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 Haïti:Au pays de l'intimidation

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mihou
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mihou


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15052006
MessageHaïti:Au pays de l'intimidation

Au pays de l'intimidation

Pelletier, Francine

... et de la grandiloquence. En Haïti,la vieille classe politique, assoiffée de pouvoir, est en selle à nouveau.Avec, cette fois, un brin de sophisticationet un désir de plaire au monde extérieur.

«Arrêtez ! » Le ton du petit caporal assis à l'entrée du poste de garde du palais présidentiel se veut autoritaire. Sa mine renfrognée aussi. Quiconque a le culot de se présenter au palais national n'a qu'à bien se tenir, semble-t-il dire. Et surtout, attendre. Une vingtaine de personnes sagement alignées sur des bancs d'église, affichant cet air miennuyé mi-fatigué qu'on remarque souvent chez les Haïtiens, laissent croire que l'attente sera longue.

Heureusement, on est mardi. Le jour où - c'est écrit en petites lettres pâles au-dessus de la tête du caporal - « le premier ministre reçoit ». Au-dessus de la tête du soldat, six ou sept mitraillettes bien astiquées pendent au mur. Inévitablement, des images du dernier coup d'État, le 30 septembre 1991, le quatrième en six ans, s'imposent. La prise du palais par l'armée, la tuerie dans les rues, la fuite du prêtre-président, Jean-Bertrand Aristide... Ces mitraillettes ont-elles servi depuis ? On se le demande.

Enfin, un soldat, un autre, un peu serré dans son uniforme kaki recyclé de l'armée américaine, me conduit, solennellement, jusqu'à l'entrée du palais national. L'énorme bâtiment blanc trône comme un gros gâteau de noces à l'extrémité ouest de la place des Héros de l'Indépendance - plus familièrement appelée place des Zéros. A l'intérieur de ce monument à la vacuité et à la prétention, les taches de sang séché sur le tapis du grand escalier surprennent un peu. Tant de grands airs mériteraient plus d'attention aux détails.

« M. le premier ministre n'est pas encore arrivé, me dira sa secrétaire. Patientez. »

Bienvenue en Haïti. Pays de l'intimidation et de la grandiloquence. De

l'ambition démesurée et du n'importe quoi. Plus que toute autre chose, plus que la misère, le vaudou et les bains de sang, Haïti, c'est ça : un pays qui fait semblant. (« Demain appartient à Haïti », annonce, absurdement optimiste, une affiche à l'aéroport de Port-au-Prince.) Un pays qui s'est doté au cours de ses 192 ans d'existence de 25 constitutions - un record, après la Bolivie, dans l'histoire des peuples - et qui n'en a respecté aucune. Un pays où les dirigeants font semblant de gouverner et les gens, semblant de ne rien voir.

Comme le vieux Thompson, par exemple, ombre permanente du jadis chic, aujourd'hui décrépi, hôtel Oloffson à Port-au-Prince. « Connaisseur d'art haïtien », Thompson, qui fait aussi une prodigieuse consommation de rhum, évite généralement de parler politique. La politique fait fuir les touristes, il ne le sait que trop. Déjà, l'Oloffson doit offrir des soirées vaudou, le vendredi, pour attirer la clientèle. Ah ! ils sont loin les jours où Graham Greene, Irving Stone et autres grands écrivains venaient trouver l'inspiration sous les éventails et les hauts plafonds de cette ancienne résidence présidentielle. Même les journalistes fuient l'Oloffson depuis que l'électricité fait quotidiennement défaut, à cause de l'embargo.

« Haïti a aucune chance de réaliser rien avec ce gouvernement », dit enfin le vieil homme, frêle comme un cure-dent. Comme la plupart des Haïtiens, Thompson a fini par admettre son écoeurement. Le pays a beau avoir la couenne dure, et l'habitude des coups d'État, celui du 30 septembre 1991 s'est avéré une catastrophe sans pareille pour la majorité des Haïtiens. « Arracher un morceau de pain des mains, alors qu'on y goûte pour la première fois, explique l'ancien directeur de Radio-Soleil, Hugo Trieste, est un plus grand crime que de retenir ce morceau de pain. »

C'est un recul de taille, donc, que connaît actuellement le pays. Haïti faire back, comme on dit en créole. Huit mois après un coup d'État qui a tué, estime-t-on, 3000 personnes et en a fait s'exiler 35 000 autres, une chose est sûre : la vieille classe politique, imbue d'elle-même et assoiffée de pouvoir, est en selle à nouveau. Mais avec un brin de sophistication, cette fois, un je-ne-sais-quoi de retenue dans l'air, un désir de plaire - ou d'en imposer - au monde extérieur.

Les rituels vaudouisants de Papa Doc Duvalier et les fastes cérémonies de son fils Jean-Claude ont cédé le pas à un parlementarisme douteux certes, mais présent. Et les « présidents à vie » ont fait place à des dirigeants plus distingués, certainement plus intellectuels. Comme Raoul Cédras, par exemple, commandant en chef de l'armée, « un pion des États-Unis depuis longtemps », dit Edwidge Balutansky, correspondante de l'agence Reuter, « mais qui n'est pas la pire crapule ». Ou encore, comme Marc Bazin, nouveau premier ministre du gouvernement « de consensus et de salut public », lui-même étroitement lié aux États-Unis et surnommé « M. Net » par la presse américaine, du temps qu'il était ministre des Finances de Jean-Claude Duvalier.

Nouveaux hommes forts d'Haïti, ces deux personnages redonnent un certain vernis à la « perle des Antilles ». Ils croient, en fait, explique Mme Balutansky, elle-même haïtienne, qu'ils ont « un devoir à faire, un ordre à maintenir ». Si la violence en principe leur répugne - ni l'un ni l'autre n'y ont été directement associés avant le coup d'État -, ils sont prêts à l'utiliser, ou à fermer les yeux, au besoin. Comme dit le ministre de l'Information, Gérard Bissainthe, « les gentils, vous savez, n'ont qu'un oeil ».

La dictature est donc de retour en Haïti, mais à double visage. Au sommet de la pyramide, on retrouve les « comme il faut », Cédras, Bazin, Bissainthe et cie qui font belle figure et savent se tenir. Ce sont les Dr Jekyll du régime actuel. Derrière eux, oeuvrant désormais dans l'ombre et le mystère, on retrouve les « crapules », les M. Hyde du régime. Le redoutable chef de la police de Port-au-Prince, Michel François, par exemple, que tout le monde soupçonne d'avoir mené le coup d'État. Du moins, de s'être acquitté de la sale besogne. Il aurait été l'exécutant du coup et Cédras, le maître-d'oeuvre.

