Steve Biko (1946-1977) ( 11/08/2002 )
Martyr de la lutte anti-apartheid
Par Paul Yange
steve bantu biko
Steve Bantu Biko naît le 18 décembre 1946, à King Williams Town en Afrique du Sud.
Très tôt impliqué dans l’activisme politique, il est lycéen à la Roman Catholic Boarding, dans la province du Natal. Il poursuit ensuite des études de médecine à la faculté de médécine de la province du Natal(University of Natal Medical School), dans la section réservée aux noirs, et adhère à un mouvement étudiant (National Union of South African Students). Mais le mouvement est dirigé par des étudiants blancs et ne s’occupe guère des problèmes des étudiants noirs. Biko démissionne en 1969 et crée avec des camarades la SASO (South African Students’ Organization), un mouvement étudiant composé uniquement de noirs, qui assiste les communautés noires défavorisées et qui va contribuer au développement d’une nouvelle philosophie pour les masses noires sud-africaines.
La philosophie de Steve Biko appelée "Black Conciousness Movement" (mouvement pour la conscience noire) est que les noirs ne peuvent se libérer politiquement de l’apartheid que s’ils cessent de se sentir inférieurs aux blancs. Sa position, bien que d’inspiration non violente, est plus radicale que celle de l’ANC. Elle lui vaut une attention internationale et est considérée par beaucoup comme l’un des tournants de la lutte anti-apartheid. Biko avait perçu la nécessité de libérer les noirs de l’aliénation à la fois physique et mentale, en restaurant leur dignité et leur identité. Le mouvement qu’il mène prend de l’ampleur dans les années 70 lorsque la lutte de libération semble s’essouffler, et que beaucoup de leaders de l’ANC sont en prison ou en exil. Biko pense que les noirs ne doivent pas compter sur l’aide ou l’assistance des blancs et doivent de ce fait se retirer de tout mouvement incluant des partenariats avec les blancs. Ils doivent se libérer eux même faute de quoi l’idée selon laquelle les noirs ne sont pas capables de prendre eux mêmes leurs propres responsabilités va continuer d'être admise et répandue.
En 1972, Biko est également l’un des fondateurs de la "Black Peoples Convention" qui rassemble alors près de 70 mouvements et associations noires, adhérant à la philosophie de la "conscience noire", y compris certaines (par exemple le South african students’ movement) qui joueront un rôle important lors des émeutes de 1976 à Soweto. Biko est le premier président du BPC et est aussitôt exclu de l’université où il étudie la médecine. Il commence alors à travailler à plein temps dans des projets sociaux autour de Durban (cours du soir visant à développer l’éducation dans les quartiers noirs défavorisés…).
Le gouvernement sud-africain prend les premières mesures contre lui en 1973, en restreignant ses mouvements et lui interdit de pendre la parole en public. Il est surveillé et harcelé par la police durant les quatre années qui suivent subissant plusieurs arrestations. Le 18 août 1977, Steve Biko et un de ses amis, Peter Jones sont accusés d’acte de terrorisme, arrêtés par la police, et emmenés pour interrogatoire.
Steve Biko meurt le 12 septembre 1977, après 16 jours de détention sans procès. Inconscient, le militant avait été transporté nu à l'arrière d'une fourgonnette de police sur une distance de plus de 1000 km. Six jours plus tard, cet homme de 30 ans qui jouissait d'une parfaite santé avant son arrestation, décédait des suites d'un traumatisme crânien et de blessures au foie, selon les rapports médicaux de l'époque. Le gouvernement raciste sud africain, qui accusait le mouvement mené par Biko d'abriter de dangereux "anarchistes" préparant un "climat révolutionnaire", finira par bannir le BCP en octobre 1977, un mois après la mort de son leader. Les déclarations du ministre de la justice sud africain, James Kruger, qui affirma que "la mort de Steve Biko ne lui faisait ni chaud ni froid", déclenchèrent un tollé général dans le monde, ce qui conduisit finalement les Nation Unies à prendre des sanctions contre l’Afrique du Sud.
En septembre 1997, cinq policiers qui ont reconnu avoir participé à l'assassinat de Steve Biko comparaissaient devant la commission Vérité et Réconciliation, présidée par Desmond Tutu. Ils admettent avoir frappé le prisonnier avec violence, avoir menti sur la date de sa mort mais gardent la même ligne de défense selon laquelle le décès était accidentel. Parmi les policiers, Gideon Nieuwoudt, qui a déjà reconnu avoir pratiqué la torture, l'enlèvement et l'assassinat de militants anti-apartheid. Un homme dont "la seule évocation du nom provoquait la terreur chez tous les prisonniers ", selon de nombreux témoignages recueillis. En novembre 1977, le magistrat chargé de l'instruction de l'affaire Biko avait déclaré : " à l'évidence, la mort du prisonnier ne peut être attribuée à un acte relevant d'une intention criminelle de la part de ses gardiens. "
Selon l’ANC, la position de Steve Biko se serait assouplie quelque temps avant sa mort, alors qu'il était plus confiant dans le possible triomphe de la cause noire. l'ANC a également révélé que l'arrestation de Steve Biko en 1977 n'avait pas permis la rencontre programmée avec Oliver Tambo, alors président de l'ANC et décédé depuis. Cette perspective de rapprochement inquiétait le régime d'apartheid et a sans doute précipité la mort du jeune leader noir.
