Le 29 juin 1776, deux Pères franciscains venus du Mexique voisin célèbrent la messe au fond d'une magnifique baie de la côte californienne.
Cela se passe cinq jours avant la déclaration d'Indépendance des futurs États-Unis d'Amérique !
Les Franciscains en Californie
Alors que les Jésuites avaient joué un rôle prépondérant dans l'exploration et l'organisation des colonies du Canada, de Nouvelle-France et du Paraguay, sous l'impulsion du Supérieur Claudio Aquaviva, mort en 1615, ils passaient alors par un moment difficile.
En 1773, le pape Clément XIV dissout la Compagnie sur l'injonction des souverains ibériques.
L'ordre rival des Franciscains tente alors de prendre la place des Jésuites au Nouveau Monde.
Né en 1713 à Majorque (Baléares), le Père Junipero Serra fonde une mission à San Barnabé, près de Monterey, au nord de la colonie de Nouvelle-Espagne (l'actuel Mexique).
De là, il lance des expéditions vers la Californie, encore inexplorée et à l'écart de la civilisation occidentale.
En quelques années, les Franciscains fondent 21 missions. L'une d'elles fait l'objet d'une attention particulière du vice-roi de Nouvelle-Espagne, Bucareli.
Le 15 décembre 1774, celui-ci adresse au Père Junipero Serra une lettre où il lui propose de participer à une expédition vers une baie d'importance stratégique, en Californie centrale, sous le commandement du capitaine de marine Juan Bautista de Anza.
La mission Dolorès aujourd'huiC'est ainsi qu'un premier camp militaire est établi en ce lieu et les Pères Palou et Cambon y célèbrent la messe pour la première fois devant une modeste cabane, la mission Dolorès.
Le lieu recevra le nom de San Francisco en l'honneur de saint François d'Assise.
Des étrangers venus du Nord
entre-temps, les Russes, venus de la presqu'île du Kamtchatka, à l'extrémité nord du continent asiatique, ont mis le pied en Amérique à la suite de Béring pour étendre leurs territoires de chasse à la fourrure.
Les trappeurs font une telle hécatombe de visons, castors et autres loutres qu'il leur faut pousser toujours plus avant, n'hésitant pas à hiverner sur place dans des conditions fort hostiles.
Le vice-roi du Mexique, lui, s'inquiète fort de ces empiètements en terre espagnole et donne l'ordre de se montrer inflexible avec ces entreprenants schismatiques russes....
En réalité, les intérêts des Russes et des Espagnols sont suffisamment compatibles pour que chaque partie en reste aux démonstrations sans conséquence.
Rapprochement hispano-russe
Le 5 avril 1806, le Juno, un petit bâtiment russe se présente devant le fort de San Francisco commandé par le capitaine Arguello. À son bord le grand chambellan Nicolas Petrovitch Rezanov, ministre plénipotentiaire du tsar et artisan de la colonisation russe en Amérique.
Le Russe demande des secours après un hivernage désastreux au poste de Sitka (Alaska), trois mille kilomètres plus au nord. Le capitaine qui n'est pas mauvais bougre ne laisse pas d'être ému par l'état d'épuisement de ces hommes courageux et leur offre une généreuse hospitalité dans son poste avancé en attendant des instructions.
La garnison s'ennuie ferme et les officiers s'occupent comme tous les officiers du monde - en jouant aux cartes, en buvant et en courant les filles. Ces dernières sont particulièrement rares, sans compter que pères et maris ont l'oeil au grain...
Il se trouve pourtant que six semaines plus tard, Nicolas Petrovitch Rezanov rassemble le courage qui n'appartient qu'aux jeunes prétendants et s'enhardit à demander au capitaine espagnol médusé la main de sa fille aînée - Señorina Concepcion...
Les fiançailles sont célébrées aussitôt sous les vivas de l'équipage en attendant l'autorisation du pape et du roi d'Espagne (le Russe est orthodoxe, la fiancée catholique). En attendant, le Juno est autorisé à appareiller à nouveau le 21 mai, ses cales bien approvisionnées en matériel et nourriture.
Rezanov meurt d'une pneumonie en revenant à Saint-Pétersbourg. Il ne se trouvera personne après lui pour porter le rêve d'une colonisation russe en Amérique.
Dans les premières années du XIXè siècle, les trappeurs russes venus d'Asie s'assurent de nouveaux terrains de chasse et fondent Fort Ross (nord de San Francisco) où ils laissent une petite colonie assistés d'Inuits (esquimaux) d'Alaska.
En décembre 1841, désespérant de l'appui du tsar qui avait d'autres soucis, leurs successeurs en sont réduits à brader leur comptoir à John Sutter, un colon d'origine suisse qui a fait fortune dans le négoce à Sacramento et va accéder à la célébrité mondiale en découvrant de l'or sur ses terres.
Ainsi naquit la future métropole de Californie centrale. La découverte de l'or lui assure à partir de 1848 un très rapide essor, à peine interrompu par le séisme de 1906.
http://www.herodote.net/histoire06291.htm