Une façon de faire que le leader du Mouvement pour l'instauration de la démocratie en Haïti (MIDH), Marc Bazin, connaît bien lui aussi. Un reporter de Radio-Antilles, Pierre-André Pacquiot, raconte comment, quelques semaines avant les élections de décembre 1990, deux autres journalistes et lui ont été interceptés par les gardes du corps de Bazin, accompagnés de militaires. « Ils ne nous ont pas posé de questions, dit-il. Ils nous ont frappés, puis ont cassé la voiture. Ils nous ont accusés ensuite de les avoir dépassés. »

La vraie raison de cette bastonnade tenait au fait que le candidat du MIDH ne prisait guère la mauvaise presse dont il était victime depuis le début de la campagne. Récoltant à peine 13 % de la faveur populaire (selon un sondage de Radio-Métropole en avril, Bazin fait toujours piètre figure), il tenait les médias, de toute évidence, responsables.

Si la dictature pure et dure semble chose du passé, il n'y a pas de rupture avec le pouvoir des tontons macoutes (les fiers-à-bras de Duvalier) comme tel. Marc Bazin a d'ailleurs toujours dit qu'il fallait « s'appuyer sur les structures traditionnelles du pays », c'est-à-dire inclure les macoutes dans le processus politique.

Par contre, on remarque un net relâchement de la discipline dans les rangs de l'armée. « Les soldats sont plus arrogants, ils ne se laissent pas diriger par la hiérarchie militaire », explique le père Trieste. Ce qui fait qu'aujourd'hui « même les militaires ont peur des militaires ».

Quiconque a vu les images télévisées du départ précipité des membres de l'Organisation des États américains, en octobre 1991, en sait quelque chose. Mitraillettes en main, les soldats, qui devaient protéger le départ des visiteurs, se sont mis tout à coup à bousculer, à pointer leurs armes et à proférer des menaces. Excès de mauvaise humeur ? Montée de fièvre nationaliste ? Ou directives venues d'en haut ? Impossible à dire. C'est d'ailleurs ce qu'il y a de plus terrifiant en Haïti : de ne jamais savoir exactement à qui on a affaire et ce que ces individus - armés, toujours - pourraient avoir en tête.

« Sous Duvalier, dit le directeur de l'agence France-Presse, Dominique Levanti, on ne pouvait pas tirer une balle sans être immédiatement interpellé. Aujourd'hui c'est une pétarade après l'autre ! »

Sous les Duvalier, tout était rigidement contrôlé. D'un côté, les militaires, de l'autre, les tristement célèbres Volontaires de la sécurité nationale (tontons macoutes), créés pour équilibrer les forces armées. Le tout minutieusement supervisé par un chef absolu. Aujourd'hui, il n'y a plus de contrôles aussi stricts. Le ministre de l'Information, Gérard Bissainthe, l'admet volontiers, d'ailleurs. « L'armée intervient malheureusement avant que nous puissions faire fonctionner l'appareil judiciaire », dit-il pour expliquer les exactions, arrestations, menaces de toutes sortes qui pullulent. Et il ajoute, débonnaire : « Comme disait le général de Gaulle, le pouvoir, c'est l'impuissance. »

Bref, si le climat actuel paraît plus calme, plus « civilisé », il est aussi plus imprévisible et plus dangereux. « Avant, on pouvait nous arrêter, nous battre, dit le journaliste Sylvain Chanel. Aujourd'hui, on pourrait nous éliminer. »

Duvalier est mort, vive le duvaliérisme. La situation en Haïti se résume à ça, en fait. Et aussi, à une polarisation accrue entre la classe dirigeante - ceux « qui ont un ego gros comme le palais national », dit le ministre de la Planification sous Aristide Renaud Bernardin - et ceux qui ont moins que rien, la majorité de la population. Ceux qui ont en horreur Jean-Bertrand Aristide, et qui n'hésiteraient pas à l'éliminer advenant son retour, et ceux qui ont vu en « Titid » un miracle, et n'hésiteraient pas à le défendre. Haïti court-elle donc vers la guerre civile ?

Au contraire, dit l'ex-premier ministre, Jean-Jacques Honorat, qui occupait encore le palais national au moment de ma visite. « C'est nous qui avons sauvé le pays de la guerre civile. » Suivent une longue diatribe contre la « catastrophe appelée Aristide » et un rappel du « devoir » qu'a tout pays de se protéger de l'ignominie. A écouter cet ex-défenseur des droits et libertés, on jurerait que la violence, c'est avant le coup d'État qu'elle s'est produite, pas après. « Les parlementaires ont été battus... tout le monde avait peur de se retrouver un pneu autour du cou », poursuit-il, passionné, n'hésitant pas à qualifier le seul président haïtien démocratiquement élu d'« Hitler » et d'« ayatollah ».

Maître démagogue, Jean-Jacques Honorat exagère bien sûr. En ce qui concerne les violations de la personne, il n'y a pas de comparaison entre le gouvernement Aristide et le régime autoproclamé actuel. Tous les organismes de défense des droits humains, d'Amnistie Internationale au Lawyers' Committee to Protect Human Rights à New York, sont formels là-dessus. Néanmoins, Honorat soulève un point important : l'intolérance qu'on retrouve partout en Haïti. « C'est le fléau numéro un du pays », déplore le doyen de la presse étrangère, Dominique Levanti.

C'est d'ailleurs le seul point sur lequel tout le monde s'entend là-bas : la difficulté d'accepter un point de vue adverse. Et, le cas échéant, l'envie de battre, la rage qui s'empare des gens. Si vous avez le malheur de renverser quelqu'un sur la route, par exemple, il ne faut surtout pas vous arrêter : vous risqueriez de vous faire empoigner et battre par la foule. « Ce ne sont pas les macoutes qu'il faut combattre, ajoute Levanti, c'est l'esprit du macoutisme en permanence ! »

Tout se passe, en fait, comme si la vengeance populaire, celle des petits soldats ou celle d'une foule en délire, était la seule issue, la seule possibilité d'expression pour une population trop longtemps brimée et méprisée. Tout se passe comme si Haïti n'avait toujours pas fini de payer une indépendance trop précoce, faite avant tout le monde, mais sans autre modèle en tête que celui du maître tortionnaire.

« Les traumatismes coloniaux, vous ne pouvez pas comprendre, mais ça marque pendant des centaines d'années, poursuit l'ex-premier ministre. Surtout l'esclavage. Nous étions sous la férule du colon armé d'un fouet. Celui qui a le droit d'exercer la coercition. Et qui frappe. N'importe qui. C'est un modèle et nous l'avons reproduit. C'est malheureux à dire mais Haïti est une société foncièrement intolérante. »

A l'Oloffson, les quelques clients de l'hôtel pataugent dans le noir, silencieux tout à coup. Interruption de courant. L'heure des ténèbres a sonné. « Au moins si c'était tous les jours à la même heure », dit Thompson en haussant les épaules.