25 ans après sa mort, Steve Biko reste un symbole et un des héros les plus incontestés de la lutte contre le régime pro-apartheid au pouvoir jusqu'en 1994. Sa vie a été immortalisée par le film "Cry Freedom" réalisé par Richard Attenborough (avec Denzel Washington dans le rôle de Steve Biko), salué par la critique internationale, et par une chanson du Britannique Peter Gabriel.
"Le mouvement de la conscience noire se réfère à l'homme noir et à sa situation, et je pense que l'homme noir est sujet à deux forces dans ce pays.
Il est tout d'abord oppréssé par une force externe qui s'exerce par l'intermédiaire d'une machinerie institutionnelle, au travers de lois qui l'empêchent de faire certaines choses, au travers de conditions de travail difficiles, à travers une éducation scolaire très faible, toutes choses qui lui sont extérieures. Il est ensuite oppréssé (et c'est ce que nous considérons comme le plus important) par une certaine forme d'aliénation qu'il a développée en lui, il se rejète précisément parcequ'il rattache au mot "blanc" à tout ce qui est bon".
Steve Biko
JOHANNESBURG, 11 sept (AFP) -
Il y a 25 ans, Stephen Biko mourrait seul, saoûlé de coups et comateux, dans une cellule de Pretoria et devenait le plus grand martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du sud, par son rôle de catalyseur de la libération noire.
Il n'avait que 30 ans à l'époque, mais son Mouvement de la Conscience Noire avait enflammé des dizaines de milliers de Sud-Africains, enthousiasmés par son appel à libérer avant tout leur esprit, avant de libérer le pays. Car, disait-il, "l'arme la plus puissante dans les mains de l'oppresseur est l'esprit de l'opprimé".
Né en 1946 à Ginsberg, une township noire près de King William's Town, Stephen Bantu Biko fût trés tôt "destiné" à combattre l'apartheid: son père Mzimkhayi fut tué par un policier blanc lors d'un rassemblement militant en
Expulsé du secondaire pour son attitude "anti-establishment", Steve fit ses premières armes politiques sur un campus de Durban dans les années 60. Fédérant des mouvements noirs, impliqué dans des projets de développement social, l'étudiant en médecine gagna en stature par son éloquence, son charisme et sa philosophie d'émancipation.
Fondateur du Mouvement de la Conscience Noire, président la Convention du Peuple Noir, il s'investit à temps plein dans la lutte, après avoir été exclu de son école médicale. En 1973, ses activités lui valurent d'être assigné dans sa ville natale de King William's Town. Les autorités ne le lâcheront plus. Arrêté, détenu et interrogé à maintes reprises jusqu'à cette interpellation à un barrage fin août 1977.
Pendant plusieurs jours, Biko fut détenu, enchaîné, roué de coups, privé de soins, au QG de la police de Port Elizabeth. Un traitement inhumain sur lequel les auditions de la Commission Vérité et Réconciliation firent lumière en 1997-98, entendant des policiers qui menèrent "l'interrogatoire".Mais aucun d'entre eux n'admetttra avoir pu porter un coup fatal. Ils se virent refuser l'amnistie, mais n'ont à ce jour pas été poursuivis.
Le 11 septembre, inconscient, Biko était transporté nu à la prison centrale de Pretoria (à 1.100 km de là), à l'arrière d'une Land Rover. Quelques heures aprés son arrivée, il décédait de lésions cérébrales sur le sol d'une cellule de Pretoria. Nu, toujours.
L'émotion et la colère, en Afrique du Sud et à l'étranger, furent immenses. Donald Woods, rédacteur en chef du respecté Daily Dispatch devenu l'ami de Biko, fit passer à l'étranger des photos du corps couvert de plaies et ecchymoses: le ministre de la Police, Jimmy Kruger, avait maintenu qu'il était mort d'une grève de la faim.
L'exclusion et l'isolement du régime commencèrent pour de bon. Les gouvernements étrangers les fuyaient, les sanctions étaient imminentes. La chanson "Biko" de Peter Gabriel, fit le tour du monde, et "Cry Freedom", film sur sa vie réalisé en 1987 par Richard Attenborough (avec Denzel Washington, Kevin Kline) sur la base d'un livre de Woods, exilé, généra larmes et sympathie anti-apartheid dans le monde.
Avec cette vague mondiale, autant que pour la conviction, alors renforcée en Afrique du Sud, que la violence répondrait à la violence, beaucoup considèrent avec le recul la mort de Biko comme "un point de non-retour", la goutte d'eau qui fit déborder le vase, le début de la fin de l'apartheid. Donnant ainsi raison à Biko lui-même.
Trois mois avant sa mort, il déclarait: soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t'en soucier. Et ta façon de mourir peut elle même être une chose politique (...) car si je n'arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l'apartheid, sûrement l'horreur de la mort y parviendra".
Malcolm X (1925-1965) ( 26/07/2002 )
Un des plus grands leaders noirs du 20e siècle
Par Paul Yange