtres, notre droit de lire et

d’interpréter notre propre histoire afin d’y voir clair et de vivre debout nous est, lui aussi, refusé.

A travers les institutions internationales financières et commerciales, nos anciens maîtres continuent de décider pour nos

peuples, comme par le passé, à la différence que nous n’avons plus la légitimité de les interpeller et de les condamner,

puisque nous prétendons être indépendants. Le vote censé corriger tant d’injustices et d’aberrations est devenu une

mascarade, qui tourne parfois au drame. Seuls en profitent les élus, motivés par le contrôle des biens publics et des

institutions en vue de s’enrichir impunément. Les peuples n’ont hélas pas encore pris conscience de leur instrumentalisation de

l’extérieur par les tenants du système et, en interne, par leurs propres gouvernants, au service des premiers.

Les puissances occidentales les dissuadent de questionner et de remettre en question ces mêmes réformes structurelles qui,

sous leurs propres cieux, constituent le véritable enjeu de la politique. L’Occident voudrait que l’Afrique excelle là où, en

dépit de l’ancienneté de sa démocratie et de sa fortune, il est lui-même incapable d’assurer l’emploi décent, une source de

revenus, des soins de santé et l’espérance à ses propres populations. Et nous nous embourbons d’autant plus que le système

dispose d’une armée d’« experts » et de « spécialistes » dont l’Afrique est le gagne-pain. Ils ajoutent l’insulte au mépris en

niant la violence politique, économique et symbolique dans nos rapports aux puissants de ce monde.

A propos du Rwanda, Boubacar Boris Diop s’insurge contre ce négationnisme : « L’Africain qui s’intéresse au génocide

rwandais voit constamment les autres lui tendre un miroir sous prétexte de l’inviter à faire face à ses démons (1). » La

réécriture de l’histoire africaine par Stephen Smith, dans Négrologie, Pourquoi l’Afrique meurt (2), en est l’une des

illustrations les plus parfaites. A tous ceux qui, africains et non africains, estiment que le champ des possibles est immense et

que des ravages et des horreurs des temps passés et présents naîtra, nécessairement, un monde meilleur dont une autre

Afrique, cet auteur répond que « le présent n’a pas d’avenir sur le continent... ». Il s’agit, précise-t-il, de l’Afrique « noire »

« victime d’elle-même », « ventre mou », « terre de massacres et de famines, mouroir de tous les espoirs ».

En faux spécialiste de l’Afrique, il salue le Mali : « Pour un Mali d’Alpha Oumar Konaré, puis d’Amadou Toumani Touré, pour

quelques élus en demi-teinte tels que John Kufor (Ghana), Abdoulaye Wade (Sénégal) ou Olusegun Obansanjo (Nigeria),

combien de Pascal Lissouba (Congo), Frederick Chiluba (Zambie) et Ange-Félix Patassé (Centrafrique) ? » Ce type de

jugement distrait et divise les Africains dans la construction d’une conscience sociale et politique avertie. Il appartient à nos

peuples, et à eux seuls, de juger du mérite de leurs dirigeants. Les peuples malien, sénégalais, congolais, centrafricain en

sont au même point : alternance politique ne rime pas avec alternative économique crédible. Bien ou mal élus, nos gouvernants

ont si bien intériorisé l’idée de notre « arriération » qu’ils concluent que des réformes venant des pays riches ne peuvent

nous faire que du bien. Ils acceptent le rôle d’exécutants et de gardiens des intérêts des groupes multinationaux.
Il ne nous reste qu’à nous mobiliser contre l’ouverture à l’économie mondiale quand elle se fait camisole de force et jeu de

dupes. Comme les opinions publiques du Nord doivent se mobiliser contre les politiques menées en Afrique « en leur nom dans

la plus grande opacité, voire la plus grande indifférence (3) ».