Bientôt, les chiens se mettront à aboyer. Comme toutes les nuits, dans un concert de lamentations inimaginables, couvrant les coups de feu qui retentissent dans le noir. Toutes les nuits de Port-au-Prince sont comme ça. Au petit matin, quand les chiens auront fini d'aboyer, on trouvera un ou deux cadavres dans les rues, qu'on fera semblant de ne pas voir.

On peut tout faire avec une baïonnette, dit-on, sauf s'asseoir dessus. Mais en ce pays incroyable qu'est Haïti, on y arrive. On arrive même à sourire et à se parer de grands airs pour mieux dissimuler le coup. Mais pour combien de temps encore ?

Voilà la question.

Journaliste pigiste et membre du comité de direction du Canadian Committee to Protect Journalists, Francine Pelletier est allée en Haïti pour ce comité, afin d'y faire enquête sur les conditions de la presse.


Illustration(s) :

A port-au-Prince, on trouve un ou deux cadavres dans les rues le matin.
M. Bazin, nouveau premier ministre, très lié aux États-Unis.
Certains ont vu en Aristide un miracle.
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https://vuesdumonde.forumactif.com/
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Haïti:Au pays de l'intimidation :: Commentaires

mihou
Jean Dominique
Message Mer 1 Nov - 10:46 par mihou
Jean Dominique
From Wikipedia, the free encyclopedia


Jean Léopold Dominique (July 30, 1930-April 3, 2000) was a noted Haïtian journalist who spoke out against successive dictatorships. He was one of the first people in Haïti to broadcast in Kréyòl, the language spoken by most of the populace. Despite fleeing the country twice when his life was under threat, he continued to return to his native Haïti. He was assassinated on April 3, 2000, a crime for which no one has ever been prosecuted.

Dominique was born into the mulatto elite of Haïtian society. After completing his schooling, he trained as an agronomist in Paris, France. On his return, he began working with the poverty stricken peasantry. Using his skills, Dominique helped rural farmers to better manage their land and stay out of debt of wealthy landowners. Some landowners, in an effort to maintain control over the farmers, convinced local authorities to jail Dominique for six months. After his release he continued to witness the abuse of the peasantry. He became distressed at what he saw, and in time, emerged as one of the strongest critics of the regime of François "Papa Doc" Duvalier. During the 1960s, he became interested in film and founded Haïti's first film club. Later, he made one of Haïti's first documentaries entitled, "But I Am Beautiful, Too".

In the late 1960s, Dominique joined Radio Haïti as a reporter, and followed this in 1971, by purchasing the station's lease. He also began broadcasting in Kréyòl. This was the first time that a Haïtian radio station had broadcast locally in the language spoken by most of the populace, as opposed to French, which was the language of the ruling elite.

Despite pressure from the regimes of both "Papa Doc" and Jean-Claude "Baby Doc" Duvalier, Dominique continued criticising what he perceived to be injustices. This resulted in Radio Haïti being shut down several times, and finally, in Dominique being forced into exile in the United States in 1980.

In 1986, Dominique returned to Haïti, after the fall of the Duvalier regime. He was greeted at the airport by 60,000 people. There was some suggestion that he may have run for President himself, but Dominique declined to do so. He then became involved in the ruling Lavalas party. However, when the military overthrew the government of Jean-Bertrand Aristide in 1991, Dominique feared for his safety, and fled into exile again. He returned in 1994, after Aristide's return to power.

In the final years of his life, Dominique concentrated on issues of corruption and negligence. He criticised a pharmaceutical firm, Pharval Laboratories, for selling contaminated cough syrup that was responsible for the deaths of 60 children. Dominique also took on a former police chief Dany Toussaint (now a Haïtian Senator), whom he accused of having his rival for the position of Secretary of State for Public Security, Jean Lamy, assassinated. As a result of this, Toussaint's supporters surrounded and attacked the radio station building. The New York Haïtian radio station Radio Liberté had also reported that Dominique had received death threats via Toussaint's lawyers. This led Dominique to state "I know he has enough money to pay and arm henchmen," he said. "If he tries to move against me or the radio station and if I'm still alive, I'll close the station down and go into exile once again with my wife and children."

Dominique had also been strongly critical of United States policy towards Haïti, the Aristide government and, towards the end of his life, the role of Danny Toussaint within Aristide's political party Fanmi Lavalas Party (which had evolved out of the original Lavalas Party).

“I know that he [Dany Toussaint] has weapons. I know that he has the money to pay and arm his followers. Here, I have no other weapon than my journalist's pen. And [with it] my microphone and my unquenchable faith as a militant for true change. And let me be perfectly clear, I will not turn over to any freeloader in the world a monopoly over Lavalas, no matter who it is!”

On April 3, 2000, Dominique was shot four times in the chest as he arrived for work at Radio Haïti. The station's security guard was also killed in the attack. President René Préval ordered three days of official mourning, and 16,000 people attended his funeral at a sports stadium.

There have been numerous inconsistencies in the investigations into the murder, including the mysterious death of a suspect. Pharval Laboratories and Senator Toussaint came under suspicion as a result of the murder but Toussaint was the prime suspect. While the former somewhat cooperated with the inquiries, Toussaint claimed parliamentary immunity and refused to testify. The first investigating judge, Claudy Gassant, fled to the United States after suggesting that Toussaint be charged over the murder. Despite this, Gassant's superiors decided that no charges would be laid. Under increasing international pressure, the Arisitde government was able to arrest three alleged gunmen Ti Lou, Guimy and Markington. These three men all mysteriously escaped under the U.S. installed coup government of Gerald Latortue.

Though six more people were jailed in March, 2004 for involvement in the killing, the person who ordered it has never been found. Amnesty International and Reporters Without Borders have both strongly criticised the Haïtian government for not doing more to solve the case. Since the assassination, several large public protests have called for more action to be taken. Reporters Without Borders (RSF) and anti-Lavalas political parties within Haiti have been accused of exploiting the case for political purposes towards destabilizing Haiti's democratically elected governemnt which was overthrown in a U.S. backed military coup (February 2004).

In response to the failure of the Haitian government to properly investigate the case, RSF called for a government aid embargo which greatly contributed to a health crisis harming hundreds of thousands of people. New documentation shows that RSF during this time period was receiving grants from the U.S. Department of State. No evidence shows that Arisitde had any involvement in this murder. The interim government of Gerald Latortue made little progress in investigating the case either.

