Le raffinage, le talon d’Achille de l’Iran
Dès les premières heures d’ouverture des marchés, les cours du pétrole ont bondi hier à Londres puis à New York en
réaction aux menaces proférées dimanche par le guide suprême iranien. Toujours dans le cadre du différend nucléaire qui
oppose Téhéran à l’Occident l’ayatollah Ali Khameini a averti que toute erreur mettrait en danger l’approvisionnement en
pétrole à partir du Golfe. En cas de sanctions contre la République Islamique, le marché redoute la suspension des
exportations du brut iranien ou le blocage du détroit d’Ormuz, par où transite les trois quarts de la production de la région.
Si les marchés sont très sensibles à la moindre déclaration, les analystes sont plus circonspects. Beaucoup pensent comme la
secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice que l’Iran a trop besoin des revenus tirés de l’exportation de l’or noir pour y
renoncer.
Chaque jour l’Iran met sur le marché 2,7 millions de barils de pétrole. Ce que l’on sait moins, fait remarquer Régis Collieux de
BNP Paribas, c’est que l’Iran est aussi un importateur de pétrole, de produits raffinés plus exactement.. La moitié de ses
besoins en carburant sont couverts par des importations en provenance du Golfe ou du Venezuela. Le manque de capacités
pour raffiner son propre pétrole est le talon d’Achille de ce pays producteur. Le programme de réhabilitation de cinq
raffineries existantes ainsi que la construction de trois autres unités n’avance pas aussi vite que prévu. Du coup, la hausse du
brut qui offre au pays de substantiels revenus alourdit d’autant la facture en carburant, à tel point que la question est
devenue un sujet de préoccupation pour la classe politique.
Dans un pays qui dépend largement du transport routier pour acheminer les marchandises et qui par ailleurs voit le nombre de
véhicules particulier sans cesse augmenter, ce poste de dépense devient de plus en plus sensible. La balance commerciale s’en
ressent mais aussi le budget de l’Etat puisque l’essence est subventionnée. Pour maintenir les prix à leur niveau actuel, un
litre coûte 9 cents à la pompe, soit environ 7 centimes d’euros, il faudra dès cette année puiser dans le fond de stabilisation
des revenus du pétrole a prévenu la semaine dernière un parlementaire iranien qui préside la commission énergie de
l’assemblée. A moins qu’on rationne la distribution de carburant, ou qu’on en augmente le prix, une alternative dont ne
veulent pas entendre parler les dirigeants, qui redoutent d’alimenter l’inflation mais aussi, le mécontentement populaire.
La situation intérieure rend les menaces iraniennes beaucoup moins crédibles. Car après tout, l’arme pétrolière est aussi aux
mains du Conseil de sécurité qui pourrait décider de la suspension les livraisons de carburant à l’Iran.
par Dominique Baillard
[06/06/2006]
http://www.rfi.fr/actufr/articles/078/article_44192.asp