La résistance, exaltante lorsque les luttes se globalisent, exige, pour être crédible, des actions concrètes et novatrices,

surtout en Afrique, où les peuples sont exaspérés et désabusés par « une lutte contre la pauvreté » consistant à consolider

les réformes qui appauvrissent. Aussi ai-je tenté de donner un ancrage local à ma quête d’alternative à travers différentes

initiatives, dont « Le soi, les voisins, le quartier ». Il s’agit d’un effort de reconstruction du lien social à travers

l’assainissement et la réhabilitation des infrastructures de base. En deux ans, le quartier où j’habite à Bamako, Missira, est

devenu une mine d’enseignements sur les contraintes et les limites de la démocratie représentative là où l’argent est roi et les

normes dictées par Washington, Paris, Bruxelles ou Genève.

Comment aller plus loin et plus vite au niveau local en articulant les expériences novatrices de transformation sociale avec

l’éducation d’une masse de citoyens et de citoyennes avertis quant au lien entre la mondialisation libérale et le chômage, la

pauvreté monétaire, les violences et l’émigration ? Car, le jour où les populations africaines, en l’occurrence les jeunes (en

raison de leur poids démographique et politique) et les femmes (qui colmatent les brèches ouvertes par le système), en

sauront davantage sur la nature, les rouages et les enjeux de la mondialisation libérale, elles se ressaisiront et organiseront

la résistance sous des formes autres que la violence armée et l’exil.
AMINATA D. TRAORE

________________________

Aminata rêve d’une autre Afrique

L’ancienne ministre malienne de la Culture et porte-flambeau de l’anti-mondialisme, Aminata Traoré, signe un livre coup de

gueule. " Le Viol de l’imaginaire " est une diatribe contre le mondialisation libérale.

Une autre Afrique est possible. Elle est même en devenir. Aminata Traoré s’insurge contre les Institutions financières

internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale...), coupables de maintenir l’Afrique dans la misère. " Pillée,

marginalisée, l’Afrique est invitée par les maîtres du monde à se penser pauvre, à se comporter en région pauvre. Les Etats du

continents, surendettés et interpellés par une demande sociale forte, se voient contraints d’adopter et d’appliquer des

remèdes dont le coût social et humain est exorbitant ". Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture et égérie des

anti-mondialistes, pointe du doigt les ennemis de l’Afrique : les institutions financières et les élites africaines. Les premiers

inventent des politiques " d’ajustement structurel " que les seconds s’empressent de mettre en pratique. Aux dépens de leurs

peuples.

Le viol de l’imaginaire

Celle que le quotidien français Libération n’a pas hésité à surnommer " Black Bové ", du nom du combattant anti-américain des

paysans français, se bat pour une autre Afrique. Elle la croit possible. Le chemin ne passe pas particulièrement par les aides

financières du Nord, mais par une réforme des relations Nord-Sud. " Les violences de l’Histoire ayant fait des vainqueurs et

des vaincus, des gagnants et des perdants, les rapports entre nations riches et nations pauvres demeurent des rapports de

domination qui se perpétuent à travers des mots clés, qui ne sont que des mots d’ordres ".

Aminata Traoré fustige aussi les élections qui, selon elle, ne remettent pas en cause le modèle libéral. " Je crois que

l’Occident aime bien nous voir batailler pour ces fameuses élections libres et, pendant ce temps, on ne pose pas les problèmes

de fond sur notre dépendance envers un modèle unique de développement ".

A Porto Alegre, la bien nommée, Aminata Traoré milite pour une Afrique débarrassée des causes qui ont fait échouer les

indépendances. Et d’accuser " le rouleau compresseur du libéralisme ". Le viol de l’imaginaire, au-delà de la colère, est une

esquisse pour une Afrique alternative. Une autre Afrique
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MessageSujet: Re: Aminata Traoré   Aminata Traoré EmptyLun 18 Jan - 2:05

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MessageSujet: Re: Aminata Traoré   Aminata Traoré EmptyLun 18 Jan - 10:22

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MessageSujet: Re: Aminata Traoré   Aminata Traoré EmptyJeu 22 Juil - 2:44

A Porto Alegre, la bien nommée, Aminata Traoré milite pour une Afrique débarrassée des causes qui ont fait échouer les

indépendances. Et d’accuser " le rouleau compresseur du libéralisme ". Le viol de l’imaginaire, au-delà de la colère, est une

esquisse pour une Afrique alternative. Une autre Afrique??

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