Months prior to the 2004 coup, Danny Toussaint joined the political opposition to the elected government, and ran for president in the 2006 presidential election. With Toussaint's departure from Lavalas he received little criticism from elites.

Dominique left behind a wife and daughter. His wife, Michele Montas, fled to the United States in late 2003 after the murder of her bodyguard and repeated death threats.

Dominique's life was the focus of the Jonathan Demme documentary The Agronomist. Wyclef Jean who called the ex-FAdH death squads invading Haiti in 2004 "freedom fighters" and who is the nephew of Pro-Coup and corrupt right-wing Haitian interim Ambassador Raymond Joseph, provided the music for the Agronomist.

http://en.wikipedia.org/wiki/Jean_Dominique
Trois ans après l’assassinat de Jean Dominique, Reporters sans frontières appelle à poursuivre la mobilisation

Le 3 avril 2003 marque le troisième anniversaire de l’assassinat de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter. Après la publication, le 21 mars dernier, d’une ordonnance de clôture d’enquête qui ne désigne aucun commanditaire et ne retient que l’inculpation de six exécutants déjà emprisonnés depuis plus de deux ans, Reporters sans frontières appelle l’ensemble de la société haïtienne à se mobiliser pour obtenir justice pour Jean Dominique.

Personne ne doit se satisfaire d’une justice qui ne répond pas à la principale question : qui a tué Jean Dominique ? Le départ en exil, après avoir été victime d’une tentative d’assassinat, de Michèle Montas, la veuve de Jean Dominique, puis la suspension par Radio Haïti Inter de ses émissions prouvent, malheureusement, que ce sont les assassins qui imposent leur loi en Haïti. Le départ en exil, en mai 2002, de sept membres de la famille du journaliste assassiné Brignol Lindor, qui avaient reçu des menaces, le confirme tristement.

Reporters sans frontières reste convaincue que, au-delà des familles des victimes, l’impunité dont bénéficient les assassins et agresseurs des journalistes est un message adressé à la presse pour ses critiques à l’encontre du gouvernement. Avec le départ en exil de vingt-neuf journalistes depuis trois ans, c’est le droit de la société haïtienne à être informée qui est en danger.

Pour maintenir la mobilisation nationale et internationale autour de l’affaire Jean Dominique, Reporters sans frontières a consacré son affiche mensuelle à l’anniversaire de l’assassinat du journaliste. Intitulée "En Haïti, les assassins font-ils la loi ?", cette affiche récapitule les principaux obstacles rencontrés par les enquêteurs avant de conclure "Ca suffit ! Justice pour Jean Dominique !" Cette affiche, bilingue français/anglais, est tirée à 3 500 exemplaires. Elle est distribuée auprès de nombreuses rédactions du monde entier et auprès des adhérents de Reporters sans frontières, pour la plupart des journalistes. Une diffusion spéciale est également prévue en Haïti.

Rappel des faits : une enquête marquée par de nombreux obstacles

Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Connu pour son indépendance de ton, Jean Dominique critiquait aussi bien les anciens duvaliéristes et les militaires que les grandes familles de la bourgeoisie ou ceux qu’il soupçonnait, au sein de Fanmi Lavalas, le parti du président Jean-Bertrand Aristide, de vouloir "détourner ce mouvement de ses principes".

En septembre 2000, l’enquête est confiée au juge Claudy Gassant. Son prédécesseur, le juge Jean-Sénat Fleury, avait demandé à être dessaisi du dossier après avoir reçu des menaces. Le 28 mai 2001, on apprend de sources judiciaires que le sénateur Dany Toussaint, de Fanmi Lavalas, le parti du président Aristide, a été inculpé. Le mandat du juge Gassant, qui prenait fin le 3 janvier 2002, n’a pas été immédiatement renouvelé par le président Aristide et le juge s’est alors réfugié aux Etats-Unis. Il avait subi de nombreuses pressions après avoir inculpé Dany Toussaint. Depuis juillet 2002, le dossier était entre les mains du juge Bernard Saint-Vil.

Depuis trois ans, pratiquement toutes les institutions de l’Etat ont fait obstacle à l’enquête. Le ministère de la Justice n’a jamais assuré de façon satisfaisante la sécurité du juge Gassant, pourtant menacé. La police a refusé d’exécuter des mandats d’arrêt. Elle est aussi soupçonnée d’avoir livré un important suspect à une foule de manifestants qui l’ont tué à coups de machette. Le Sénat s’est opposé à la levée de l’immunité parlementaire de l’un des siens, Dany Toussaint, pourtant considéré comme le principal suspect.

Le 25 décembre 2002, Michèle Montas, la veuve de Jean Dominique qui a repris la direction de la station, a été victime d’une tentative d’assassinat à son domicile, au cours de laquelle Maxime Séïde, l’un de ses gardes du corps, a été tué.

Le 21 février 2003, Michèle Montas a annoncé que Radio Haïti Inter cessait ses émissions en raison de nombreuses menaces reçues par le personnel de la radio : "Nous avons déjà perdu trois vies, nous refusons d’en perdre davantage". La directrice de Radio Haïti Inter a cependant précisé que la station ne fermera pas et que la décision de cesser les émissions est temporaire.

Le 21 mars, le juge Bernard Saint-Vil a publié son ordonnance de renvoi accompagnée de la liste des personnes inculpées pour la mort du journaliste. Six exécutants détenus depuis plus de deux ans restent formellement inculpés. En revanche, le sénateur Dany Toussaint et plusieurs de ses proches sont blanchis. Aucun commanditaire n’est désigné.
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=5759
mihou
Qui a tué Jean Dominique ?
Message Mer 1 Nov - 10:48 par mihou
Qui a tué Jean Dominique ?

Haïti:Au pays de l'intimidation Art927-1

3 AVRIL 2000 - 3 AVRIL 2001

"S’ils ont pu tuer Jean Dominique, ils peuvent tuer n’importe quel journaliste"

Rapport de mission en Haïti - 19 au 25 mars 2001

Introduction

Le 3 avril 2000, Jean Dominique, journaliste et commentateur politique haïtien, était abattu dans la cour de sa station, Radio Haïti Inter. Cet assassinat de l’un des journalistes les plus célèbres du pays a profondément choqué la population : tandis que le président René Préval décrétait trois jours de deuil national, 16 000 personnes étaient présentes au stade Sylvie Cator pour assister aux funérailles. Depuis, une fondation a été créée, la "Fondasyon Eko Vwa Jean Dominique", pour faire en sorte que le crime ne reste pas impuni, et prolonger l’engagement du directeur de Radio Haïti Inter en faveur de l’éducation et de la formation de la population.

"S’ils ont pu tuer Jean Dominique, ils peuvent tuer n’importe quel journaliste." A l’image de Lilianne Pierre-Paul, l’actuelle directrice de Radio Kiskeya et ancienne journaliste de Radio Haïti Inter, l’ensemble des journalistes haïtiens a pris cet assassinat comme un avertissement adressé à toute la presse.

Un an plus tard, une délégation de Reporters sans frontières s’est rendue sur place, du 19 au 25 mars 2001, pour évaluer l’état d’avancement de l’enquête et identifier les problèmes susceptibles de l’entraver.

Dans un pays qui a connu une dizaine d’assassinats politiques au cours des deux dernières années, où des journalistes ont récemment été l’objet d’un appel au meurtre , l’aboutissement de l’enquête sur le meurtre de Jean Dominique marquerait en effet une rupture salutaire avec la culture d’impunité que connaît le pays.

Compte tenu du climat qui règne à Haïti, la plupart des personnes rencontrées par la délégation de Reporters sans frontières ont demandé à garder l’anonymat.

Jean Dominique : les combats d’un démocrate
Né le 30 juillet 1930, Jean Dominique est issu de l’élite mulâtre, dans une société fortement hiérarchisée par la couleur de la peau. Agronome de formation, il s’engage aux côtés des paysans et des pauvres, ce qui lui vaudra d’être souvent considéré comme un traître par les membres de sa classe sociale. A la fin des années 1960, il entre à Radio Haïti comme reporter, station qu’il rachète en 1971 pour la rebaptiser Radio Haïti Inter. Sous sa direction, la radio multiplie les innovations. Elle lance la première programmation en créole, dans un pays où seule une petite minorité parle le français, prône le journalisme de terrain et traite l’actualité internationale. Pourfendeur du régime des Duvalier (1957-1986), il est contraint à l’exil en janvier 1981 après que sa femme, Michèle Montas, et plusieurs membres de l’équipe de Radio Haïti Inter ont été arrêtés puis expulsés par les services de sécurité. Rentré après la chute de Jean-Claude Duvalier, Baby Doc, en février 1986, il quitte de nouveau le pays en 1991, fuyant l’arrivée au pouvoir des militaires. Il reviendra en 1994, lorsque tombe le régime militaire.

Après le départ des Duvalier, son combat pour la démocratie et ses préoccupations pour les questions sociales le conduisent à soutenir le mouvement Lavalas, créé autour de la candidature de Jean-Bertrand Aristide à la présidence, en 1990. Jaloux de son indépendance, Jean Dominique a cependant toujours refusé d’être le candidat d’un parti. Lorsque son ami René Préval accède à la présidence en février 1996, il devient son conseiller sans pour autant devenir membre de son cabinet. Il continue à animer son émission "Inter actualités", où il analyse et commente l’actualité haïtienne, et son programme d’interviews "Face à l’opinion". Ses critiques acerbes contre l’élite économique, les anciens duvaliéristes, les militaires, la politique haïtienne des Etats-Unis et, dernièrement, certains membres de Fanmi Lavalas, lui valent de nombreux ennemis.

Jean Dominique est abattu le 3 avril 2000, à son arrivée à la radio, située au 522 rue Delmas, dans le quartier du même nom de la banlieue de Port-au-Prince. Après avoir manœuvré pour garer sa voiture dans la petite cour de la radio, le journaliste descend de son véhicule pour se diriger vers l’entrée du bâtiment. Entre-temps, un inconnu est entré à pied dans l’enceinte de la radio. S’approchant de Jean Dominique, il sort son arme et tire à sept reprises dans sa direction, avec des balles de calibre 9 mm. Quatre projectiles au moins atteignent le journaliste, le blessant mortellement à la carotide et à l’aorte. Le journaliste meurt pratiquement sur le coup. Jean-Claude Louissaint, le gardien de la station, est immédiatement abattu d’une balle de même calibre, mais dite "à pointe creuse".

"Jean a été tué parce qu’il était incontrôlable"
Pour son épouse Michèle Montas, un an après l’assassinat, il n’y a qu’une certitude : "Jean a été tué parce qu’il était incontrôlable." Un homme d’autant plus dangereux qu’"il avait les moyens d’empêcher beaucoup de gens de faire beaucoup d’argent", ajoute la veuve du journaliste, avant de préciser que, contrairement à certaines rumeurs, "Jean n’avait de dossiers sur personne, mais avait cette capacité à saisir des informations éparses pour les analyser et révéler ce qu’elles annonçaient." Sa fille Gigi rappelle par ailleurs que les questions sans complaisance du journaliste avaient valu à plusieurs personnes de perdre leur poste après une interview.

Dans ses dernières interventions à l’antenne, Jean Dominique accusait plusieurs institutions participant à l’organisation des élections parlementaires du 21 mai 2000 de préparer un "coup d’Etat électoral", destiné à empêcher une vaste participation populaire à ces élections. Il avait critiqué les courts délais donnés à la population pour s’inscrire sur les listes électorales et le nombre réduit de bureaux d’enregistrement des électeurs. Dans ses éditoriaux, il avait mis en cause le CNO (Conseil national d’observation des élections), un organisme regroupant plusieurs organisations de la société civile, et le CEP (Conseil électoral provisoire), une institution officielle chargée de l’organisation des élections. Léopold Berlanger, directeur du CNO, a été "invité" (le terme utilisé en Haïti pour "convoqué") comme témoin par le juge d’instruction, début novembre 2000 puis début février 2001. Pour Léopold Berlanger, l’assassinat de Jean Dominique a été utilisé comme prétexte pour attaquer le CNO.

A plusieurs reprises, Jean Dominique s’en était pris à l’entreprise pharmaceutique Pharval, contrôlée par la famille Boulos. En 1997, il avait dénoncé la mort de 80 enfants, empoisonnés par un sirop contre la toux produit par l’entreprise. Plus récemment, il avait mis en cause la même entreprise dans un scandale concernant la fabrication d’un produit frelaté à l’éthanol.

En octobre 1999, il avait accusé Dany Toussaint, membre de Fanmi Lavalas et ancien chef de la police intérimaire (1995-1996), d’être à l’origine d’une campagne de diffamation contre Robert Manuel, ancien secrétaire d’Etat à la Sécurité publique, et Pierre Denizé, alors directeur général de la Police nationale de Haïti (PNH). Les deux hommes étaient mis en cause, sur plusieurs radios, dans l’assassinat, le 8 octobre 1999, de Jean Lamy, pressenti pour être le successeur de Robert Manuel. Dans un éditorial du 19 octobre 1999, Jean Dominique mettait en garde Jean-Bertrand Aristide contre "les ambitions" de Dany Toussaint. Après avoir accusé ce dernier d’avoir envoyé, la veille, des hommes de mains protester devant sa radio pour l’intimider, il prévenait : "Je sais qu’il a la fortune qu’il faut pour payer et armer des sbires (...). Si Dany Toussaint tente alors autre chose contre moi ou contre la radio et si j’ai la vie sauve, je fermerai le poste (...) et je prendrai une nouvelle fois le chemin de l’exil avec ma femme et mes enfants."

Enfin, dans une émission diffusée le 9 février 2000 sur la station Radio Liberté, basée à New York, Jean-Claude Nord et Gérard Georges, deux des avocats de Dany Toussaint, et l’ancien duvaliériste Serge Beaulieu, avaient menacé de mort Jean Dominique et Michèle Montas. Quelques mois plus tard, Jean-Claude Nord demandera que Michèle Montas s’explique devant la justice sur le fait qu’elle n’ait pas été aux côtés de son mari le jour de son assassinat, insinuant qu’elle aurait pu faire éliminer son époux pour toucher une assurance vie. Il accusera également la femme du journaliste d’être à l’origine des attaques visant à ruiner la candidature de Dany Toussaint à l’élection présidentielle de 2005.

Les résultats de l’enquête
Les débuts de l’enquête ont été marqués par de nombreuses fausses pistes. Quelques jours seulement après le 3 avril, on apprend que le cadavre de "l’assassin présumé du journaliste" a été retrouvé pour découvrir, peu après, que l’inconnu en question est décédé trois jours avant la date de l’assassinat. Fin avril, alors qu’il s’apprêtait à traverser la frontière pour se rendre en République dominicaine, Bob Lecorps, un homme déjà accusé en 1997 d’avoir participé à l’assassinat de l’ancien ministre de la Justice Guy Malary, est arrêté. Faute de preuves, la piste est rapidement abandonnée. Lecorps est libéré.

Entre 70 à 80 personnes ont été entendues par Jean Sénat Fleury et Claudy Gassant, les deux juges qui ont successivement mené l’instruction. Un an après, les enquêteurs sont parvenus à établir les faits suivants : L’assassinat a été planifié au cours de plusieurs réunions. Le 3 avril, les assassins sont postés devant la radio à partir de 5h30. Sept personnes sont présentes : deux tueurs et cinq complices. Ces derniers attendent dans trois voitures : une Nissan Pathfinder rouge dans laquelle les deux tueurs ont pris la fuite, une Cherokee blanche, ainsi qu’une camionnette, garée un peu plus bas dans la rue. Malgré la nature différente des balles retrouvées dans le corps de Jean Dominique et de Jean-Claude Louissaint, les projectiles pourraient provenir de la même arme, qui n’a pas été retrouvée. Deux des voitures ayant servi au crime, la Cherokee blanche et la Nissan Pathfinder, sont des véhicules volés qui avaient déjà été utilisés pour d’autres crimes. Le troisième véhicule sera retrouvé carbonisé.

Si aucun commanditaire n’a encore été inquiété, les juges ont incarcéré six personnes pour leur participation directe ou indirecte dans l’assassinat : Le tueur présumé, Jamely Millien, surnommé "Tilou", arrêté une dizaine de jours après l’assassinat. Le deuxième tireur, Jean Daniel Jeudi, dit "Gime", frère de "Tilou". Son rôle aurait consisté à couvrir son frère pendant l’assassinat. Il a été arrêté quelques semaines après le début de l’enquête. Un individu dont on sait qu’il avait des contacts au palais national. Philippe Markington, un homme connu pour revendre les informations que ses entrées au sein de différentes institutions lui permettent de se procurer. Il s’était présenté aux enquêteurs quelques jours après le 3 avril, affirmant qu’il avait vu toute la scène alors que, par hasard, il attendait quelqu’un sur le lieu du crime ce jour-là. Il était prêt à collaborer avec la justice en échange de la libération d’un ami. La précision de son témoignage a conduit la police à soupçonner P. Markington d’avoir lui-même participé au meurtre. Celui-ci avait notamment donné les numéros des plaques d’immatriculation de deux des véhicules, et le lieu où le troisième véhicule avait été abandonné. Deux policiers. L’un, nommé Ralph Léger, a été arrêté alors qu’il était en possession de la Cherokee blanche ayant participé au crime.

D’après une enquête réalisée par la journaliste Ana Arana pour la Société interaméricaine de presse (SIP), publiée le 12 mars, les trois premiers suspects auraient des liens avec Ronald Camille, plus connu sous le nom de "Ronald Cadavre", soupçonné d’être le chef de plusieurs organisations criminelles. Une trentaine de crimes lui seraient imputés. Son nom avait été cité dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du sénateur de l’opposition Yvon Toussaint. Ronald Cadavre est soupçonné de contrôler les trafics de voitures, de camions et d’armes dans la zone portuaire et de rançonner les commerçants de Port-au-Prince. D’après Ana Arana, "son territoire s’étend du port (...) jusqu’au grand marché du centre". Ronald Cadavre, qui aurait accaparé aujourd’hui le contrôle de la sécurité du port de la capitale, a été entendu par le juge d’instruction comme témoin. Son frère, Franco Camille, est membre de Fanmi Lavalas.

Zones d’ombres : la mort de Jean Wilner Lalanne.
C’est en enquêtant sur l’origine des voitures ayant été utilisées dans l’assassinat de Jean Dominique que les enquêteurs se sont intéressés à Jean Wilner Lalanne. Ce dernier travaillait pour un réseau de voitures volées. Il était également recherché pour l’assassinat d’un ingénieur dans la banlieue nord de Port-au-Prince. Bien que déjà appréhendé dans cette première affaire, il avait, à l’époque, été libéré dans des circonstances douteuses.

Soupçonné d’être le lien entre les tueurs et les commanditaires, Jean Wilner Lalanne est arrêté le 15 juin 2000. Blessé par balles à la fesse et à la cuisse lors de son interpellation, il décède treize jours plus tard au cours de l’opération qu’il subit pour une fracture du fémur. La cause exacte du décès n’a pas été établie. Le diagnostic du chirurgien orthopédiste qui a mené l’opération, le Dr Alix Charles, privilégie la thèse de l’embolie pulmonaire, mais ce diagnostic aurait été contredit par l’autopsie. Deux mois plus tard, lorsqu’une nouvelle autopsie est ordonnée, on constate que le corps de Lalanne a disparu depuis plusieurs semaines sans aucune explication. Une enquête a été ouverte par le juge d’instruction.

Début juillet 2000, quelques jours après la mort de Jean Wilner Lalanne, Radio Haïti Inter s’était interrogée sur le recours à la violence lors de l’arrestation de ce suspect. Au total, trois des personnes arrêtées pour leur participation supposée à l’assassinat de Jean Dominique ont été blessées lors de leur interpellation, dont le tueur présumé, Jamely Millien. Après son arrestation, Lalanne a fait part à plusieurs reprises de sa peur d’être tué. Or, au début de son séjour à l’hôpital, personne n’avait été affecté à sa surveillance. Par la suite, des personnes ont pu le rencontrer dans sa chambre sans la présence des policiers. Pendant les treize jours qui ont précédé son opération, Lalanne n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction qui l’aurait interrogé uniquement sur l’assassinat de l’ingénieur.

Alors qu’il avait désigné un autre médecin, Lalanne a été opéré par le Dr Alix Charles. Le 28 juin 2000, il est transféré de l’Hôpital général à l’hôpital Saint-François de Sales où il est opéré dans l’après-midi par le Dr Charles, assisté d’un chirurgien assistant, le Dr Delaneau, et de deux anesthésistes, Marie Yves-Rose Chrisostome et Gina Georges. Les quatre personnes ont été par la suite entendues par le juge. Le Dr Alix Charles est aujourd’hui inculpé pour homicide involontaire, mais il n’a pas répondu à la convocation du juge. Quatre autres personnes sont actuellement incarcérées dans le cadre de cette affaire.

En fait, plusieurs personnes s’interrogent sur les liens existant entre le Dr Charles et Dany Toussaint. Le Dr Charles est un ami de Richard Salomon, considéré comme le "bras droit" du sénateur. Par ailleurs, c’est l’avocat de Lalanne, Me Ephésien Joassaint, qui est venu solliciter le médecin. Or, Me Joassaint avait été recommandé à Lalanne par Jean-Claude Nord, l’avocat de Dany Toussaint.
mihou
Re: Haïti:Au pays de l'intimidation
Message Mer 1 Nov - 10:50 par mihou
L’obstruction du Sénat
En charge du dossier depuis le mois de septembre, le juge Claudy Gassant a invité le sénateur Dany Toussaint à être entendu comme témoin au début du mois de novembre. Le Sénat va s’opposer à la demande du juge, mettant en avant l’immunité parlementaire du sénateur. Or, d’après la Constitution haïtienne, l’immunité parlementaire n’est opposable que lorsque la liberté individuelle du parlementaire est mise en cause, ce qui n’était pas le cas.

Pendant cette période, les pressions sur le juge ont été extrêmement fortes. Le président du Sénat, Yvon Neptune, a déclaré qu’"un simple petit juge ne peut pas convoquer quelqu’un du grand corps". Le Sénat a menacé d’ouvrir "une enquête sur les motivations exactes" du juge Gassant. Un proche du sénateur Prince Pierre Sonson, qui avait demandé que Dany Toussaint réponde à l’invitation du juge, a affirmé avoir été menacé.

Plus grave encore, le 30 janvier 2001, alors qu’il vient d’entendre comme témoins des proches de Dany Toussaint, le juge Gassant est menacé par le député Millien Rommage, ancien numéro deux de la sécurité du Président et proche de M. Toussaint. Au volant d’un véhicule privé, et accompagné de plusieurs hommes lourdement armés, M. Rommage a prévenu le juge Gassant que "s’il continuait", il pourrait cribler de balles sa voiture.

Le 21 février, Dany Toussaint a finalement demandé au président du Sénat l’autorisation de se présenter au juge. Depuis, il a été entendu à plusieurs reprises par ce dernier.

Les pressions exercées sur les juges
La Constitution à la main, le juge Gassant a affirmé aux membres de la délégation de Reporters sans frontières qu’il entendait utiliser tous les moyens que lui donne la législation pour mener l’instruction à son terme. Mais ses initiatives se heurtent à l’hostilité ou aux habitudes de certaines classes sociales ou catégories professionnelles.

Au mois de mars 2001, un groupe de plusieurs avocats, parmi lesquels le président du barrreau, Me Rigaud Duplan, a ainsi publié un communiqué de presse dans lequel il reproche au juge Gassant de ne pas autoriser la présence des avocats lors de l’audience de leurs clients comme témoin dans cette affaire. La présence des avocats est généralement acceptée, mais le juge fait valoir que, d’après les articles 58 et 59 du Code d’instruction criminelle, elle n’est pas obligatoire. Quelques semaines plus tôt, il s’était heurté aux réticences de plusieurs membres de l’Association des médecins haïtiens et de la faculté de médecine, qui n’avaient pas apprécié qu’il vienne enquêter sur place. Au mois de février, des députés l’ont pris à partie, lui reprochant d’avoir "illégalement" arrêté un individu dans l’enceinte du Parlement, alors que la personne avait pourtant été appréhendée sur ordre de Pierre Paul Cotin, le président de la chambre des députés.

Interrogé sur la diffusion du rapport de la SIP, le juge Gassant s’est dit choqué par la publication des noms des personnes incarcérées : il estime qu’elles sont protégées par le secret de l’instruction et que cela met en jeu leur sécurité. Lui-même bénéficie de la protection de quatre policiers. Au plus fort de la crise avec le Sénat, il avait également bénéficié de la protection de cinq hommes des Swat, une unité spéciale de la police. Sa famille est réfugiée à l’étranger et il change régulièrement de domicile. Un jour, craignant pour leur vie, trois des hommes affectés à sa sécurité ont fait défection.

Intimidé, son prédécesseur, le juge Jean Sénat Fleury, avait préféré abandonner le dossier. Lorsque, le 26 juillet 2000, il avait invité Dany Toussaint, qui n’était pas encore sénateur, à être entendu comme témoin, ce dernier s’était présenté accompagné d’un groupe de "chimères" - hommes de mains recrutés dans les quartiers populaires de la capitale - venu hurler des slogans hostiles sous les fenêtres du palais de justice.

Enfin si Michèle Montas ne reçoit plus d’appels anonymes, sa vie reste néanmoins menacée : "Je mesure la gravité des menaces au nombre de gardes du corps qui me sont affectés", explique-t-elle, en précisant qu’ils avaient été doublés lors de la crise ayant opposé le juge Gassant au Sénat. Rappelant que le jour de l’assassinat elle aurait pu se trouver aux côtés de Jean Dominique, Michèle Montas se considère aujourd’hui comme une morte en sursis. "Ce type d’affaire peut vous coûter la vie", résume un magistrat.

Le sénateur Toussaint s’explique
Elu au Sénat en mai 2000, Dany Toussaint a prêté serment quatre mois plus tard et occupe actuellement la présidence de la Commission "justice, police et sécurité". Interrogé par la délégation de Reporters sans frontières sur ses relations avec Jean Dominique, il affirme que le journaliste n’était pas son ennemi. L’ex-major de l’armée dément par ailleurs toute responsabilité dans la présence de "chimères" devant Radio Haïti Inter, le 18 octobre 1999, et explique que, ce jour-là, il assistait aux funérailles d’un membre de sa sécurité.

Plus généralement, le sénateur met en avant sa grande popularité et se présente comme "une étoile montante" que l’on voudrait "abattre". D’après lui, l’assassinat de Jean Dominique a été utilisé très vite contre lui, soulignant que l’éditorial du 19 octobre aurait été distribué dans les rues de Port-au-Prince le jour même de l’assassinat. Dany Toussaint reproche au juge Gassant de vouloir "faire du bruit" autour de ses citations comme témoin. Dans sa lettre du 21 février au président du Sénat, il avait déjà dénoncé "la volonté manifeste des autorités judiciaires haïtiennes de porter insidieusement atteinte à [son] honneur". Cependant, interrogé sur la convocation du 26 juillet où il était venu accompagné de ses partisans, il explique qu’il "ne [savait] pas [qu’il] fallait [qu’il] dise à [ses] supporters de ne pas venir".

Dany Toussaint dément par ailleurs toutes les rumeurs d’enrichissement personnel qui lui sont faites. Relevés de comptes bancaires à l’appui, il affirme avoir de gros problèmes financiers après la revente d’une entreprise de jeux vidéo. Cependant, il reconnaît posséder un autre compte que celui dont il a présenté les relevés aux représentants de Reporters sans frontières.

Quant à l’attitude du Sénat, il explique qu’il était personnellement disposé à répondre à la convocation du juge, mais qu’il existait une situation de "carence de la loi", et qu’il appartenait au Sénat de se prononcer sur la validité de la décision du juge. Il rappelle qu’il avait lui-même demandé au président du Sénat, Yvon Neptune, l’autorisation de répondre à l’invitation du juge.

En ce qui concerne les personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Jean Dominique, Dany Toussaint déclare que, même comme ancien chef de la police intérimaire (1995-1996), il n’en connaît aucune, précisant qu’il n’a connu Jean Wilner Lalanne "ni avant sa mort, ni après". Alors que certaines de ces personnes sont soupçonnées de participer à des trafics de voitures volées, il souligne qu’il est lui-même l’auteur d’un projet de loi visant à criminaliser le vol de voitures en Haïti. Au sujet de Ronald Cadavre, le sénateur explique dans un premier temps qu’il a "l’habitude de le voir" car son frère, Franco Camille, est membre de Fanmi Lavalas, avant de se reprendre et de préciser qu’il ne l’a rencontré qu’une fois au printemps 2000, lors de sa campagne à l’élection sénatoriale. Pour lui, Jean Dominique avait écrit des éditoriaux bien plus durs contre d’autres personnes, et les responsables du meurtre sont à rechercher du côté de la mafia, "des anciens duvaliéristes", ou de l’Etat.

Volonté politique et mobilisation populaire
Les résultats obtenus par les enquêteurs en dépit des nombreuses difficultés rencontrées au cours de l’enquête ont été rendus possibles par le soutien inconditionnel qu’ils ont reçu de l’administration du président René Préval. Celle-ci a mis à leur disposition des moyens exceptionnels, non seulement pour garantir leur propre sécurité, mais aussi pour mener à bien l’enquête, tant dans le domaine logistique que financier.

Depuis le jour des funérailles du journaliste, la mobilisation populaire autour de l’enquête, encouragée et soutenue par Radio Haïti Inter, a été et reste fondamentale, contraignant enquêteurs et témoins à rendre des comptes. Après la mort de Jean Wilner Lalanne, plusieurs manifestations se sont tenues devant le palais de justice ou le parquet, pour demander justice et protester contre les lenteurs de l’enquête. Six mois plus tard, du 3 au 5 février 2001, Radio Haïti Inter cessait ses émissions pour protester contre "les tentatives délibérées et arbitraires du Sénat de bloquer l’enquête judiciaire sur le meurtre commandité du journaliste".

Dernièrement, aux côtés de la "Fondasyon Eko Vwa Jean Dominique", une vingtaine d’associations ont décidé de créer un front commun contre l’impunité et l’insécurité. L’objectif poursuivi est d’encourager chacune des associations membres à multiplier les initiatives concrètes pour lutter contre l’impunité. Autour du 3 avril 2001, jour anniversaire de la mort du journaliste, plusieurs événements sont également prévus : expositions, débats, campagne de presse, projection d’un documentaire du réalisateur Jonathan Demme. Pour Michèle Montas, le message doit être clair : "Nous vivons dans un climat d’impunité. Les coupables finissent toujours par s’en tirer. Cette fois-ci, ils n’auront pas cette chance."

Conclusions et recommandations
Au cours de sa mission d’enquête, la délégation de Reporters sans frontières a pu constater qu’à plusieurs reprises, l’instruction a été marquée par des blocages, des pressions et des épisodes troublants. L’organisation considère que des résultats encourageants ont néanmoins été obtenus par les enquêteurs, rendus possibles par le soutien inconditionnel apporté par l’administration du président René Préval et la mobilisation de l’opinion publique,.

Reporters sans frontières se félicite des déclarations du président Jean-Bertrand Aristide en faveur d’une "dynamisation du processus de l’enquête", faites lors de sa visite dans les locaux de Radio Haïti Inter, le 3 mars 2001. L’organisation salue également les engagements pris par le ministre de la Justice, Me Gary Lissade, de donner aux enquêteurs "tout le support nécessaire pour que l’enquête ne rencontre aucun obstacle".

Craignant néanmoins que l’instruction ne rencontre de nouveaux obstacles, Reporters sans frontières recommande : au gouvernement haïtien, de continuer à garantir la protection des personnes liées à l’enquête et de renforcer les moyens financiers, matériels et logistiques attribués à l’instruction, au pouvoir législatif, de respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire, au pouvoir exécutif, d’appliquer les décisions de justice, quelles que soient les personnes mises en cause, à l’Organisation des Etats américains, à l’Union européenne, à l’Organisation internationale de la Francophonie et au Rapporteur spécial des Nations unies pour Haïti, d’accorder une attention particulière à cette affaire.
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=930
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